Affichage des articles dont le libellé est Inde. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Inde. Afficher tous les articles

mardi 18 octobre 2011

L’industrie extractive se terre encore au fond de la mine

Novethic et Be-Linked ont publié début septembre une étude sur le « Secteur minier coté et risques ESG ».

Ce rapport présente une actualité certaine, après l’engouement des investisseurs pour Glencore, l’effondrement en Bourse de Vedanta et la réforme du Code minier dans plusieurs pays, notamment en Afrique. Ce post complète l’article précédent traitant du retard des entreprises minières cotées en Europe en matière de transparence.


Les ONG et les entreprises minières nourrissent une grande méfiance respective. La présentation de cette étude lors d’un petit déjeuner a d’ailleurs donné lieu à un débat assez animé entre Catherine Tissot-Colle, Directrice de la Communication et du Développement Durable du Groupe Eramet et Sandra Cossart, Responsable du programme Globalisation et Droits humains de l’association SHERPA.

Les relations ONG/entreprises constituant un thermomètre parmi d’autres du degré de maturité d’une politique RSE, il en ressort que seules 8 des 23 entreprises minières cotées en Europe ont passé ce type d’accords.

  • L’association la plus ouverte au dialogue est Conservation International, qui est entrée en relation avec AngloAmerican, AngloGold Ashanti, Arcelor Mittal et Rio Tinto.
  • Fauna & Flora International, dont le siège social est à Cambridge(UK), collabore avec AngloAmerican, BHP Billiton et Rio Tinto.
  • Mais, le canevas des rapports ONG/secteur minier est complexe, puisque l’entreprise londonienne Rio Tinto a noué des partenariats avec 6 ONG, mais subit dans le même temps les critiques de 3 autres associations...
  • Le groupement Amis de la Terre/Friends of the Earth constitue le réseau le plus vindicatif.
Trois partenariats majeurs sont mis en exergue par Novethic et Be-Linked : AngloAmerican avec Care, notamment contre le sida en Afrique ; Areva et Médecin du Monde/Sherpa dans le domaine sanitaire au Niger et au Gabon ; Vale avec la population kanake en Nouvelle Calédonie (cf. vidéo en annexe).

Les auteurs de l’étude soulignent que les quelques partenariats existants sont souvent mal valorisés, mal expliqués et insuffisamment connus. A part les accords dans la biodiversité passés entre AngloAmerican et Fauna & Flora d’une part et Vale avec son Vale Fund for Sustainable Development d’autre part, le dialogue secteur minier/ONG ne contribue pas assez, contrairement à une de leur vocation habituelle, à l’amélioration de la perception des entreprises minières.

Même une entreprise proactive dans le champ environnemental, comme la suédoise Boliden, se méfie des ONG. Elle s’est en effet frottée à la fin des années 1990 à Greenpeace et au WWF, à l’occasion de plusieurs accidents médiatisés aux conséquences désastreuses, qui l’ont incité à modifier ses pratiques, sauf en matière de communication. L’étude signale que la société française Imerys ne mentionne pas elle non plus ses relations avec les ONG.

Dans le détail, plusieurs entreprises minières, comme Xstrata, mènent des évaluations d’impacts de leurs activités sur les communautés locales sans passer par les ONG. En Indonésie, sur le site de Weda Bay Nickel, Eramet a lancé des études approfondies sur la santé publique, les habitudes alimentaires des populations locales et le patrimoine culturel. Le groupe français, qui s’était vu décerner le Prix Pinocchio en 2010 sur ce projet, développe par ailleurs des études ethnographiques relatives à une population nomade présente sur et à proximité de la concession.

Si les ONG font figure de David contre Goliath, elles ne manquent en fait pas de ressorts: rédaction de rapports d’expertise (comme celui sur l’or africain, publié par Oxfam France Agir ici et Survie en 2007), réunions de coalitions, plaidoyer et diffusion d’informations. Elles recourent également à l’action judiciaire ou à des les plaintes devant les points de contact nationaux (PCN) pour les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises directeurs de l’OCDE.

Comme SHERPA, qui avec 4 autres associations, a déposé une plainte devant les PCN suisse et canadien à l’encontre de Glencore et de First Quantum pour les manipulations financières et comptables auxquelles leur filiale zambienne, Mopani, aurait recours afin de se soustraire à l’impôt sur place.

Néanmoins, l’industrie extractive n’est pas uniforme entre d’une part des firmes, qui communiquent sur la RSE ou s’engagent sur certaines normes volontaires (Initiative pour la transparence dans les industries extractives « ITIE », Global reporting Initiative, etc.) et celles qui restent imperméables aux thématiques du développement durable et aux injonctions des gestionnaires ISR.

Dans le premier cas, les parties prenantes veillent scrupuleusement à ce que les engagements affichés soient respectés. L’entreprise est redevable de ses engagements et doit rendre compte de ses choix. Tout manquement est dénoncé avec virulence.

Dans le cas des entreprises impassibles comme Glencore, les ONG doivent aller au charbon en alertant la société civile ou les milieux politiques avec pour double objectif de les obliger à modifier leurs pratiques et à devenir plus transparentes. Leur professionnalisme et leur capacité d’entraînement font courir un risque opérationnel aux retardataires.

Or, les signaux alarmants des ONG et des investisseurs engagés ne sont pas neutres. Le refus d’autorisation par le gouvernement indien d’un projet d’exploitation de la bauxite dans la région d’Orissa en Inde fin août 2010 a entrainé une chute de 23 % du cours de Vedanta Resources au London Stock Exchange au mois d’août 2010. Véritable coup de grisou, la capitalisation boursière de Vedanta a même fondu depuis 14 mois de la bagatelle de 3,7 milliards de livres.

Pourtant, en juillet 2010, quelques jours avant l’assemblée générale de Vedanta à Londres, l’agence de notation extra-financière EIRIS et Amnesty avaient explicité dans un rapport les risques majeurs de ce projet, du fait notamment du non-respect des droits des populations locales. Ainsi, les actionnaires de Vedanta avaient été avertis en temps et en heure.

Vedanta mine threatens Indigenous communities from Amnesty International on Vimeo.


La décision des autorités indiennes est arrivée tardivement, mais elle accrédite l’influence des acteurs associatifs et des financiers engagés. La population locale, les Dongrias Kondhs et les communautés vivant dans les collines de Niyamgiri, ont aussi réussi dans cette affaire à trouver des relais puissants loin de leur base, y compris dans des médias comme The Guardian ou des personnalités comme Björk et son association Náttúra.

Ce qui n’est pas toujours le cas, les ressources minières se situant bien souvent dans des zones reculées, des pays pas toujours démocratiques et loin des caméras. C’est pourquoi les ONG du Nord transmettent des savoir-faire aux communautés locales pour qu’elles puissent se faire entendre et se structurer.

