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mercredi 8 juin 2022

Croissance durable : les industriels peuvent-ils éviter le Greenwashing ?

Ce post recense quatre initiatives de multinationales européennes, qui se sont retroussées les manches pour se donner toutes les chances d’éviter de s’engager dans des voies non durables, c’est-à-dire sans avenir

Ces Big Corp, gérant parfois des centaines de références, et imbriquées dans une vaste chaine d’approvisionnement, ont imaginé des outils, afin de mieux concilier leurs investissements avec les limites planétaires

Leur approche est révolutionnaire, dans la mesure où cela peut les conduire dans certains cas à écarter des projets, qui auraient été encore jugés bons il y a dix ans.

Kering et la chaine d’approvisionnement

 EP&L (pour Environmental Profit & Loss, ou Compte de Résultat Environnemental) est un outil original, qui permet à Kering de mesurer et de quantifier ses impacts environnementaux.

  

Si EP&L mesure, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les émissions de CO2, ce qui est assez classique, d’autres critères sont suivis, comme la consommation d’eau, la pollution de l’air et de l’eau, l’utilisation des sols et la production de déchets. Une fois quantifiés, tous ces impacts sont convertis en valeur monétaire. Il s’agit là d’une étape incontournable pour motiver les décisions, qui vont en découler. 

Comme indiqué sur son site web, avec EP&L, Kering « oriente sa stratégie de développement durable, améliore ses processus ou ses circuits d’approvisionnement et adapte ses choix technologiques. » 

Dans son rapport de mai 2019 sur l’information extra-financière, Patrick de Cambourg détaille ce que fait Kering, mais signale également d’autres initiatives innovantes de même inspiration chez BASF et chez Philips. 

Michelin et le carbone 

Depuis 2016, le fabricant de pneumatiques applique un prix interne du carbone à ses projets d’investissement. Ce prix est intégré dans la méthode de « Calcul de Rentabilité des Investissements Michelin », applicable aux projets nécessitant des investissements importants, notamment les projets d’augmentation de capacité de production, de transformation des chaufferies et relatifs à la logistique. 

En 2021, ce prix a été relevé de 50 à 100 € la tonne. 

Cette méthodologie contribue à orienter l’innovation vers des produits plus performants. 

Michelin s’est ainsi concentré sur la résistance au roulement des pneus. Le pneumatique représente entre 20 et 30% de la consommation de carburant d’un véhicule, mais aussi des émissions de CO2 

Michelin déclare avoir trouvé une réponse avec son pneu E-Primacy, 

  • qualifié d’éco-responsable, issu d’une ACV, et commercialisé depuis la fin 2020. 
  • installé sur une voiture électrique, ce pneu contribue par exemple à augmenter l’autonomie d’environ 7%, ce qui représente 30 kilomètres pour un modèle ayant une autonomie de 400 kilomètres. 

Le couteau suisse du prix du carbone 

Pour l’Institut Montaigne, l’utilisation du prix du carbone coche de nombreuses cases : 

  • il fournit un outil de management du risque (ou de test de la résilience des investissements), qui vise à assurer la rentabilité et la pérennité de l’entreprise mais aussi à identifier des opportunités de développement d’activité bas carbone liées à la transition. 
  • Il prend en compte des externalités que constituent les émissions de gaz à effet de serre (RSE). 

Dans son étude, l’Institut Montaigne y voit d’autres intérêts :

  •  encourager le changement de comportement en interne, faire la pédagogie; 
  • accéder aux financements bas-carbone ; 
  • valoriser auprès de sa chaîne de valeur les solutions bas-carbone. 

 Solvay : marier l’utile et l’agréable 
 
Troisième exemple, le groupe chimiste belge Solvay a mis au point un outil, le Sustainable Portfolio Management (SPM), grâce auquel il peut passer au tamis tout son portefeuille de produits. 
 
