L’association Sites & Cités remarquables de France a été créée en 2000 par des maires afin de travailler en réseau dans une optique de préservation du patrimoine.
L’association regroupe les villes et ensembles de communes porteurs d’un secteur protégé aujourd’hui “Sites patrimoniaux remarquables” et les villes et pays signataires de la convention “Ville et Pays d’art et d’histoire”.
L’association compte plus de 300 adhérents en métropole et en outre-mer. Elle touche ainsi 2.000 communes, via les EPCI.
Elle est présidée par Didier Herbillon, maire de Sedan, élu à l’unanimité. Il succède à Martin Malvy qui pendant 25 ans, a défendu, représenté et incarné Sites & Cités.
Sa Directrice, arrivée fin 2024, Florence Sirot, Architecte du Patrimoine, plus de 20 ans d’expérience dans l’architecture, de l’urbanisme, des centres anciens, et son Directeur Adjoint, Jonathan Fedy, dans l’association depuis 10 ans, ont bien voulu me présenter en quoi cette belle association aide les maires dans certaines de leurs missions.
Quel a été le point de départ de cette initiative ?
Au démarrage, des maires ont voulu se mettre en réseau pour réfléchir aux questions de patrimoine dans une vision très décloisonnée, comme le patrimoine vivant ou la revitalisation des centres anciens. Cela nous amène aujourd’hui à toucher à de nombreux sujets transversaux comme l’urbanisme, l’aménagement du territoire, le commerce, le tourisme, l’habitat, la copropriété.
En ingénierie, on apporte de la formation, de l’expertise. Nous sommes en appui des collectivités pour qu’elles soient bien en avance sur les questions patrimoniales et à jour sur les normes et la réglementation.
A partir d’ateliers, de retours de terrain, notre rôle est aussi de faire des propositions pour corriger ce qui ne marche pas au niveau des instances gouvernementales. Nous sommes régulièrement auditionnés par le Sénat ou l’Assemblée nationale sur des projets de lois. Nous faisons le lien entre les maires et les instances gouvernementales.
Pourquoi avez-vous diversifié vos missions ?
En 2000, l’idée des 4 fondateurs était de valoriser le label « Ville et Pays d’Art d’histoire ». Très vite, l’association a élargi ses interventions vers les sujets qu’on traite aujourd’hui. L’association s’est ensuite aussi adaptée aux nouveautés législatives comme les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), les AVAP (aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine) et les sites patrimoniaux remarquables en 2016 (loi LCAP).
Nous sommes ainsi aujourd’hui vraiment l’association fédératrice des villes qui ont le label »Ville Pays d’Art et d’Histoire » ou qui ont un site patrimonial remarquable (SPR).
Quelles sont vos ressources ?
Nous sommes 11 salariés au siège à Bordeaux.
On s’appuie sur un réseau d’experts, qu’on sollicite en fonction des sujets, si on ne sait pas répondre en interne : juriste, fiscaliste, Architectes des Bâtiments de France (ABF),… Toutes les thématiques sont liées, même si on ne peut pas tout traiter en même temps. Nous disposons de plusieurs pôles.
Par exemple, dans l’un d’entre eux, on échange à l’international sur le réchauffement climatique, le tourisme durable, avec des pays comme l’Equateur, la Palestine, le Mexique. On a en effet un partenariat historique avec le ministère des Affaires étrangères. Un de nos collaborateurs fait vivre ce réseau.
L’association est aussi cofondatrice du CREBA, qui est le centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien. Il s’adresse aux professionnels du bâtiment (maîtres d’œuvres, architectes, bureaux d’études, artisans, prescripteurs, techniciens, experts, chercheurs…) et, plus globalement, aux acteurs de tout projet de réhabilitation, de rénovation énergétique ou de restauration d’un bâtiment ancien. On a cœur d’alimenter cette bibliothèque et d’animer des ateliers en rapport avec ces thématiques.
Certains problèmes sont-ils particulièrement aigus ?
Cette année, nous avons mis l’accent sur la mobilisation du logement vacant en centres anciens, qui est une priorité nationale. Nous œuvrons pour faire des propositions en ce sens sur beaucoup de choses comme la fiscalité, les outils de l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat, la médiation, la sensibilisation du public. Il faut développer la culture de l’entretien du bâti dès le plus jeune âge.
On peut fournir aux maires, qui se disent démunis face à des propriétaires privés, des outils, déjà incitatifs, comme des aides, mais cela a un coût. Quand cela ne marche pas, cela peut aller jusqu’à l’expropriation.
Il faut une volonté politique et s’adosser à une ingénierie spécifique. On joue un rôle de centralisateur, on informe les maires, on met en réseau. Il existe des bureaux d’études spécialisés dans ces domaines et des agences, comme l’Agence nationale de l’Amélioration de l’habitat ou l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Troyes travaille depuis de nombreuses années sur la question. Rennes et Bayonne aussi.
Ces besoins existent aussi dans de plus petites communes.
Comment choisissez-vous vos priorités ?
Les problèmes varient selon les territoires, comme à Chaumont dans la Haute Marne, qui fait face à une déprise démographique.
