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jeudi 29 juin 2023

Comment les petites communes veulent sauver leur dernier bistrot


Le nombre de débits de boisson serait passé de 200.000 en 1960 à 34.880 en 2020. Le bistrot est souvent le dernier commerce présent au cœur des villages en voie de désertification. 

Selon l’Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), 26.000 communes n’avaient pas de café en 2018. 

Signe qui ne trompe pas, la réouverture des cafés et des terrasses après les confinements a été saluée par la population. Considérant qu’il s’agit de « lieux de convivialité », le Sénat cite un sondage de l’IFOP de 2018 en marge d’un projet de loi : 

90% des Français considèrent que, dans une commune rurale, la présence d'un CHR contribue à la vie économique et au lien social, à la capacité d'une commune à garder ses habitants, à l'attractivité touristique, à l'installation d'autres commerces, et à la création d'emplois

C’est pourquoi de plus en plus de communes se mobilisent pour leur maintien ou leur réouverture. Un coup de pouce se révèle souvent indispensable pour valider le concept, car la fermeture du café peut aussi avoir des raisons profondes : désertification, achat d’alcool dans la grande distribution, mono-activité, coût des remises aux normes,… 

Rachat de licence

A 35 km de Toulouse, le maire de Toutens (400 habitants) a convaincu le conseil municipal qu’il fallait racheter la licence d’un restaurant, qui affichait porte close. L'objectif était de préserver la Licence IV pour la mettre à disposition d'un futur projet de bistrot dans le village. 

En attendant de trouver un repreneur, la municipalité a donc décidé d'exploiter la licence au moins une fois par an. Elle a ainsi conclu une convention avec le club de pétanque local pour assurer cette exploitation. Une membre du club s'est même portée volontaire pour suivre une formation, ce qui est obligatoire. La Licence IV sera exploitée dans la maison des associations, qui a été aménagée avec un bar pour assurer le service de boissons. 

De même, à Breteuil dans l’Eure, la commune a investi 9.500€ pour mettre la main que la Licence IV d’un débit de boisson situé sur la commune et placé en liquidation judiciaire. Ce rachat s’est fait aux enchères au mois de mai dernier. A Breteuil, cette licence a vocation à être plus tard rétrocédée à un futur exploitant. 

Il faut dire que : 

  • une licence de débit de boissons de 3ème ou 4ème catégorie qui n’est plus exploitée depuis plus de 5 ans devient caduque et ne peut plus être cédée, sauf dans les cas prévus par le code de la santé publique et sous le contrôle de l’autorité judiciaire (liquidation judiciaire). 
  • La seule possibilité d’ouvrir un nouvel établissement doté d’une Licence IV est de recourir au transfert après rachat de la licence par un propriétaire souhaitant s’en défaire. 
  • Lorsqu’il ne reste qu’une seule Licence IV sur une commune, le maire peut s’opposer à sa vente. 

Plusieurs options pour gérer le bistrot 

Dans le cadre de l’ouverture d’un bistrot, les porteurs de projets ont le choix entre plusieurs formules :

  • Une association de préfiguration, le temps de permettre aux habitants de fréquenter le lieu et de tester son potentiel économique. Ce test peut faciliter par la suite l’arrivée d’un repreneur. 
  • Une régie municipale : la municipalité rachète le bistrot, assure une permanence sur un créneau réduit jusqu’à ce qu’une personne, éventuellement un salarié, se manifeste pour en reprendre la gérance. 
  • Le bénévolat et les contrats aidés. 
  • Une mobilisation de financements participatifs tant privés que publics. Les fonds investis dans une SCIC peuvent permettre au projet de se développer tant qu’il n’est pas rentable.
   
 
Plusieurs conditions de réussite 
 
Une des clés de réussite de ces réouvertures est son articulation autour de plusieurs activités dans un même lieu (épicerie, produits locaux, programmation culturelle). 
 
Selon la Banque des Territoires, pour la majorité des lieux qu’elle a étudiés dans un rapport cité plus loin, les travaux de rénovation réalisés par la municipalité ont évité des emprunts bancaires et permis l’équilibre économique fragile de ces activités. L’implication de la municipalité est indispensable. 
 
Dans le Lot, à Gigouzac, village d’environ 300 habitants, la municipalité a racheté les murs et le fonds de commerce d’un bar-restaurant, dont les gérants étaient partis à la retraite, puis a lancé les travaux de rénovation qu’il est nécessaire d’effectuer avant la reprise de l’activité. 
 
Le budget consacré par la municipalité s’élève à 350.000 euros dont 100.000 euros consacrés au rachat du bâtiment. Cet investissement a été rendu possible grâce au soutien du département du Lot (25 %), de l’État (25 %) et de la Région Occitanie (30 %).
  
 
Chacune des activités (cuisine, service, épicerie, programmation culturelle) relève de normes spécifiques 
et nécessite l’acquisition de compétences différentes. 
 
Les témoignages recueillis par la Banque des Territoires identifient aussi  la professionnalisation des cuisiniers comme facteur clé de succès. 
 
Pour aller plus loin : 
 
Une étude de l’IFOP de 2016 montrait que le vote en faveur du RN était plus élevé dans les communes dont les petits commerces et les services sont absents. 
 
La solitude tue, le bonheur nait des liens sociaux
 
Créée en 2018, la Banque des Territoires rassemble dans une même structure des expertises de conseil et de financement à destination des acteurs territoriaux pour faciliter la réalisation de leurs projets. Elle a publié ce PDF en décembre 2022. « Redonner vie au bistrot et dernier commerce dans les petites communes rurales » 
 
Septembre 2019 : Interview de Vanik Berberian, alors Président de l’association des maires ruraux de France (AMRF). 
 
En 2019, le gouvernement a lancé le programme “1000 cafés” à travers l’Agenda rural.
 
Groupe SOS Action Territoriale avait lancé en 2020 le programme «Quartiers Cafés». Son objectif était de contribuer à recréer du lien social en soutenant cinquante cafés ou commerces des Quartiers prioritaires de la Politique de la Ville. 
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