Comme l’indique le rapport,"d
es ONG, souvent de stature nationale ou internationale, contribuent (par la formation, la diffusion de procédures, l’information, etc.) au processus d’amélioration des compétences des individus et au renforcement institutionnel d’une ou plusieurs organisations locales afin de rendre leur action plus efficace."
Les entreprises extractives les plus secrètes peuvent de moins en moins facilement vivre cacher dans les boyaux de la mine. Autant de raisons qui devraient les pousser à prendre de l’avance, en commençant par exemple à cartographier leurs parties prenantes, comme le fait Areva. Un travail préliminaire nécessaire avant d’engager une réflexion sérieuse et à 360°.

Mais, la lenteur de la mutation du secteur minier, qui dégage souvent une rentabilité très satisfaisante pour les actionnaires, ne laisse entrevoir à court terme ni une diminution sensible des actions de Justice par les ONG, ni une pause dans l’action pédagogique des investisseurs engagés.



Pour voir le classement des entreprises sur leur engagement philanthropique:
L’étude est téléchargeable ici

Pour aller plus loin :

12/10/2011 Le Monde : Quarante propositions pour "verdir" et réformer le code minier français
La tâche était ardue et, jusqu'à maintenant, personne ne s'y était vraiment attelé. Dans un rapport de près de 400 pages, remis mercredi 12 octobre, à la ministre de l'écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, l'avocat Arnaud Gossement avance 40 propositions pour réformer le droit minier français, un vieux monsieur dont la loi fondatrice date du 21 avril 1810…Suivez ce lien pour lire la suite :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/10/12/quarante-propositions-pour-verdir-et-reformer-le-code-minier-francais_1586225_3244.html

La vidéothèque de Vale Inco Nouvelle Calédonie.

Conformément aux dispositions prévues dans le cadre du Pacte pour un développement durable du Grand Sud, le Comité Consultatif Coutumier Environnemental (CCCE) a été constitué le 29 octobre 2009. Trente pages sont consacrées aux textes constitutifs et aux photos prises lors de la mise en place de cette instance garante de la participation des autorités coutumières au suivi environnemental de l’Usine du Grand Sud.
http://www.vale.nc/pages/videotheque.htm

Mining+Conservation
http://www.conservation.org/sites/celb/Documents/2011.02.02_CELB_Mining_Factsheet_LR.pdf

Article du Soir en Belgique sur le Kivu

La contestation des salariés devant la Justice. 21/09/2011 :
Former gold miners in South Africa are suing industry giant Anglo American in the London High Court for allegedly damaging their health. The former workers contracted lung diseases because of bad ventilation in the UK-based company's South African mines, their lawyers allege. Anglo American says it is in no way liable and is defending the claims.
The BBC's Karen Allen reports.
http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-15009307


http://video.fr.ca.msn.com/watch/video/sa-gold-miners-sue-in-uk-court/1estlu0fl?cpkey=c316b3e5-3f9a-4c83-841f-82a59daf7090%7C%7C%7C%7C&src=v5:share:sharepermalink:&from=sharepermalink

Le secteur minier vu sur ce blog :

Côté Investisseurs : Aviva s’est opposé à Vedanta (rémunération excessive des dirigeants, nombre trop élevé d’accidents du travail, atteintes à l’environnement). En savoir + sur Aviva Investors :
http://ong-entreprise.blogspot.com/2011/09/des-ong-et-une-coalition-dinvestisseurs.html

Juin 2010 : Sur la Vale : le point de vue de l’ONG IBase
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/06/long-ibase-scrute-la-politique-de-lula.html

Mai 2010 : le syndicat brésilien CUT donne son éclairage sur la Vale
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/05/bresil-la-cut-salue-des-avancees.html

Juillet 2010. Argentine ; ouverture d’une mine à ciel ouvert à Cordoba
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/07/la-politique-de-rse-des-firmes.html

Février 2011 : Mines au Congo, reportage de Capital Terre par Guy Lagache
http://ong-entreprise.blogspot.com/2011/02/capital-terre-guy-lagache-devoile-le.html

Avril 2011. L’or équitable avec Solidaridad
http://ong-entreprise.blogspot.com/2011/04/solidaridad-sest-rapproche-des-grandes.html

lundi 13 juin 2011

Des banquiers aux pieds nus aux marches glissantes de Wall Street


















Ces dernières années, la cotation en Bourse de deux instituts de microfinance (IMF) à Mexico et Bombay a suscité la polémique, certains y voyant un dévoiement du but ultime de réduction de la pauvreté. Le ver serait dans le fruit. A l’opposé, d’autres voix soulignent qu’il faut attirer toujours plus de capitaux pour répondre à l’ampleur des besoins.

Comme de nombreux outils de lutte contre la pauvreté (BoP), la microfinance présente parfois un caractère hybride, avec les contradictions de ce genre de modèle, le monde associatif ayant été en partie relayé par le secteur privé.
Les acteurs qui sont de plus en plus en concurrence ont parfois emprunté des voies différentes. Vouloir présenter simplement cet outil est une gageure.

Le point de départ de cette mutation a été l’introduction en Bourse en avril 2007 à Mexico et à New York de Banco Compartamos (« partageons »), Institucion de Banca Multiple. Cette ancienne ONG, créée au début des années 1990, s’est transformée au fil de ses besoins de développement en obtenant au final une licence bancaire. Mais, le tournant a résidé dans l’ouverture de la société aux « intérêts privés », qui possédaient au départ autour de 30% du capital pour le plus grand bonheur de ces investisseurs. Dans les années de croissance, un investisseur qui plaçait ses billes dans Compartamos récupérait en effet sa mise initiale en moins de deux ans. Mais, cette transition a été accompagnée de taux d’intérêt de l’ordre de 100% (justifiés par certains par un niveau de coûts élevés) et également de vente forcée de produits connexes, comme l’assurance-vie.

Selon Benoit Granger, professeur à Advancia, les dirigeants, qui étaient au départ de l’histoire, ont multiplié par 300 leurs mises initiales, ce qui a généré un certain malaise et une division des grandes figures du mouvement. Tous les détails de cette métamorphose figurent dans son papier « évaluer la microfinance après le scandale Compartamos", publié dans le Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2009 (Revue d’Economie Financière).

En 2010, Compartamos Banco a encore affiché un produit net bancaire et un résultat net en hausse de plus de 25% (un profit de 110 millions d’euros), une marge d’intermédiation de 59% et un fonds de commerce de près de 2 millions de clients actifs. Bien que l’action Compartamos Banco ait perdu près de 20% de sa valeur depuis le début de l’année, la banque des pauvres capitalise encore plus de 2,1 milliards d’euros.

Video: Richard Rosenberg, consultant chez CGAP revient sur l'origine de la controverse.

MFP 087. Compartamos Controversy - Leadership and Responsibilities. Part 1 - Interview with Richard Rosenberg - CGAP from Microfinance Podcast on Vimeo.

