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jeudi 26 mars 2020

Le storytelling maîtrisé de Rainforest Action Network


Voici le troisième volet d’une série de posts relatifs à une campagne de plaidoyer de Rainforest Action Network contre certains groupes, en particulier Citigroup. 

Rainforest Action Network a réussi à entraîner dans sa cause une multitude d’acteurs disparates, de jeunes collégiens en culotes courtes jusqu’à des peoples influents. 

Elle y est parvenue grâce à une parfaite maîtrise de son discours. Le maintien d’un certain rythme, ainsi que de nombreuses adaptations pour toucher tous les publics, ont aussi permis à ce discours de tenir bon pendant tout un marathon, en étant aussi déclinés sur différents tableaux ; siège social, assemblée générale des actionnaires, universités, etc. 

Dans ces batailles, Rainforest Action Network a toujours cherché à garder la main. Ilyse Hogue et Patrick Reinsborough, qui sont passés par cette organisation, ont théorisé son processus de communication. Ils ont été associés dans la société de communication « SmartMeme, changing the story ».

Selon cette dernière, chaque campagne oppose de manière inhérente un pouvoir partisan du statu quo à des agents de changement. « Dans cette bataille, on doit s’assurer qu’on n’est pas seulement en tain de raconter l’histoire de la Bataille, mais en vérité se battre pour la bataille de l’histoire ».

 Ils font référence au « meme », de la théorie memeric, qui vaut qu’une idée contagieuse se répande sans perdre sa signification, comme un virus dans l’organisme. Cette théorie s’inscrit notamment dans le fil des travaux du sociologue Gabriel Tarde (1843-1904).



Il a en particulier développé certains thèmes comme la foule et l’imitation.



Le mot histoire devient même un slogan pour Patrick Reinsborough, dans le cadre d’un plan de formation : STORY = Strategy, Training & Organizing, Ressources of Youth.

Vu sous cet angle, Rainforest Action Network a bien appliqué une stratégie similaire, qui consiste à entraîner ses troupes, à les structurer et a à mobiliser les écoliers et les étudiants. En face, les dirigeants de Citigroup ont fait profil bas, réagissant aux attaques par des paroles de bonne volonté, sans pouvoir glaner d’autres soutiens.

 Dans un outil aux militants, l’ONG précise explicitement que ses actions permettent « de divertir le personnel des sociétés attaquées, d’occuper leurs ressources, en les empêchant de nouer de nouvelles relations commerciales ».

Pour les intervenants de SmartMeme, « avec la compilation de toutes nos histoires, des conflits sensationnels et des idées contagieuses, les défenseurs de nos communautés vont submerger les campagnes de relations publiques à plusieurs millions de dollars et fissurer le monopole des médias».

La collaboration comme seule issue 

Richard D North, un commentateur britannique conservateur, qui a travaillé dans différentes revues comme spécialiste de l’Environnement, a signé une chronique titré « Living with the enemy » dans The Economist du 7 août 2003. Il déplorait ce genre de campagne de plaidoyer : « Ce n’est plus une partie de plaisir d’être le patron d’une multinationale assiégée par des activistes indignés ».

Selon lui, à la suite d’une campagne hautement profilée, la collaboration avec les ONG peut sembler l’issue la plus aisée.

Concernant la leçon infligée par Rainforest Action Network à Citigroup, il fait chapeau bas, malgré son dépit : « Not bad for a group with a dozen staff and a $2M budget ».

Pour lui, le combat est déséquilibré. Les messages des ONG seraient colportés par les médias comme les «Saintes Ecritures» (Holy Writ). Une situation qu’il déplore, car selon lui « les messages de certaines ONG sont choisis moins en fonction de la cause que pour leur capacité à attirer la publicité et les donations en touchant les consommateurs sur des sujets qui vont les rendre furieux ».

Malgré leur faiblesse apparente, qui est même revendiquée paradoxalement comme une preuve d’efficacité, les équipes de Rainforest Action Network ne boudent pas leur plaisir d’avoir « convaincu » une douzaine de sociétés de changer de pratiques, dont toutes ont fait un jour la Une de Fortune. Dans ces combats, l’argent a moins compté que l’imagination.

Le mot « futé » revient souvent chez les commentateurs des batailles menées par cette ONG.

Echecs des contre-attaques 

Plusieurs opérations de déstabilisation ont été intentées contre Rainforest Action Network • Ne reconnaissant pas le rôle éducatif de l’ONG, des actions pour que RAN soit soumise à la fiscalité ont été entamées, sans succès.

  • Un site a même été créé (ONGwatch.org) pour dénoncer le manque de transparence de nombreuses ONG altermondialistes et constituer une base de données sur les 100 plus importantes aux Etats-Unis. 
  • Un contre-feu a été allumé, via la création du site RANamuck (muck en anglais : fiente, crasse). Ce site contenait même l’adresse email de la Tide Foundation, afin qu’on puisse lui envoyer un message, lui demandant pourquoi elle donnait de l’argent à un groupe partisan de l’action violente. Cette dernière action a été quelque peu décrédibilisée, car l’un de ses promoteurs provenait de l’industrie de l’abatage de bois. (selon SourceWatch) 
Finalement, les opposants de Rainforest ont été assez maladroits, certains acteurs cherchant même à les faire passer pour des écoterroristes.

 Comble de malchance, le patron de Citigroup, Sandy Weill, a dû aussi pendant cette période se défendre dans l’enquête d’Eliot Spitzer, sur le rôle de Citigroup dans la faillite d’Enron. Une enquête qui a poussé la banque a renvoyé certains collaborateurs et à instaurer de nouvelles pratiques.

 Pour aller plus loin : 

Le site personnel de Patrick Reinsborough
https://www.patrickreinsborough.com/

 1er post : Rainforest Action Network : tout le génie d’un acteur faible, cliquez ici

 Post N°2 : 2004 : Quand Citigroup cède aux pressions de la jeunesse

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Post suivant : RAN, un concentré de compétences
http://ong-entreprise.blogspot.com/2020/03/rainforest-action-network-un-concentre.html

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