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mercredi 1 décembre 2021

Que change l’indice de réparabilité ?


Les associations de consommateurs dénoncent depuis longtemps la faible durée de vie de nombreux équipements. Cette fragilité est parfois délibérée, ces appareils ayant été conçus pour tomber en panne au bout d’un certain temps, ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. 

Outre un vice futur, souvent caché, ce terme englobe également le manque de moyens nécessaires à sa remise en fonctionnement, comme des pièces détachées. 

Dénoncée depuis très longtemps, cette pratique est interdite depuis 2015. Selon l’article L. 213-4-1.-I, le législateur la définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement. 

Depuis lors, 
  • L'obsolescence programmée est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300.000 € d'amende. 
  • Et, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. 

Depuis cette date, la Loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi « AGEC ») a été promulguée le 10 février 2020. Composée de 130 articles, elle a pour objectifs de mettre en œuvre les mesures de la Feuille de route pour une économie circulaire et de transposer les directives du paquet européen de l’économie circulaire, publiés en 2018. 

Lutter contre le gaspillage c’est considérer que les produits ont plusieurs vies, qu’ils peuvent être réparés ou réemployés. 

La loi prévoit ainsi un accès plus simple aux pièces détachées. Cette mesure concerne les équipements électriques et électroniques (téléphones mobiles, matériel informatique, petit et gros électroménager, télévisions, chaînes Hi-Fi…) et les meubles. Les pièces détachées doivent ainsi être disponibles pendant 5 ans pour les PC et les téléphones portables. 

Une plus grande transparence 

Un « indice de réparabilité » a même été imaginé pour que consommateur sache si son produit est réparable, difficilement réparable ou non réparable. Que l’achat de l’un des produits soumis à l’indice de réparabilité se fasse en magasin ou sur internet, son indice de réparabilité doit être communiqué sur le produit, son emballage ou bien la fiche produit dans le cas d’un achat à distance. 

À ce jour, l’indice de réparabilité est obligatoire pour les 5 produits suivants : 
  • lave-linge à hublot 
  • smartphone 
  • ordinateur portable 
  • téléviseur 
  • tondeuse à gazon électrique. 
Entré en vigueur début janvier, cet indice pourrait à terme devenir un critère d’achat. 

De plus, les pouvoirs publics devraient passer à un indice de durabilité en 2024, qui prendra en compte la fiabilité et la robustesse des produits. 

De multiples bénéfices 

Ces nouvelles dispositions étaient attendues, car elles ne présentent que des avantages : 
  • Allonger la durée de vie des produits permet de réduire l’extraction de ressources 
  • Limiter la production de déchets issus des produits trop vite obsolètes, 
  • Réduire les émissions de GES, 
  • Améliorer le pouvoir d’achat des ménages. 
  • Et, réduire « la double peine », qui veut que les ménages les plus modestes achètent des biens d’équipements moins chers, et donc souvent moins fiables. 
De plus, une étude France Stratégie de 2016 évalue à 800.000 le nombre d’emplois en France dans le domaine de l’économie circulaire, dont 230.000 dans le seul secteur de la réparation. 

L'objectif de la loi AGEC (Anti-Gaspillage et pour l’Economie Circulaire) est d’ailleurs de créer 300.000 emplois supplémentaires, locaux et couvrant toute la palette de qualifications dans les secteurs du réemploi, de la réparation, du recyclage des ressources (en particulier des plastiques) et dans les nouveaux services liés à l’économie de la fonctionnalité. 

 Il faut savoir qu’une tonne de déchets recyclés permet de créer 10 fois plus d’emplois qu’une tonne enfouie. 

De fait, une partie de ces nouveaux emplois existaient déjà il y a plus de 40 ans. 

L’influence des ONG 

Ces mesures n’auraient jamais vu le jour sans un dialogue nourri entre parties prenantes, un processus qui a commencé en 2017. 

La loi sur la durabilité a notamment été portée par l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP), créée en 2015, dont les missions sont de fédérer les citoyens et d’influencer les lois et les industriels pour des produits plus réparables et durables. 

 L’une de ces particularités est aussi d’avoir réussi à organiser un « club de la durabilité », dans lequel elle dialogue avec des entreprises pour favoriser les échanges de bonnes pratiques permettant de proposer des produits plus durables. Ces entreprises essaient de mieux conseiller leurs clients sur l’usage de leurs produits, de valoriser leurs réparateurs et de rendre visible leurs pratiques vertueuses. 

  • L’une de ces entreprises est Bureau Vallée, une marque de papeterie chez qui j’achète mes cartouches d’encre. Depuis 1994, cette enseigne rachète en magasin les cartouches d’imprimante vides dans une logique d’économie circulaire. En 2019, ses magasins ont récupéré plus de 2,2 millions de cartouches vides. Ce sont autant de déchets évités car ses fournisseurs se chargent ensuite de les recycler ou de les reconditionner quand c’est possible. 
  • Dans la même veine, Fnac Darty indiquait en mars dernier dans une interview avoir plus de 2.000 personnes dédiées à temps plein à la réparation, et disait avoir lancé le recrutement de 500 techniciens. L’enseigne répare 1,5 million d’appareils actuellement. L’enseigne compte porter de chiffre à 2,5 millions en 2025. 
Pour Nicolas Renard, Directeur exécutif de l'Institut Veolia, qui a organisé la semaine dernière un colloque sur le recyclage, l’économie circulaire, qui a été le modèle dominant dans l’histoire humaine jusqu’à il y a deux siècles, constitue plus un potentiel qu’une réalité. 

 Il plaide pour que tout ce qui est produit soit conçu comme un assemblage de déchets futurs susceptibles d’être réutilisés, réemployés ou transformés. 

Des points de vigilance 

Concernant l’indice de réparabilité, les associations vont faire attention au contrôle et à la transparence, être sûr d’avoir accès à la manière dont les fabricants ont construit leurs notes. D’autres aspects moins visibles de l’obsolescence programmée n’ont pas complètement été résolus. 

  • HOP aurait souhaité des mesures contre l’obsolescence psychologique ou esthétique, qui fait que la publicité et le marketing nous poussent à jeter des appareils ou des équipements qui fonctionnent encore, mais qui seraient artificiellement devenus démodés ou moins désirables. 
  • Il existe aussi un phénomène pernicieux lié aux logiciels, lorsque par exemple un produit numérique ne fonctionne plus car il n’est plus mis à jour. 

L’Europe commence à s’emparer de ces sujets. A ce titre, elle a observé avec intérêt l’initiative de la France dans l’économie circulaire concrétisée avec la loi AGEC. 

 Pour aller plus loin : 

Institut Véolia : Industrie et déchets : sur la voie de l’économie circulaire. https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/revue-linstitut-facts-reports/industrie-dechets-voie-leconomie-circulaire 

Conférence débat du 23 novembre dernier. Avec Valérie Guillard (Université Paris Dauphine), Ronan Groussier (Association Halte à l'Obsolescence Programmée-HOP), Jean-Paul Raillard (Fédération Envie) et Cédric L’Elchat (Veolia).

 


Club de la durabilité 


Tribune du Club de la durabilité dans le Monde 
  
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