Néanmoins, la situation mexicaine semble plus saine que celle de l’Inde du sud, comme l’illustre la descente aux enfers du titre SKS Microfinance Ltd, introduit en fanfare fin août 2010 à la Bourse à Bombay à 1.088 roupies. Très dynamique, la start up indienne avait déjà bénéficié du soutien Soros Fund Management et Sequoia Capital. Des sponsors avertis puisque le fonds d'investissement Sequoia Capital, fondé par Don Valentine en 1972, avait participé au développement de sociétés qui ont fait leurs preuves telles qu'Apple, Oracle, Yahoo, Google et YouTube.

Le fait que SKS était à l’origine une ONG apparue en 1998 semble aujourd’hui un lointain souvenir. Elle s’est industrialisée et s'est hissée sur la seconde marche des IMF dans le monde. Avec un passé glorieux. En 2006, son fondateur Vikram Akula a été sélectionné dans les personnalités de l’année par le magazine Time. En 2008, SKS a fait une entrée remarquée dans le club fermé des «most influential emerging companies» du magazine Business Week se retrouvant ainsi au côté de Facebook, China Mobile et Microsoft.

Fleurant un bon filon, les investisseurs l’ont poussé à 1.491 roupies fin septembre 2010. Pourtant, ce ne fût qu’un feu de paille, puisque l’action vaut actuellement 355 roupies, après avoir même touché un plus bas de 255 roupies (cf. la cours de Bourse en roupie en illustration).

La société, qui capitalise aujourd’hui environ 393 millions d’euros, a subi de gros dégagements, après avoir annoncé une perte de 11 millions d'euros au premier trimestre 2011, contre un bénéfice de 9,8 millions un an plus tôt. Sur les trois premiers mois de l’année, le chiffre d'affaires a chuté de 39 % selon les Echos et les provisions ont été multipliées par sept. Cette déroute boursière n’est pas un cas isolé à Bombay, puisque de janvier 2009 à décembre 2010, le titre de SE Investments est passé sans crier gare de 4,21 à 31,25 roupies, avant de perdre 50% de sa valeur sur les premiers mois de 2011.

SKS Microfinance n’a fait que récolter un retour de bâton prévisible, après les excès de certains IMF dans l’Etat de l'Andhra Pradesh, qui ont conduit les autorités fédérales à prendre des sanctions radicales. Elles déploraient en effet la pratique de taux usuraires et l’empilement de prêts à des ménages insolvables, notamment à des fins de consommation. Un détournement des buts officiels du microcrédit et des méthodes de recouvrement musclées qui ont entraîné une vague de suicides parmi les emprunteurs. Les contraintes mises en place par l’Etat de l'Andhra Pradesh ont paralysé de l’activité des IMF. Et, les critiques publiques contre le système ont conduit à une chute des remboursements et une dégradation des portefeuilles.

Tel et si bien qu’une vague de consolidation est attendue en Inde. Elle va résulter selon Fitch Ratings du récent plafonnement au niveau nationale à 26% des taux d’intérêt et de la montée des impayés. Deux facteurs qui impactent la rentabilité des IMF, notamment les plus petits, avec deux issues : le changement d’échelle ou la sortie pure et simple du marché.

Les établissements financiers traditionnels, qui ont coupé les vannes ("credit crunch"), restent en embuscade. Selon le média indien LiveMint.com (Banks may acquire majority stake in microfinance firm ; 31 mai 2011), certaines banques envisagent de convertir les dettes de certains IMF en actions, pour en prendre une partie du capital. Des institutions comme SKS Microfinance ont été contraints de lever des fonds ces derniers mois, de vendre des portefeuilles et de recourir à la titrisation. SKS Microfinance Ltd envisagerait de diversifier ses activités.

Cette crise tranche nettement avec l’environnement plus consensuel et toujours porteur d’une autre zone. L’établissement PT Bank Rakyat Indonesia (Bank BRI), qui est un pionnier du microcrédit avec plus de 32 millions de clients, a vu son bénéfice par action (EPS) croitre 24% par an en moyenne sur ses derniers exercices. Son action est même passée depuis 2002 de 2 à 6,25 roupies indonésiennes. Elle est aujourd’hui présente aussi bien dans les grandes villes que dans les villages avec 4.000 points de vente.

Cette banque est née en 1895 sous la colonisation hollandaise au sein d’une communauté réunie autour d’une mosquée locale à Purwokerto au centre de Java. Elle a survécu à l’occupation japonaise et a été partiellement privatisée en 2003. Néanmoins, la présence de l’Etat dans son capital lui a sans doute permis d’enregistrer une croissance assez régulière et au service du plus grand nombre. A ce titre, à la surprise de nombreux observateurs, elle a échappé à la crise asiatique de 1997 grâce à l’orientation domestique de ses activités.

L’engouement initial des marchés dans le cas de SKS Microfinance Ltd et de Banco Compartamos démontre que la microfinance est devenue une « classe d’actif » à part entière, au même titre que les obligations d’Etat, les métaux précieux, les actions de pays émergents ou les subprimes.

Cette catégorie de placement a été présentée par certains analystes comme un bon véhicule de diversification, offrant des rendements sympathiques et un caractère défensif. Il n’est donc pas inapproprié de parler dans le cas de SKS de l’éclatement d’une «bulle financière», liée notamment à des situations de surendettement, de manque de rigueur et d’activités orientées à court terme. Un cas qui n’est pas unique, puisque l’action de Capital Trust Limited a vu son cours revenir de 120 à 50 roupies depuis novembre 2010.

Qui dit krach dit un moindre appétit à la prise de crise des investisseurs, voire des bailleurs de fonds. Néanmoins, il semble difficile d’extrapoler, tant le contexte local et culturel joue un rôle structurant : le Mexique, l’Inde du sud et l’Indonésie n’ont pas les mêmes fondamentaux. Si la microfinance ne montera pas jusqu’au ciel, les milliards de personnes pauvres en quête d’inclusion nécessitent bien de drainer des capitaux et d’avoir le savoir-faire pour les transformer en une multitude de petits prêts à un coût raisonnable.

Dans ce contexte, ses défenseurs en appellent à une politique incitative des Etats, comme l’assureur Bradesco pour la micro-assurance au Brésil. Les plus libéraux pensent que la crise va faire disparaître ceux qui ont souscrit des engagements douteux avec faible impact. Et craignent qu’une régulation trop forte casse la dynamique de la profession et réduise l’attrait du secteur.

Dès 2006, les germes de la discorde et la difficulté de la synthèse ressortaient clairement dans une interview donnée à Sciences au Sud par Jean-Michel Servet, professeur à l’institut universitaire d’études du développement à Genève, directeur de recherche associé à l’UR003 Travail et mondialisation de l’IRD. Pour ce spécialiste,

« Il est en effet facile d’opposer une vision romantique de banquières et banquiers aux pieds nus qui, par de petits prêts, offriraient la prospérité aux populations considérées comme les plus démunies, à la dénonciation de nouveaux profiteurs qui endetteraient les pauvres au-delà de leurs capacités de remboursements. La réalité est plus complexe»



Muhammad Yunus à Paris par Youphil

Des progrès dans la mesure des impacts sociaux pourraient permettre de redorer l’image de la profession et de rassurer les investisseurs, particuliers ou professionnels, et les philanthropes, toujours en quête de données fiables avant de s’engager. La confiance est ancrée au cœur du processus.

