Les parties prenantes poussent activement les entreprises à changer de comportement. Dans le même temps, la RSE est devenue de plus en plus complexe. Ce blog a vocation, modestement, à suivre ces tendances de la crise des subprimes à la guerre en Ukraine. Certaines initiatives y sont aussi mises en avant.
jeudi 12 novembre 2009
Témoignages de réussite dans les relations PME/associations
Le 4ème Forum des Associations et des Fondations, qui s’est tenu le 5 novembre 2009 au Palais des Congrès Porte Maillot, a accueilli 2.822 participants (+25% par rapport à 2008). Il s’est achevé par une conférence sur les moyens pour les PME de développer les relations avec les associations.
Réalisée à la demande de Deloitte In Extenso, une enquête qualitative menée par le Cerphi (centre d’étude et de recherche sur la philanthropie) entre juillet et octobre 2009 auprès d’une trentaine de PME a permis d’apporter un éclairage sur l’état d’esprit des chefs d’entreprise sur la signification qu’il porte au mécénat. Un résumé de la présentation de cette enquête figure sur ce blog : http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/11/dix-regles-dor-pour-les-partenariats.html
Différents intervenants venus du monde associatif et du secteur privé ont fait part de leurs expériences en matière de relations ONG/entreprises. Emmanuelle Peres, Déléguée Générale du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise (CJD), a indiqué que les PME ont intérêt à discuter avec leurs parties prenantes. A sa fondation, en 1938, le CJD insistait sur la nécessité du dialogue social. Plus récemment, dans les années 80, il a développé le concept d’"entreprise citoyenne ", une terminologie désormais passé dans le langage courant. Puis, le CJD a développé la notion de « performance globale », qui repose sur 4 piliers interactifs : l’économique, la performance sociale (formation, gestion prévisionnelle), l’environnement et le sociétal (relations avec les parties prenantes). A ce titre, le CJD a donné l’exemple à ses membres en collaborant avec des ONG comme Agrisud ou le Sidaction.
Frédéric Jousset, le Président de Webhelp, opérateur de centres téléphoniques, employant 6.000 salariés, a indiqué que l’implication des salariés constitue une donnée sous-estimée par les sondés de l’étude Cerphi. Ceux-ci sont en effet loin d’être indifférents au mécénat de leur entreprise. Webhelp a ainsi donné 1 million d’euros pour permettre au musée du Louvre d’acquérir la « La Fuite en Egypte » de Nicolas Poussin. Webhep s’y était engagé à côté de 15 autres donateurs comme la Fondation d'entreprise Gaz de France, AXA, la Caisse d'Epargne Rhône Alpes, JC Decaux et le Cabinet Bonnet. A cette occasion, la CGT a publié un tract opposant le rachat d’une croute à la stagnation des salaires chez Webhelp.
Webhelp a également mis à plusieurs reprises gracieusement ses infrastructures techniques dans le cadre de l'opération nationale de lutte contre le SIDA (Sidaction). Plus de 300 téléconseillers volontaires ont apporté leurs compétences pour réceptionner les appels et contribuer ainsi à baisser le coût de la collecte de l’association. Le climat social est une des conditions de réussite du mécénat, les problèmes de France Télécom, dont l’image négative ne peut pas être contrebalancée par l’action de la Fondation Orange, malgré un gros budget.
Webhelp, qui a mené d’autres opérations de mécénat, comme « Greffe de Vie » ou encore avec Sports sans Frontières, estime que la crise financière ne peut que freiner les partenariats associations/PME. De plus, il considère que le nombre de donateurs potentiels est réduit du fait du faible nombre de PME d’une certaine taille en France. Il espère que l’assimilation des critères de RSE, qui commence par une sensibilisation dans les écoles, va conduire à terme à une génération de patrons mieux sensibilisés.
Frédéric Jousset, dont l’entreprise est régulièrement sollicitée, souligne que les associations ne déploient pas le même professionnalisme pour démarcher les PME qu’envers les particuliers. Elles oublient souvent de mettre en avant les bienfaits attendus pour l’entreprise donatrice. Or, une PME ne peut pas être généreuse. L’argent appartient en effet aux actionnaires et la logique comptable domine. Dans le même sens, Virginie Seghers, consultante en responsabilité sociale des entreprises et coordinatrice de la conférence, a rappelé en effet que la "philanthropie" menée par une firme relève de l’abus de bien social.
Didier Jeannot, Président de PRISME, a témoigné des avantages que présente le « mécénat collectif » pour une entreprise par rapport à une initiative plus modeste et isolée. Créée en 1989 l'association PRISME regroupe une trentaine d'entreprises de taille et d'activités différentes. Son objet principal est la promotion du mécénat d'entreprises au travers de la réalisation d'œuvres d'art urbain et le soutien à l'art contemporain, plus particulièrement la jeune création contemporaine, à Reims et sa région. Avec la crise économique et sociale, l'association a décidé cette année d'ajouter une dimension sociale à son action.
Du côté ONG, certaines acteurs savent parfaitement gérer leurs relations avec le secteur privé comme Agrisud et le Rire Médecin. Agrisud International, qui a été fondé par un chef d’entreprise, connait bien l’univers du business. Sa vocation est d’aider les pauvres par une démarche de marché, axée sur la sécurité alimentaire, la promotion des femmes et de l’environnement. Robert Lion, son Président, a précisé que l’objectif concret de l’association est de réinsérer dans le circuit économique des personnes en situation de précarité. Elle aide des petits entrepreneurs et facilite la création de très petites entreprises. Depuis 1992, Agrisud a lancé 19.100 très petites entreprises (TPE), plus de 80.000 emplois ont été créés en Afrique, en Asie du Sud et dans l’Océan Indien.
