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lundi 15 février 2016

La finance est-elle vraiment sans foi ni loi ?



Un nouvel ouvrage publié au PUF en janvier « marchés financiers, sans foi ni loi » dresse un état des lieux de la finance mondiale huit ans après l’éclatement de la crise des subprimes. Si certains excès sont mis à l’index, les solutions sont aussi clairement mises sur la table. Dans les mille visages de la finance, pas de raison de tout jeter à l’eau.

Un des charmes de ce livre à 4 mains est d’avoir été écrit par des auteurs complémentaires:

David Allouche, diplômé de Télécom ParisTech et de l’ESSEC, est économiste et conférencier. Il a enseigné la finance de marché à l’ESSEC, à l’université Paris Dauphine puis à Sciences Po Paris. Il constitue donc un observateur externe aux marchés financiers, apte à répondre à toutes les questions de manière simple.

Isabelle Prigent, diplômée de Sciences Po Paris, est directeur adjoint de la communication au sein d’une institution financière. Elle a donc vécu la crise de l’intérieur, notamment le « finance bashing » qui a frappé les banques, une expérience qui l’a sans doute poussé à vouloir rappeler le rôle de la finance, soutenir l’économie, même si pour les Français l’argent reste un sujet tabou. 

Les auteurs ici en photo lors du lancement du Livre à la librairie "la 25ème heure" à Paris.


Sans creuser de manière détaillée la crise des subprimes, les auteurs rappellent qu’outre la défaillance des banques et des agences de notation, les autres causes du scandale ont été la complaisance du régulateur et l’endettement excessif des ménages.

Pour les auteurs, la finance est « amorale ». Apporter des réponses aux excès du capitalisme doit s’effectuer dans les champs politique et réglementaire et non sur un terrain passionnel.



Lâcher la bride aux financiers peut se révéler vite désastreux compte tenu des capitaux, qu’ils sont amenés à brasser. Et de saluer la création en 2011 d’un contrepouvoir à Bruxelles comme l’ONG Finance Watch.


David Allouche et Isabelle Pringent tiennent aussi à réaffirmer qu’il n’existe pas un financier, mais des financiers, avec de multiples visages, n’en déplaise à François Hollande.

  • Des acteurs patients, comme Blackrock, avec une vision à moyen et long terme basée sur une analyse des fondamentaux. Ils misent sur une augmentation de l’épargne, des investissements et de la croissance.
  • Des acteurs impatients, qui goûtent davantage la hausse de la consommation, la réactivité, et souvent causes de volatilité.


Parmi les points forts de ce livre :


  •  La mauvaise orientation de l’épargne en France, due notamment à la fiscalité.
  • Le goût immodéré et irrationnel des Français pour la pierre et l’assurance vie en unités de compte.

  •  Le rôle souvent fantasmé des traders.

  • La réduction des risques systémiques du fait du durcissement de la réglementation depuis 8 ans.

  • L’importance des politiques de rémunération sur les marchés financiers.

Pour que la finance restaure son image auprès du grand public, cela passe selon les auteurs par une montée en puissance des investisseurs ou des prêteurs à long terme. « Financer, c’est choisir ». 

Dans ce cas de figure, le financier responsable sélectionne ses investissements bien sûr en fonction de la rentabilité espérée, mais tient compte de la nature des investissements et de leurs conséquences. Il aura ainsi tendance à adopter des comportements moins moutonniers, quitte à accepter une baisse de rentabilité à court terme, dans l’optique d’un gain plus lointain et d’un impact différé plus élevé.

Cela peut se traduire de diverses formes :

  •  Concernant l’utilisation des droits de vote, les auteurs opposent les investisseurs institutionnels ou gérants indiciels

  • Le crowdfunding, qui connaît un démarrage prometteur, responsabilise l’épargnant. Et, dans un pays comme la France, jette un pont entre les particuliers et l’économie,

  • La finance confessionnelle réconcilie religion et marché,
  • Le patriotisme financier, pour ceux qui condamnent la mondialisation de la finance.
  • La responsabilité inter et intra-générationnelle,
  • L’ISR,
  • Les Green Bonds
Les « investisseurs avancés » pourraient modifier la trajectoire des entreprises et même des Etats, et donc à terme avoir un impact massif sur l'économie et la société, comme le montrent les recherches de Robert G.Eccles et George Serafeim.

David Allouche et Isabelle Pringent rappellent qu’il est curieux que les épargnants ne sachent à quoi sert leur épargne. Il serait irresponsable de ne pas s’en préoccuper, en se cachant derrière la complexité de la finance. 

Aux financiers aussi d’être plus pédagogues. Au Royaume-Uni, il est notable que l’Etat forme aux finances personnelles les lycéens qui le souhaitent.

Au final, en s’appuyant sur de nombreux exemples, les auteurs apportent des réponses claires, à savoir si les marchés sont véritablement sans foi ni loi. Je vous laisse découvrir leurs conclusions dans le livre. 

Pour eux, les enjeux sont concrets et immédiats. Il faudra une finance prête à se détacher des résultats trimestriels pour répondre à des besoins en financements structurels, comme dans les PME, les infrastructures et la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour ma part, je pense quil y aura sans doute toujours des délits d’initiés et du financement d’activités douteuses. La redécouverte de la Finance passerait à la fois par:
  • un autre Siècle des Lumières, via la connaissance pour lutter contre les préjugés les plus tenaces
  • un effort de communication. Les acteurs avancés doivent expliquer ce qu’ils font et obtenir des résultats. Compte tenu de moyens de communication actuels, notamment via les réseaux sociaux, les investisseurs de long terme pourraient bien rencontrer leur public comme dans le crowdfunding.
Où se procurer cet ouvrage ?

Table des matières
INTRODUCTION
 
CHAPITRE 1 – LES MARCHÉS FINANCIERS, ÉTERNELS MAL AIMÉS
Marchés d’argent, marchés tabous
Les marchés financiers responsables de tous les maux de nos sociétés ?

CHAPITRE 2 – LES PRINCIPES DES MARCHÉS FINANCIERS
La diversification, un principe emprunté à la sagesse populaire
Au cœur de la finance, les principes de rémunération
Le prix comme information partagée
Des marchés schizophrènes

CHAPITRE 3 – À QUOI SERVENT LES MARCHÉS FINANCIERS
Des décisions individuelles porteuses d’utilité collective
Tous investisseurs ?
L’industrie des fonds au cœur de l’écosystème financier
Les marchés dérivés pour gérer les risques

CHAPITRE 4 – UNE RÉGULATION RENFORCÉE ET MOINS PARCELLAIRE
Conflits d’intérêts et manipulation des marchés financiers
Régulation, toujours plus ?
Faut-il scinder les banques ?
La régulation, souvent en retard d’une crise

CHAPITRE 5 – VERS UNE APPROCHE PLUS RESPONSABLE
Pouvoir d’influence, pouvoir du contrôle
Investir selon ses croyances
Quelles perspectives pour l’investisseur responsable ?




Pour aller plus loin :

Pour Thomas Piketty, les citoyens veulent comprendre l’économie



Le Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2009



Faut-il craindre l’intrusion de Goldman Sachs dans l’impact investing?


http://ong-entreprise.blogspot.fr/2012/09/faut-il-craindre-lintrusion-de-goldman.html

  (fin) 


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