Pour Jonathan Morduch de New York University et co-auteur de « Portfolios of the Poor », le métier de micro-banquier est devenu très sophistiqué, mais la philanthropie y joue toujours un rôle essentiel.



Chuck Waterfield considère que de nouveaux entrants comme les banques en Amérique latine vont inonder les pauvres de capitaux, avec le risque potentiel qu’ils empruntent des sommes excessives. Que le microcrédit devienne trop facile à obtenir. Avec comme perspective la formation d'une bulle à l'Indienne.



Convergences 2015, qui réunit une vingtaine de partenaires qu'ils soient publics ou privés, prône une microfinance qui marche sur deux jambes. Elle doit réussir à être viable sur le plan économique et vigilante sur sa finalité, à savoir viser un impact social durable, notamment pour le développement économique des femmes. Ce collectif a lancé un appel remarqué en mai dernier, lors d’une conférence à Paris. La liste définitive des signataires sera publiée fin juin 2011.

Pour aller plus loin :

L’analyse de Benoit Granger sur la cotation de Compartamos
http://www.aef.asso.fr/article.jsp?prm=53147

Le Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2009
http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/06/achetez-le-rapport-moral-sur-largent.html

« La microfinance saisie par le néolibéralisme ».IRD - Institut de Recherche pour le Développement (France) 01-12-2006
Entretien avec Jean-Michel Servet, professeur à l’institut universitaire d’études du développement à Genève, directeur de recherche associé à l’UR003 Travail et mondialisation de l’IRD, auteur du livre Banquiers aux pieds nus - La microfinance
http://www.infosdelaplanete.org/1462/undefined?L=EN

Une crise salutaire? Le point de vue de Julie Katzman, general manager of the IDB´s Multilateral Investment Fund. 09.2010


Lower growth, shakeout await microfinance firms. 07.01.2011
D. Maniamma, for one, has had enough of microlenders. After borrowing more than Rs.50,000 (USD 1,115) over the years to fund her business selling clothes in this dusty village beyond the sprawl of Hyderabad, she says her family was forced by collection agents to sell its motorbike to repay a loan.
Reuters

mercredi 11 mai 2011

Développement durable : Lafarge n’avance pas seul















Le groupe Lafarge, qui a dégagé un chiffre d’affaires de 16,2 milliards d’euros en 2010, vient de publier son rapport de développement durable. Ce document offre une vision dynamique du cimentier, qui utilise une batterie d’indicateurs chiffrés suivis dans le temps et faciles à lire.
Il en ressort des données dans les domaines les plus divers :

  • Les émissions de C02 par tonne de ciment produite par Lafarge dans le monde ont baissé de 21,7% (contre 20,7% en 2009) par rapport à 1990, soit 600 kg par tonne contre encore 774 kg en 1990.
  • En 2010, le groupe a atteint son objectif de mesurer les émissions de polluants persistants dans tous ses fours afin, dans un deuxième temps d’appliquer de bonnes pratiques visant à les réduire.
  • 94% des carrières en activité ont été passées en revue selon des critères établis par le WWF International. Elles n’étaient que 69% en 2009.
  • Une réflexion est engagée sur l’exploitation de l’eau dans le cadre du projet international “empreinte hydrique” qui permet d’évaluer les enjeux pour ses sites industriels en fonction de la disponibilité réelle de l’eau douce dans les différentes régions.
  • Nouvelle baisse du nombre de jours perdus à cause d’accidents du travail.
  • Le programme de bonnes pratiques mis en place en Afrique dans la lutte contre le HIV/Sida et la malaria a été étendu à la Russie et à l’Ukraine.
  • Les investissements dans le domaine de la sécurité et de l’environnement ont atteint 88 millions d’euros en 2010, en baisse de presque 50% par rapport à 2008 (157 ME), en raison de la crise.
  • Lafarge emploie désormais 31% de ses salariés dans des pays où les droits de l’homme (selon Freedom House’s Freedom in the World 2010) ne sont pas garantis. A comparer à 11% seulement en 2005.
Le leader mondial des matériaux de construction a su s’entourer très tôt d’experts pour mener à bien sa politique de développement durable, comme l’illustre dans ce rapport les commentaires des membres de son panel de parties prenantes (stakeholders). Ses «amis critiques» balisent les étapes qu’il serait souhaitable selon eux que Lafarge franchisse dans les prochaines années. En outre, Lafarge a aussi noué des partenariats avec des associations de premier plan (le WWF depuis 2000, Care depuis 2003).

Au départ, le WWF a notamment aidé le groupe cimentier à identifier les indicateurs de performance environnementale les plus pertinents, pour la baisse de ses consommations d'énergie, la limitation de ses émissions, etc. Ainsi qu’à développer une stratégie de réhabilitation écologique des carrières en fin de vie, qui ne seraient plus laissées à l’abandon, avec notamment pour bénéfice la biodiversité.

Pour Bertrand Collomb, PDG du groupe jusqu'en 2007. Avec le recul,...

« cela a été une relation assez virile, mais nous avons progressé. Ce partenariat avec le WWF a été le début d’une approche où nous acceptions de nous laisser challenger par l’externe. Il a abouti à un état d’esprit où des gens extérieurs à l’entreprise peuvent poser des questions, et nous considérons que, s’ils les posent, ce sont de bonnes questions. Même si nos ingénieurs auraient vu les choses différemment».


Le partenariat Lafarge et WWF par LafargeGroupe


Si Lafarge est considéré par certains experts comme un « prime mover », avec les bénéfices que cela comporte en théorie, ses efforts en matière de RSE ne devaient pas compromettre sa pérennité face à des concurrents moins-disants socialement ou sur le plan écologique. C’est pourquoi Lafarge a voulu ouvrir les yeux de ses rivaux en lançant la Cement Sustainability Initiative (CSI). La CSI est une initiative sectorielle du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD).

Les dix membres de la CSI se sont engagés en juillet 2002 à réviser leur processus de fabrication et leur vision du monde. Avec trois grands engagements : protéger le climat, préserver les ressources (matières premières naturelles et énergies fossiles) et assurer la santé et la sécurité des collaborateurs. Cette initiative se base sur le volontariat.

Aujourd’hui, les 23 membres du CSI représentent plus de 40% de la production mondiale de ciment, contre 29% en 2009. Un bond en avant récent, car 5 cimentiers chinois ont rejoint le club en 2009 et 2010. Des acteurs significatifs, qui pèsent 20% de la production de leur pays.

Depuis le début, la Cement Sustainability Initiative s’est dotée d’un conseil consultatif composé de cinq experts indépendants. Ils vérifient que cet élan collectif ne dévie pas de ses intentions initiales. Comme le Dr. Mostafa Kamal Tolba (Fondateur et Président de l’ICED; auparavant Executive Director à l’UNEP), le Dr. Claude Martin (ex DG WWF International) ou encore Zhang Jian Yu (Program Manager, Environmental Defense China Program).