Les besoins diffèrent, mais les sujets se recoupent. On essaye de s’adapter aux besoins des villes. On peut être sollicité ponctuellement. Si certains thèmes remontent, on peut organiser des groupes de travail comme la gestion des remparts dans une ville ou le potentiel de surélévation, quand il n’y a plus de foncier.
Des journées régionales permettent à des villes proches géographiquement, mais qui n’on pas beaucoup de temps pour se voir, d’échanger sur leurs problématiques et de partager les bonnes pratiques. Notre assemblée générale annuelle permet aussi de susciter l’intérêt de nouveaux maires.
Comment les petites communes peuvent-elles s'engager ?
Certaines communes sont moins structurées, comme celles qui n’ont pas de service hygiène.
On a vu beaucoup d’amélioration au niveau de la structuration et de l’ingénierie grâce aux dispositifs « Action Cœur de Ville » et « Petites Villes de demain ». Ces programmes ont eu la vertu de faire émerger des chefs de projet sur la revitalisation des centres anciens, avec un impact très positif.
Mais, en dehors de ces lauréats, il faut aussi aider les autres. C’est notre tâche de faire tache d’huile, de mobiliser notre ingénierie. Et, les élus adorent se parler entre eux, quelle que soit leur couleur politique. Les sujets sont les mêmes pour tous, donc il n’y a pas de conflits.
Existe-t-il des aides ?
Les communes peuvent avoir besoin de subventions quand elles font à la place du privé, comme avec les fonds friches, qui sont devenus les fonds verts. Il y a aussi les aides de l’ANAH.
On vient de répondre à un appel à projet d’Atout France en ce qui concerne le marketing digital et communication en matière de promotion touristique. 12 villes ont été retenues comme La Réole au sud de Bordeaux. Des formations leur ont été proposées.
La transversalité est très importante : le personnel de la mairie doit aussi être associé au plan d’urbanisme, au service habitat. Quand un office du tourisme ne travaille pas avec notre label, cela marche moins bien. Les formations donnent des exemples de bonnes pratiques.
Comment fonctionne le label ?
Le label, qui appartient au ministère de la Culture, s’obtient en 3 ou 4 ans au niveau d’une commune ou d’une communauté de commune, voire par une association ou un syndicat mixte. Le projet dure ensuite 10 ans avec le recrutement d’une équipe dédiée et des conférenciers agrées.
Annuellement, 3,5 millions de personnes sont touchées par les actions des Villes d’Art et d’Histoire, sans forcément en avoir conscience. Il peut y avoir un panneau en entrée de ville. En complément, une marque a aussi été créée fin 2024 : « Ville, Histoire en son cœur » destinée au grand public.
Mais, c’est aussi bénéfique pour les résidents : médiation auprès des jeunes, appropriation par la population de son territoire,.... On peut passer tous les jours à côté de chez soi devant des chefs d’œuvre patrimoniaux sans lever la tête.
Lorsque le patrimoine est valorisé, les résidents comprennent mieux leur territoire : on le respecte plus aussi, on dégrade moins l’espace public. Des actions de sensibilisation ont lieu toute l’année, et pas que l’été.
L’idéal serait que la jeunesse s’empare aussi de ses questions, en particulier dans le monde associatif. On y réfléchit.
Pourtant passionnants, les métiers du patrimoine sont aussi un peu en souffrance, tout un champ qui pourrait séduire les jeunes générations.
Existe-t-il une forme de compétition entre les villes ?
Concernant la concurrence en matière d’attractivité, on a tous les profils.
On a des villes qui souffrent de l’hyperfréquentation touristique et qui cherchent à réglementer la location saisonnière comme Airbnb. Parfois, le commerce est entièrement tourné vers les visiteurs comme à Saint Emilion, une commune qui a du mal à trouver des habitants à l’année.
A Strasbourg, 3.000 logements sont vacants, ce qui n’est pas sans poser des problèmes, vus les besoins de la population et face au nombre de gens qui dorment dans la rue. Un chiffre à mettre en relief avec l’implantation locale d'Airbnb.
A l’opposé, à Grasse, en perte démographique, bien qu’elle soit dans le sud-est, l’offre hôtelière est trop faible. Ils sont donc intéressés à ce que l’offre de location saisonnière se développe pour que les gens restent sur place et n’aillent pas ailleurs, comme à Nice.
Que peut-on faire pour s’attaquer à ce qu’on appelle « la France Moche « ?
De plus en plus d’élus ont pris conscience de l’importance de l’esthétique des entrées de ville. Il peut s’agir d’une gare mais aussi des axes d’accès à la ville, qui passent parfois par des zones commerciales, malheureusement régulièrement défigurées.
Ces élus ne souhaitent pas limiter leurs actions au seul centre historique. Le sujet prend de l’importance, comme dans les avenants de projets « Cœur de Ville » notamment.
En collaboration avec Patrimoine-Environnement, nous organisons depuis plusieurs années un concours pour inciter à passer à l’action. Nous avons eu 18 candidatures en 2025.
Pour aller plus loin :
Le site web : https://www.sites-cites.fr/
Sur le CREBA:
Sur ce blog : l'urbanisme favorable à la santé
https://ong-entreprise.blogspot.com/2024/09/les-origines-de-lurbanisme-favorable-la.html
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