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mardi 24 mars 2020

Rainforest Action Network : tout le génie d’un acteur faible

Voici une série de posts que j’avais rédigés il y a une dizaine d’années. Ils retracent la façon dont une petite ONG alors inconnue a réussi à faire plier des organisations ayant pignons sur rue. C’est une responsable d’HSBC qui m’avait informé de son existence. 

Créé en 1985 à San Francisco, Rainforest Action Network (RAN) lutte pour la défense des habitants et des écosystèmes de la forêt tropicale. Elle déclare agir à travers l’éducation du consommateur, l’organisation de « campagnes populaires » et l’action non violente.

Malgré des moyens assez limités, elle a obtenu des victoires inattendues contre de grandes entreprises, qu’elle jugeait complices de déforestation.

Le plus souvent en racontant des histoires.

 A ce titre, interviewée par Big Vision Podcast le 19 juin 2006, Ilyse Hogue, Global Finance Campaign Director à l’époque pour l’association environnementale, déclarait « la plus grande partie des changements sociaux relèvent du storytelling ».

Tout l’argumentaire de Rainforest Action Network se base sur des histoires et sur des mises en scène spectaculaires.

Les entreprises dans le collimateur

 De nombreuses ONG ont jugé que les Etats souverains ne constituaient pas de bons leviers pour faire avancer leurs thèses. Elles ont préféré placer les entreprises devant leurs contradictions, même les plus puissantes, afin d’obtenir des résultats plus rapides.

 Pour RAN, rien de tel qu’un bon scénario qui démonte une réputation, en sachant que l’image d’une entreprise est par définition fragile, une chose « immatérielle » issue d’un long processus. Un vrai facteur de vulnérabilité puisque le cours de bourse est en général très supérieur à la valeur comptable (book value).

 Rainforest Action Network n’a de cesse de pousser les Américains à prendre conscience de la situation désespérée de la forêt tropicale, y compris la « forêt primaire ». Une situation qualifiée de « bourbier » (plight), un terme qui n’est pas sans rappeler la guerre du Vietnam dans la conscience collective américaine.

 Une sélection des cibles

Dans les années 2000, Rainforest Action Network a donc pris à partie une douzaine de sociétés, la plupart du temps américaines (sauf Mitsubishi et le groupe bancaire canadien Toronto-Dominion) et rarement directement dans l’industrie du bois (sauf Boise Cascade en 1999 et Home Depot).

Mais, à vrai dire, Rainforest Action Network a connu ses plus belles victoires en s’attaquant à des groupes bancaires à priori hors de sa portée. Des cibles surprenantes, compte tenu de l’absence de liens évidents entre une firme emblématique de Wall Street et les Amérindiens.

 Mais, à force de discussion avec ses pairs, l’ONG a constaté que le plus petit dénominateur commun de toutes les entreprises qui selon elle polluent ou commettent des injustices sociales, réside dans le fait qu’elles possèdent toutes un compte courant dans un établissement financier.

Tout l’art de ses équipes a été de convaincre les consommateurs que ces groupes bancaires faisaient des bénéfices amoraux en finançant des multinationales, dont les activités contribuaient elles à dégrader directement la forêt tropicale.

Dans les posts suivants, je reviendrai sur la manière dont cette petite ONG américaine a fait plier Citigroup. Une institution pourtant fondée en 1812 et menée par une équipe dirigeante des plus aguerries. Fin

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