La longue marche n’est pas finie, puisque 60% des cimentiers ne partagent pas cette philosophie. L’enjeu est donc majeur, car la production de ciment et de granulat est encore appelée à croître dans années à venir. Les marchés émergents poursuivent en effet des objectifs de développement légitimes et le phénomène d’urbanisation s’accroît. De ce fait, toute la démarche engagée par la CSI pourrait se révéler un coup d’épée dans l’eau.

Pourtant, l'implication croissante d’industriels en provenance des Brics semble indiquer que ces préoccupations gagnent du terrain. Des chiffres diffusés en juillet 2010 par la CSI, montrent que l’intensité en CO2 par tonne produite par 46 compagnies a reculé de 3,8% depuis 2005 et même 14,3% depuis 1990…

L’Initiative Ciment en donne plusieurs explications : de nouveaux modes de fabrication, de nouveaux fours à ciment (cement kilns), une meilleure efficacité énergétique et le recours à des fuels alternatifs. De plus, les nouvelles cimenteries construites en Chine seraient désormais toutes conçues à la pointe de la technologie.

Pour Lafarge, le travail déjà accompli n’est pas neutre. Outre la motivation du personnel, il faut savoir que la réhabilitation des carrières est devenue un argument commercial pour emporter un marché. Etre en avance est aussi bon en terme d’image. Début 2010, Lafarge a signé un accord volontaire avec l’Environmental Protection Agency (EPA) aux Etats-Unis, où il prévoit d’investir 128 millions d’euros en équipements afin de réduire ses émissions de SO2 et de NOx à des seuils inférieurs à la réglementation.

Dans le Rapport 2010, le panel de Lafarge souligne les dangers de la sous-traitance avec d’autres partenaires du secteur privé comme l’a montré l’an passé la catastrophe dans le Golfe de Mexico. Il relève aussi avoir eu des discussions franches concernant le projet de Lafarge d’une nouvelle implantation en Inde.
"Dans ses relations avec les communautés, le groupe Français reconnaît volontiers avoir rencontré des problèmes, notamment à Ravena dans l’Etat de New York et à Himachal Pradesh en Inde."
Les membres du panel appellent de leurs vœux l’émergence de technologies de rupture dans le monde de la construction, qui permettraient d’économiser de l’énergie, de prévenir une hausse des phénomènes climatiques extrêmes et la raréfaction de l’eau.
"Des bâtiments plus agréables à vivre, à des prix abordables afin aussi de lutter contre la pauvreté et réduire le stress urbain;"
Dans le détail, la variété des thèmes évoqués par le panel reflète la diversité de leur recrutement.

Il est aussi indiqué que 75% des ventes de Lafarge sont couvertes par un système de management écologique (EMS, environmental management system) et 45% par la norme ISO 14001. L’objectif de l’industriel est de parvenir à terme à 100%. Pour Frank Rose, personnalité indépendante du panel des stakeholders, les choses pourraient aller plus vite.

Pour Jean-Paul Jeanrenaud (WWF International), la réduction de certains polluants persistants constitue une priorité. Il faudrait aussi selon l’ONG mesurer la biodiversité liée à la réhabilitation des carrières par rapport à un référentiel comme celui de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature).


De son côté, Alastair Mcintosh (Centre for human ecology) se réfère à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (septembre 2007), y compris des droits sur l’exploitation des ressources naturelles. Il appelle Lafarge a porté haut l’étendard de cette cause lors de l’étude de toute nouvelle implantation. Il cite expressément la question du « droit au libre consentement préalable et éclairé » (free, prior and informed consent, FPIC)

Marion Hellmann, Assistant General Secretary de Building And Wood Workers International (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, BWI) note que la part de l’outsourcing dans l’emploi total a atteint 30% chez Lafarge, alors que l’effectif du groupe continue de baisser.

Il demande à Lafarge de donner des indications sur la part des femmes travaillant dans l’outsourcing, car elles en sont souvent les principales victimes.

Selon lui, Lafarge doit également expliquer ce qu’il fait pour promouvoir les droits de l’homme et suivre les recommandations du Rapport Ruggie dans les pays où la situation des ouvriers et des syndicats est critique. Même chose concernant la composante humaine dans sa politique de supply chain.

Pour découvrir ce rapport :
http://www.lafarge.com/wps/portal/2_7-Rapport_de_developpement_durable?xtor=EPR-81



Cement Sustainability Initiative
http://www.wbcsdcement.org/

Le partenariat de Lafarge et Care contre le Sida a fait ses preuves. Juin 2009

http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/06/le-partenariat-de-lafarge-et-care.html

« Critical Friends: The Emerging Role of Stakeholder Panels in Corporate”
Mars 2007

Accountability et Utopies
ont produit un rapport de recherche, qui étudie l’expérience des entreprises s’appuyant sur des panels de parties prenantes afin de conforter la stratégie de développement durable. Entreprises sondées : Areva, BT, BP, EDF, Camelot, Gaz de France, Ford, Nike et Vodafone. Le rapport fournit également un guide pratique pour la mise en place de panels efficaces et met en évidence comment ces panels peuvent contribuer à l’amélioration continue du reporting, de la gouvernance et de la performance de l’entreprise.
http://www.stakeholderpanels.net/

« Le développement durable : outil de compétitivité pour les entreprises françaises ».

Rapport de la Commission Ingénierie et Grands Projets. Groupe de Travail : Environnement
Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur Français (CNCCEF) Octobre 2007
http://www.avenirdurable.org/IMG/pdf/08_rapport_DDurable_1_.pdf

vendredi 4 février 2011

La révolution numérique offre de nouvelles perspectives à l’Afrique



Nous avons rencontré cette semaine Jacques Bonjawo. Ce dernier est ingénieur informaticien et diplômé MBA de l’Université George Washington. Il dirige actuellement Genesis Futuristic Technologies, qui a des bureaux en Inde et à Washington. Il fut senior manager au siège de Microsoft de 1997 à 2006. Impliqué dans l’essor de la télémédecine en Afrique, il a également contribué, avec le soutien de Bill Gates et de la Banque mondiale, au lancement de l’Université virtuelle africaine dont il fut le premier président.

Il a également lancé une start up au Cameroun, Genesis Telecare, qui propose de la télémédecine, notamment dans les zones les plus reculées, qui manquent cruellement de médecins et de spécialistes. Depuis deux ans, cette offre innovante a déjà permis à 11.000 patients d’obtenir un diagnostic pertinent à un prix très modique, principalement en cardiologie.


Cet entrepreneur est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Internet, une chance pour l’Afrique", publié en 2002 aux Editions Karthala. Depuis cette date, la part de l’Afrique dans le total des connexions mondiales est passée de 1 à 7%. Jacques Bonjawo vient d’achever un ouvrage de référence, dans lequel il décrit la façon dont les technologies de l’information et de la communication (TIC) constituent une opportunité pour les pays en développement : "Révolution numérique dans les pays en développement : l'exemple africain" aux Editions Dunod en partenariat avec RFI.

