mercredi 25 mars 2020

2004 : Quand Citigroup cède aux pressions de la jeunesse

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Je reviens dans cette série de posts sur les méthodes d’action d’une ONG californienne, défenseuse de la forêt tropicale. Il s’agit d’un exercice que j’ai effectué il y a une dizaine d’année. 

En voici le deuxième volet. 

En avril 2000, Rainforest Action Network (RAN) lance une première salve contre Citigroup, a qui elle a décerné pour la circonstance le Prix de la « banque la plus destructrice au monde ». 

Comme à son habitude, le point de départ de cette action fut une lettre officielle, avec papier à en tête, adressée aux dirigeants du groupe, recensant leur rôle clé dans la destruction de la forêt primaire et dans l’accélération du changement climatique. Citigroup était alors notamment « impliqué » dans le financement de projets majeurs comme la construction du barrage des Trois Georges en Chine et dans un pipeline au Pérou, bien loin des rives de l’Hudson.

N’ayant pas obtenu de réponse, une série d’actions de harcèlement furent lancées en octobre dans tout le pays, incluant des manifestations et des fermetures de comptes. C’est la division banque de financement et d’investissement (BFI) de Citigroup qui est directement partie prenante dans les financements de projets controversés. Néanmoins, la BFI reste une entité un peu abstraite.

Pour mettre en scène la protestation, RAN a préféré inviter ses militants à couper en deux publiquement leurs cartes de crédit Citi. Un objet bien identifié par les Américains, qui en possèdent très souvent plusieurs.

Des étudiants mobilisés 

Ses messages ont su trouver leurs publics. Notamment auprès des jeunes, et bien avant les mouvements actuels symbolisés par Gréta Thunberg.

  • D’après la revue U-California, des étudiants de Berkeley ont inondé de fax Citigroup dans le cadre du « International Fax Day ». Une fois les deux fax du service client coupés, ils ont balancé leurs missives sur ceux des agences de la banque. 
  • En mars 2001, des étudiants ont été formés au Ruckus Camp à une université d’été alternative dénommée « Une fessée aux banques », avec un mois plus tard, « second City Day » 80 actions simultanées dans 12 pays sur 5 continents. Avec des bannières dans les villes disant « Hey Citi : Not with my money ». 
  • En avril 2001, une étudiante exprime sa détermination à l’Environnment News Service (ENS) : « les étudiants vont continuer à boycotter les cartes de crédits de Citigroup, mais aussi ses jobs et ses prêts étudiant tant que la banque financera le réchauffement climatique». 


En novembre 2002, l’accès du public à des agences de Citigroup à San Francisco est bloqué par des activistes, qui ont étendu de vastes banderoles « Corruption à l’intérieur, Destruction à l’extérieur ». 

Tandis qu’un ballon aérien géant était dressé au Citicorp Plaza. Ces actions donnent souvent lieu à des arrestations. Le fait faisant la une des journaux.

Et, les enfants prennent le relais : 

  • Le 18 décembre 2002, le journal Ascribe News rapporte que des milliers d’enfants ont appelé le CEO de Citigroup, Sandy Weill, pour un cadeau de Noël un peu spécial, lui demandant de changer ses pratiques. Environ 2.500 appels ont ainsi atterri au 399 Park Avenue,… 
  •  …sans compter des lettres d’enfants accompagnés de dessins représentant des indigènes et animaux vivant dans les forêts tropicales. 
Pour occuper tout l’espace, Rainforest Action Network lance aussi un site Internet ThisisCitigroup.org, un forum de contestation pour faire la vérité sur la banque, sur son train de vie et sa politique environnementale.

 

Dans la foulée, des étudiants, membres de RAN, sont évacués lors de la visite de Sandy Weill promotion 1955, venu en visite à son ancienne école, Cornell University. Le banquier n’était pas encore prêt au débat.

Des relais puissants dans les médias 

Alors que les réseaux sociaux n’existent pas encore, Rainforest Action Network parvient aussi à occuper le terrain des médias. Comme à la télévision, où des stars (Susan Sarandon, Ed Asner, Darryl Hannah) invitent le public à déchirer leurs cartes bancaires Citi.

 « Citi détruit la forêt et déplace les populations locales. Quand vous utilisez votre carte Citibank, vous financez aussi ces horreurs ».
« Arrêtez de financer les bulldozers »

Mais aussi dans la presse internationale, en s’offrant des pleines pages de publicité dans le NYT (13/11/2002) ou encore dans le WSJ.

L’une des grandes fiertés de Rainforest Action Network est aussi d’avoir pu obtenir des visas d’entrée aux Etats-Unis (pourtant après le 9/11) pour une poignée d’activistes péruviens. Ces derniers ont pu témoigner de la menace de la construction d’un pipeline dans leur forêt, à l’AG de Citigroup.

Pour Michael Brune, cité en août 2001 par Home Channel News :

« Une grosse partie de notre travail, c’est de l’éducation. C’est le meilleur moyen d’obtenir la couverture de 250 chaînes de télévision sur notre sujet en une seule soirée » 

 Un cessez-le-feu en rase campagne 

Finalement, Citigroup cède à l’ONG. En juin 2003, il signe avec 9 autres géants bancaires les « Principes de l’Equateur ».


Après 4 années de guérilla, « Citi » annonce en janvier 2004 le lancement de ses « Nouvelles initiatives environnementales » avec une offre bancaire, destinée à populariser l’énergie solaire.

 

Pour la responsable financière de la campagne, Ilyse Hogue :

« Cette journée représente une victoire de la démocratie pour l’opinion publique. Il y a quatre ans, faire bouger le secteur bancaire paraissait inconcevable. » 

Citigroup obtient fin 2005 le “Corporate Design Award” par Global Green USA, bras armé aux Etats-Unis d’une organisation environnementale fondée par un certain Mikhail Gorbatchev.


En savoir + :

Post 1 : Rainforest Action Network : tout le génie d’un acteur faible

 http://ong-entreprise.blogspot.com/2020/03/rainforest-action-network-tout-le-genie.html?m=1 

Post suivant sur la même saga : « la parfaite maîtrise du storytelling par Rainforest Action Network », au lien suivant :

http://ong-entreprise.blogspot.com/2020/03/le-storytelling-maitrise-de-rainforest.html




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