Le SPM mesure en particulier : 
  1. l’empreinte environnementale liée à la production de ses produits ; 
  2. les risques et les opportunités qui y sont associés ; 
  3. la pertinence d’éventuelles acquisitions sur les mêmes critères. 
Avec ce dispositif, Solvay indique se positionner sur les produits les plus utiles et les plus porteurs. Le chimiste intervient sur les batteries de voiture électrique ou hybride, les thermoplastiques ou encore l’hydrogène vert. 
 

 
 Solvay, pourrait-on dire, n’a pas la « RSE triste ». 
 
Pour marquer les esprits, Solvay a même donné un nom à son approche : G.R.O.W (Growth, Resilient, Cash, Optimize, Win). 
 
La présentation de François De Vos, Expert RSE chez Solvay
 
  
 
En adoptant une méthodologie plus contraignante, Solvay peut espérer s’affranchir dans une certaine mesure du diktat du court terme et n’oublier aucunes parties prenantes. 

Legrand s’appuie sur l’innovation frugale 

Dans son document de référence 2018, Legrand met en avant sa démarche d’ « innovation frugale », qui se focalise sur le développement de gammes de produits répondant à des besoins essentiels. 

Elle consiste à repenser certaines offres en remodelant les produits en fonction des besoins primaires des utilisateurs. Il s’agit d’innover et de faire plus avec moins pour répondre aux attentes d’utilisateurs qui ne sont pas encore des clients, pour des raisons à la fois de coûts et de non-adéquation des produits à leurs besoins. 

Cela se concrétise par la conception, le développement et la commercialisation de gammes d’appareillages (prises, interrupteurs) et de disjoncteurs qui permettent, 

  • d’équiper durablement et en toute sécurité les bâtiments, 
  • à des conditions économiques accessibles pour le plus grand nombre. 
  • notamment dans les nouvelles économies comme l’Inde et le Brésil. 

 Dans la même veine, Essilor a développé un écosystème complet, avec une offre BoP qui s’appuie sur des micro-entrepreneurs pour apporter la vision dans les pays pauvres. 

Des roadmaps qui tiennent la route 

Ces initiatives ont été déployées dans des secteurs d’activité différents, ce qui laisse espérer qu’elles ne resteront pas isolées. Et, elles concernent tous les métiers : la R&D, la fabrication, la supply chain, mais aussi le marketing. 

Est-ce seulement une recherche d’efficacité ou de découplage, ou est-ce aussi une forme de sobriété, les avis divergeront. 

Reste pour revenir le titre de ce post que ces quatre pionniers, en étant à l’écoute des nouveaux besoins de leurs clients et des attentes de la société, prêtent moins le flanc à d’éventuelles accusations de Greenwashing. Leurs produits parlent pour eux. 

Et, dans le même temps, leurs actionnaires ne semblent pas se plaindre de leurs nouveaux business models. 


Pour aller plus loin :
 

« Entreprises en hypercroissance. Leviers majeurs de développement : culture d'entreprise et ESG. » 

Une étude récente de KPMG et CroissancePlus avec de nombreux verbatims. 

https://home.kpmg/fr/fr/home/media/press-releases/2022/04/entreprises-en-hypercroissance.html 

Kering ;le témoignage d’Elisabeth Didier (Sustainability Performance Director), à l’Essec 

https://fr.coursera.org/lecture/reporting-extra-financier-strategie-rse/temoignage-d-elisabeth-didier-kering-partie-1-l-ep-l-quoi-pourquoi-comment-hIxzo?utm_source=link&utm_medium=page_share&utm_content=vlp&utm_campaign=top_button 

Pour modéliser différents scénario, incluant une visualisation dynamique des résultats, permettant de connaître en temps réel l’impact d’une décision possible ou d’un projet futur sur l’empreinte EP&L, ce dernier est en open source

https://www.kering.com/fr/developpement-durable/mesurer-notre-impact/notre-ep-l/ 

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