Pour lui, l’Afrique doit s’engouffrer dans la voie ouverte avant lui par l’Inde, qui a obtenu des résultats spectaculaires grâce aux TIC. L’Inde et l’Afrique partagent certaines caractéristiques communes : pauvreté, démographie galopante et jeunesse de la population, illettrisme, multi-confessionnalité, richesse culturelle et linguistique, prépondérance des petites exploitations agricoles. L’Afrique serait dans la situation de l’Inde des années 1980. Une Inde décrite comme ayant réussi à tirer son épingle du jeu de la mondialisation, mais aussi un pays qui est la plus grande démocratie du monde.

« Il n’a aucune raison pour que l’Afrique échappe aux bouleversements induit par les TIC. Il est essentiel que les Africains s’approprient ces technologies pour prendre la place qui leur revient dans le concert mondial plutôt que de laisser les autres décider à leur place leur destin. (…)Faute de quoi la fracture numérique viendra élargir la fracture économique et sociale Nord-Sud qui est déjà considérable»

Cet ouvrage plein d’espoir recense de nombreuses expériences, qui ont eu des conséquences concrètes pour ses promoteurs et pour la population. Jacques Bonjawo parvient à mettre en évidence à quel point le développement de nouveaux services est facilité par la technologie (Internet, téléphonie mobile, diffusion satellitaire) dans de nombreux domaines d’activité. Ces avancées, qui demandent de l’imagination, voire parfois du système D, ne sont pas l’apanage d’un pays en particulier. Les projets éclosent en effet dans tout le continent, parfois simultanément.

Malgré les esprits chagrins, il ressort que les différents apporteurs de solutions innovantes parviennent en général à combler certains handicaps comme la faible vitesse de connexion sur la plus grande partie du territoire africain ainsi que les problèmes d’accès à l’électricité. De plus, au même titre que le social business en Europe, le succès de ces nouvelles applications passe par une étude préalable des coûts : des tarifs modiques proposés aux utilisateurs doivent être compensés par un effet volume et une création de valeur, comme dans l’agriculture le partage des meilleures pratiques, l’accès au marché et à la météo. Surtout, de nombreuses applications sont directement dédiées aux téléphones mobiles, que les Africains se sont totalement appropriés, notamment les plus jeunes.

Les activités qui ont été explorées en Afrique et qui fait figure de Terre promise de ces nouvelles technologies font chacune l’objet d’un chapitre, comme le commerce électronique, la télémédecine et la cybersanté, la cyber agriculture, l’enseignement, notamment professionnel. Les progrès pour les bénéficiaires seront d’autant plus élevés que toutes les initiatives avancent de concert sur tous les fronts.

TV5 Monde. Coup de Pouce pour la Planète - Jacques Bonjawo 8/03/2010


Les révolutionnaires digitaux sont originaires de tous les horizons, notamment des opérateurs téléphoniques comme Orange et MTN. La Banque mondiale a aussi joué un rôle important, sous l’impulsion d’Etienne Baranshamaje, qui a eu l’idée en 1997 de la création de l’Université virtuelle africaine (UVA), dont le siège est à Nairobi. Cette école dispense des cours par satellite, notamment en informatique, mais aussi en journalisme et les énergies renouvelables. L’UVA a noué des partenariats avec l’université Laval et l’Agence universitaire de la Francophonie. A ce jour, plus de 50.000 personnes ont été formées, sans avoir besoin d’aller à l’étranger, pour des budgets réduits au minimum. Les ONG locales fourmillent également d’idées (objet d'un futur post).

Dans la télémédecine, Genesis Telecare a construit son business plan à un horizon de 5 à 10 ans. Pour être viable, il lui faudra atteindre une masse critique de patients. Pour des raisons d’équité, ses services sont moins chers en zones rurales qu’en ville, car il est plus difficile d’y trouver du travail. Cette start up emploie déjà 50 collaborateurs. Ce projet illustre également le rôle que peut jouer la diaspora dans le développement de l’Afrique. Il peut aussi contribuer à redynamiser la médecine locale, cette dernière connaissant une hémorragie chez les diplômés, qui préfèrent s’exiler dans des pays riches.


« Si l’Afrique veut "épouser son siècle", la responsabilité de la doter de structures démocratiques et d’en améliorer la gouvernance incombe au premier chef aux Africains eux-mêmes. »
Le dernier chapitre est consacré à un terme à la mode, la gouvernance. L’auteur insiste pour rappeler que les TIC ont un rôle à jouer dans le processus de démocratisation, comme par exemple la transparence du processus électoral, comme au Sénégal avec l’établissement d’un fichier électoral consultable par tous et la présence des radios dans les bureaux de vote. 

Au Cameroun, le réseau Netwel (Media network for elections) a facilité la couverture des élections de juillet 2007 par les journalistes. La transparence, le désir de participation à la vie publique de la société civile et l’apparition d’espace public électronique pourraient permettre un jour selon l’auteur de faire reculer la corruption et d’accroître en Afrique le nombre de régimes pluralistes.


« On ne peut plus étouffer les gens. La censure est de plus en plus difficile à mettre en oeuvre »
Et ce grâce à Internet et à des supports comme RFI et la BBC. Lorsque le journal algérien La Tribune fut interdit de publication, ses articles furent diffusés sur le site de Reporters sans Frontières. Les blogs permettent aussi à la diaspora d’offrir une information alternative, qui dénonce les dérives, appuie et amplifient les revendications qui émanent de l’intérieur. Ainsi, le site Seneweb, créé par un informaticien sénégalais basé aux Etats-Unis, fait figure de leader d’opinion dans son pays d’origine.

L’auteur insiste fortement sur le rôle de l’éducation, car pour lui, il ne suffit pas d’être connecté, il faut aussi être capable d’utiliser avec un minimum d’efficacité l’outil Internet, de surmonter les réticences vis-à-vis d’un matériel perçu comme étranger et complexe. Comme en Inde, il s’agit d’un enjeu crucial.

L’auteur pourfend aussi le préjugé, qui réclamerait un retrait de l’Etat des TIC. Il lui revient d’éviter un développement anarchique, tout en offrant au secteur privé, qui fourmille d’idées, un cadre propice pour opérer. Il rappelle que les structures étatiques ont joué un rôle déterminant dans le développement des TIC dans les pays du Nord.

Dans ce processus, les femmes devraient occuper une place centrale. Elles sont moins corrompues que les hommes et jouent un rôle majeur dans la famille. Les choses bougent, puisqu’Ellen Johnson Sirleaf est devenue en 2005 la première femme élue démocratiquement présidente d’un pays africain.

Mon avis : 


Ce livre est très documenté et facile à lire. Les initiatives qui y sont citées sont concrètes. Les applications développées en Afrique sont très éloignées de la bulle Internet des années 2000, même si les aspects économiques et de changement d’échelle restent importants. Elles s’inscrivent dans la mouvance de réduction des inégalités à la base de la pyramide. 