Dans ce cadre, les PME françaises ont un rôle à jouer, comme l’illustre le partenariat d’Agrisud avec la laiterie de Saint Denis de l’Hôtel. Il a débouché très concrètement sur un projet de développement agricole au Cambodge. Ce projet a même suscité une adhésion complète des salariés de la laiterie.
Agrisud International accepte le financement privé, dans une fourchette comprise entre 30 et 35% de son budget. L’ONG peut aussi travailler avec des multinationales comme avec certains villages du Club Méditerranée. Le voyagiste a ainsi accepté d’aller voir au-delà de ses clôtures. Ce partenariat vise en effet à favoriser le lien économique et social entre les villages du Club Med et leur environnement, par l'aide à la création de très petites entreprises viables et durables à proximité de villages dans des pays du Sud. Des initiatives qui génèrent même de la fierté chez les GO.
Robert Lion, qui vient de démissionner de Greenpeace France pour se lancer dans les élections régionales, a indiqué que Greenpeace Allemagne n’était pas imperméable au monde des affaires. Surtout connue pour ses activités de plaidoyer, l’ONG écologiste participe pourtant régulièrement à des journées de sensibilisation et à des séminaires. Son objectif est de mieux se faire comprendre et d’expliquer ses raisonnements. Pour lui, « les bonnes ONG disposent d’expertises ». A tel point, que lors du Grenelle de l’Environnement, certains responsables patronaux ou syndicaux ont parfois écarquillé des yeux devant le discours bien argumenté d’un monde associatif, qui ne porte pas de cravate. Certaines expertises, comme dans l’énergie, sont selon lui transférables.
L’association Le Rire Médecin, aussi présente sur le colloque, fait jouer et rire les enfants malades dans les hôpitaux. Elle produit 58.000 spectacles par an pour les enfants et leurs familles. Les entreprises contribuent à environ 32% du budget. Son Directeur Général, Marc Avelot, a noté une professionnalisation des ONG et des entreprises dans leurs partenariats, qui ont longtemps reposé principalement sur la proximité géographique. Désormais, le mécénat se joue au « cœur du métier » de la firme.
C’est ainsi que le Rire Médecin est épaulé par un partenaire original, une entreprise de capital risque, qui l’accompagne pour changer d’échelle, notamment dans sa volonté de créer une école internationale du rire. Cette ONG a fini par être copiée avec plus ou moins de réussite. C'est pourquoi son objectif est de diffuser largement les "meilleures pratiques" (souci de qualité) même au-delà de l’association et d’augmenter le nombre des « hôpiclowns » (accroître l’impact en touchant plus d'enfants). L’ONG a fait ainsi l’objet d’un audit en profondeur par son partenaire. Pour son promoteur, il s’agit de sortir de la sphère des certitudes.
En bon observateur, Marc Avelot décèle certaines dérives. A force de mettre en avant certaines formes de mécénat, comme par exemple l’échange de compétence ou l’aide en nature, il y a un risque de désertification de l’aide financière. Or, les ONG ont des frais généraux incompressibles. Par ailleurs, il serait sans doute selon lui dommage d’abandonner le mécénat culturel pour répondre à des causes purement humanitaires ou de solidarité.
A l’heure où l’on voit des ONG lancer des filiales commerciales et des entreprises parler de valeur ajoutée sociale, Olivier Kayser, Président Fondateur de Hystra et ex-responsable européen du mouvement d'entreprenariat social Ashoka, a donné une vision dynamique de la question. Cette jeune société de conseil « hybride » vise à pousser les entreprises à s'intéresser aux populations les plus démunies de la planète, "le bas de la pyramide", en développant des produits et des services adaptés à leur faible pouvoir d'achat.
Pour Olivier Kayser, le défi consiste à passer du stade du laboratoire, où sont menées certaines initiatives innovantes, à celui de la généralisation. Faute d’investissement dans de nouveaux modèles, le mérite des grandes entreprises est de repérer des starts up, de les racheter et de leur allouer des ressources qui vont leur donner l’élan nécessaire. A peine lancée, Hystra, est déjà en contact avec une partie importante des sociétés du CAC 40. Elle a déjà travaillé concrètement sur le thème de l’accès à l’énergie pour des groupes comme GDF Suez, Total et Schneider Electric.
Les entreprises hybrides doivent venir combler le « no man land » qui sépare le monde associatif des entreprises. Une firme doit en effet selon lui justifier son existence, avoir une « licence to operate » par rapport au danger de « non assistance à planète en danger ». Citée en exemple, une entreprise comme Novo Nordisk a connu une croissance insolente depuis qu’elle s’est fixée comme objectif, non pas de vendre des médicaments, mais l’éradication du diabète.
Pour aller plus loin :
Présentation de la performance globale du CJD
http://www.cjd.net/Default.aspx?tabid=92
Le Rire Médecin
http://www.leriremedecin.asso.fr/
Hystra : Access to Energy for the Base of the Pyramid; Octobre 2009
http://www.hystra.com/opensource/energy.html
Le témoignage de Sylvain Breuzard. «Les fondations ne sont pas réservées qu'aux grands groupes» Le Journal des entreprises. Avril 2009.
http://www.lejournaldesentreprises.com/editions/59/actualite/rencontre/sylvain-breuzard-il-s-engage-et-cultive-la-difference-03-04-2009-66954.php
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