Cet ouvrage revêt également un caractère prémonitoire, compte tenu des derniers évènements en Afrique du Nord, car les technologies de l’information favorisent la liberté d’expression et renforcent le désir d’une amélioration de la gouvernance. D’une révolution à l’autr
e.

Pour commander le livre :

Collection: Hors collection, Dunod
2011 - 192 pages - 140x220 mm
EAN13 : 9782100553853 - Prix TTC France 19 €
http://www.dunod.com/informatique-multimedia/ouvrages-generaux-dictionnaires/ouvrages-generaux-dictionnaires/revolution-numerique-dans-les-pa

Pour en savoir + sur l’auteur
http://www.jacquesbonjawo.com/

Le site de la société de télémédecine
http://gentelecare.com/

Pour aller plus loin :

Interview de l’auteur par RFI









INVITE AFRIK du 4/02 Jacques BONJAWO nelle techno

(05:28)






















Une interview de Jacques Bonjawo sur wagne.net : « Il est important de démocratiser l’accès aux TIC »
http://www.wagne.net/wagnenet2/index.php?option=com_content&view=article&id=155&catid=19

Revue Les Afriques : Interview de Marc Rennard, directeur exécutif Afrique, Moyen-Orient et Asie de France Télécom-Orange
http://www.lesafriques.com/actualite/nous-favorisons-le-transfert-de-technologies-vers-l-afr.html?Itemid=89?articleid=27623

Cameroun : le Réseau Netwel démocratise l’information

http://www.haayo.org/Cameroun-le-Reseau-Netwel.html

Le blog Seneweb

http://www.seneweb.com/

mardi 18 janvier 2011

Des entreprises plus riches que des pays malgré la crise






En août 2002, un classement avait été réalisé par les Nations Unies comparant le PIB généré par les Etats à la valeur ajoutée dégagée par les plus grandes entreprises. Cette étude mettait donc en relief la création de richesse sur 12 mois, mais pas le patrimoine ou l’actif net.

Il en ressortait que 29 des cent entités économiques les plus importantes du monde étaient des entreprises, dont la plus grosse, l'américaine ExxonMobil, se classait à l’époque devant de grands pays comme le Pakistan, le Pérou ou l’Algérie. A l’époque, cette montée en puissance des firmes transnationales était en progression, car selon la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), elles n’étaient que 24 en 1990.

L’ONU avait pris comme base le principe de la « valeur ajoutée » (somme des bénéfices avant impôt, des salaires, des amortissements pour l'année 2000). ExxonMobil affichait alors une valeur ajoutée de 63 milliards de dollars. Parmi les autres entreprises de cette liste figuraient notamment de nombreux constructeurs automobiles comme General Motors (47), Ford (55e) et le japonais Toyota (59e). Le géant pétrolier français TotalFinaElf caracolait alors à la 74ème place.

Cette position dominante des grandes firmes ne peut que se traduire par une certaine influence, notamment du fait de la possibilité de choisir dans quels domaines et quels pays investir, du grand nombre de salariés de ces entreprises, de leur attractivité à l’embauche, de gestion de la fiscalité, des relations avec les autorités locales, sans compter la capacité de lobbying ou encore la tentation du chantage concernant les menaces sur l’emploi liées à l'étude de la mise en œuvre de certaines réglementations ou du retrait du circuit d'un médicament.

C’est pourquoi cette publication de la CNUCED avait à l’époque largement inspiré la littérature, notamment chez les militants altermondialistes. Marc Delepouve, membre du bureau national d’Attac avait ainsi indiqué que « Cette liste montre bien que les entreprises ont de plus en plus de pouvoir. Elles n’ont même pas besoin de se constituer en lobby pour faire pression sur les Etats puisque leurs valeur ajoutée sont parfois supérieures au PIB des Etats ».

Dix ans plus tard, les choses ont évolué, puisque cette liste des 100 plus grosses entités économiques s’est renouvelée à hauteur de 24%. Exxon Mobil a reculé à la 53ème place, tandis que la crise a balayé les constructeurs automobiles. L’exercice 2009 est intéressant à observer, car il s’inscrit longtemps après l’éclatement de la bulle Internet et dans la foulée de la disparition de Lehman Brothers.

Voici la liste des cent entités économiques les plus importantes du monde pour l'année 2009 selon mes estimations, sauf erreurs et omissions. Ces entités sont classées selon leur importance en 2009 (rang). Le chiffre qui suit le nom de l’entité est en milliards de dollars (PIB nominal pour les Etats, valeur ajoutée estimée pour les entreprises), puis suit sa position dans l’étude de la CNUCED et la variation de son rang sur la période. Le signe X indique une entrée dans le classement.

Rang

Nom

Données chiffrées

Position en 2002

Variation

1

Etats-Unis

14256

1

0

2

Japon


5068


2


0


3

Chine


4909

6


3


4

Allemagne

3353

3

-1

5

France

2676

5

0

6

Royaume-Uni

2184

4

-2

7

Italie

2118

7

0

8

Russie

2110

18

10

9

Brésil

2110

9

0

10

Espagne

1464

11

1

11

Canada

1336

8

-3

12

Inde

1236

13

1

13

Australie

997

14

1

14

Mexique

875

10

-4

15

Corée du Sud

833

12

-3

16

Pays-Bas

795

15

-1

17

Turquie

615

22

5

18

Indonésie

539

29

11

19

Suisse

495

19

0

20

Belgique

470

21

1

21

Pologne

430

28

7

22

Suède

405

20

-2

23

Norvège

383

27

4

24

Autriche

382

23

-1

25

Taïwan

379

16

-9

26

Arabie Saoudite

370

24

-2

27

Venezuela

337

33

6

28

Grèce

331

34

6

29

Iran

330

37

8

30

Argentine

310

17

-13

31

Danemark

309

25

-6

32

Afrique du Sud

287

30

-2

33

Thaïlande

264

31

-2

34

Finlande

238

32

-2

35

Emirats Arabes Unis

230

52

17

36

Colombie

229

42

6

37

Portugal

228

36

-1

38

Irlande

228

39

1

39

Hong Kong

211

26

-13

40

République Tchèque

195

51

11

41

Israël

195

35

-6

42

Malaisie

191

41

-1

43

Egypte

188

38

-5

44

Singapour

177

40

-4

45

Nigéria

173

57

12

46

Pakistan

167

46

0

47

Chili

162

44

-3

48

Roumanie

162

61

13

49

Philippines

161

43

-6

50

Algérie

141

49

-1

51

Hongrie

129

54

3

52

Pérou

127

48

-4

53

Exxon Mobil

125

45

-8

54

Nouvelle Zélande

118

50

-4

55

Ukraine

116

64

9

56

Koweït

111

60

4

57

Kazakhstan

109

92

35

58

Wal-Mart

104

69

11

59

Bangladesh

95

53

-6

60

Vietnam

91

66

6

61

Maroc

91

63

2

62

Slovaquie

88

86

24

63

Qatar

83,9

x

x

64

General Electric

77,8

58

-6

65

Petrochina

77

x

x

66

ATT

72,6

90

24

67

Bank of America

72,4

x

x

68

Chevron

72

x

x

69

Nestlé

69,2

x

x

70

Angola

68,8

x

x

71

JP Morgan Chase

68,4

x

x

72

Irak

65,8

x

x

73

Nippon Telegraph

65,7

x

x

74

Verizon

63,5

75

1

75

Croatie

63,2

87

12

76

China Mobile

62,6

x

x

77

Libye

60,4

67

-10

78

Equateur

57,3

x

x

79

Soudan

54,7

x

x

80

Emirat d'Oman

53,4

79

-1

81

Total

53,3

74

-7

82

Gazprom

52,9

x

x

83

Syrie

52,5

98

15

84

Luxembourg

51,7

89

5

85

Sinopec

51,9

x

x

86

GDF Suez

50,1

x

x

87

Slovénie

49,2

93

6

88

Royal Dutch Shell

49,8

62

-26

89

Biélorussie

49

x

x

90

BP

48,6

68

-22

91

Royal Bank of Scotland

48,5

x

x

92

Bulgarie

47,1

x

x

93

ICBC

46,8

x

x

94

République Dominicaine

46,7

83

-11

95

Microsoft

46,3

x

x

96

Statoil

44,4

x

x

97

IBM

43,8

70

-27

98

Johnson & Johnson

43,5

x

x

99

Azerbaïdjan

43,1

x

x

100

Serbie

42,9

x

x


Les multinationales ont continué à se développer de manière profitable, malgré une activité en berne en 2009. La dernière entreprise classée de 2000 dégageait une valeur ajoutée de 17 milliards de dollars, aujourd’hui, en bas de tableau, c’est 43 milliards de dollars, ce qui représente un changement d’échelle, même en tenant compte de l’inflation.

En outre, la valeur ajoutée dégagée par Exxon Mobil en 2008 s’élevait à 190 milliards de dollars, c'est-à-dire que la firme pétrolière se situait il y a 2 ans environ en 42ème position, mieux qu’en 2000. Le secteur pétrolier est par nature assez volatile.

Parmi les entités listées ne figurent aujourd’hui que 21 entreprises, dont la moitié dans le secteur très lucratif de l’énergie. Ces 21 firmes génèrent une valeur ajoutée de plus de 1.500 milliards de dollars, équivalent au PIB de l’Espagne. En fait, durant cette dernière décennie, la croissance de certains Etats, notamment dans les Brics, a été très élevée. Les grandes multinationales, bien qu’elles aient cherché à tirer leur épingle du jeu dans les pays émergents, n’ont pas connu un essor aussi rapide, compte tenu de leur base élevée initiale dans des pays mûrs. Leurs positions se sont donc légèrement érodées en 10 ans au profit des Etats.

La quasi-totalité des multinationales sont issues des 5 économies les plus puissantes, à part Nestlé et les mastodontes russes évoluant dans l’énergie. Les champions nationaux des Brics commencent à rattraper leur retard, notamment Petrochina, Sinopec ou China Mobile. Nous n’avons pas réussi à trouver les données financières de State Grid. Pour sa part, Petrobras, la première entreprise brésilienne, pourrait bientôt rentrer dans le classement.

Du point de vue des associations de plaidoyer, on comprend mieux leur focalisation sur des secteurs ayant un fort impact comme le pétrole et la finance. Le niveau très élevé des profits dans certains métiers pourrait cacher une forme de rente, voire de "prédation", comme le pense Jean Peyrelevade pour le système bancaire. C’est bien son analyse dans le dernier Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2010.

D’un point de vue éthique, ces groupes géants sont aussi susceptibles de perdre la mesure, notamment en termes de rémunération, tandis que les inégalités ont du mal à reculer dans le monde. La question est de savoir à quels stakeholders profitent les bénéfices, en dehors bien sûr des actionnaires et de l’Etat, qui prélève la TVA. C’est ainsi le débat sur le partage de la valeur ajoutée.

Néanmoins, la forte progression des profits sur 10 ans de nombreuses multinationales démontre également que les entreprises créent de la valeur. Les firmes constituent le principal facteur de création de richesses dans le monde. La croissance économique dans les Brics est visiblement favorisée par l’essor de son tissu industriel et financier.

A ce titre, les multinationales constituent de gros effets de levier pour des ONG, qui nouent des partenariats. Elles sont de puissants bailleurs de fonds potentiels (partenariat, financement de la recherche, ouverture de Chaires, etc.), souvent à travers de Fondations. Il est aussi pertinent de pousser une multinationale à modifier son comportement que de sensibiliser un pays tout entier. Certaines firmes commencent aussi à s’intéresser au bas de la pyramide.

Face à ces mastodontes, le secteur associatif ne peut pas aligner de tels chiffres, même en tentant de chiffrer la valeur réelle du bénévolat. Seule la Fondation Bill Gates se distingue par la taille de ses réserves et sa capacité d’influence. Mais, elle est elle-même issue indirectement du monde des affaires, via la personnalité de ses fondateurs.

Annexes :

Pays figurant dans le classement de la CNUCED ayant le plus progressé :

Russie, Kazakhstan, Emirats Arabes Unis, Slovaquie, Chine, Ukraine, Indonésie, Brésil, Croatie, Syrie, Turquie, le Vietnam, le Nigéria, la Hongrie et le Koweït.

Entreprises figurant dans le classement de la CNUCED ayant enregistré la plus forte progression de valeur ajoutée en %:

Wal Mart, ATT (grâce à une fusion) et Verizon.

Les entrées

15 entreprises rentrées dans le classement 2009:

Bank of America, Petrochina, Nestlé, Chevron, JP MorganChase, Nippon Telegraph, China Mobile, GazProm, GDF Suez, Royal Bank of Scotland, ICBC, Microsoft, Statoil, Johnson & Johnson et Sinopec.

NB : En 2002, la CNUCED ne semblait pas avoir étudié la valeur ajoutée des banques et des cies d’assurance

9 nouveaux pays accèdent au classement :

Le Qatar, l’Angola, l’Irak, l’Equateur,le Soudan, la Biélorussie, la Bulgarie, l’Azerbaïdjan et la Serbie.

Les sorties :

20 Entreprises sorties du classement 2009:

(ancienne position entre parenthèses):

General Motors (47),

Ford Motor (55),

DaimlerChrysler (56),

Toyota Motor (59),

Siemens (65),

Volkswagen (71),

Hitachi Ltd (73),

Panasonic (76),

Mitsui & Co (77),

Eon (78),

Sony (80),

Mitsubishi Motor (81),

Philip Morris (85),

Itochu Corp (91),

Honda Motor (94),

ENI Spa (95),

Nissan Motors (96),

Toshiba Corp (97),

GlaxoSmithKline (99)

et BT Group (100).

4 pays sortis du classement :

(ancienne position entre parenthèse)

Cuba (72),

l’Uruguay (82),

la Tunisie (84)

et le Guatemala (88).