Les parties prenantes poussent activement les entreprises à changer de comportement. Dans le même temps, la RSE est devenue de plus en plus complexe. Ce blog a vocation, modestement, à suivre ces tendances de la crise des subprimes à la guerre en Ukraine. Certaines initiatives y sont aussi mises en avant.
jeudi 31 mai 2012
Face à la crise, le Zermatt Summit 2012 réunit entreprises, ONG et universitaires pour réfléchir au Bien commun
En 2010, la Fondation Zermatt a été créée dans le but de chercher des solutions à une crise aux causes et conséquences multiformes. Elle veut remettre au centre de la société des valeurs comme la solidarité. Avec notamment le constat d’une relation employeur/employé déficiente et d’une domination écrasante des marchés financiers sur la scène mondiale, génératrice de pauvreté. Sa signature « humanizing globalization » parle d’elle-même.
La Fondation constate qu’il existe des solutions à la crise actuelle, mais qu’elles sont trop souvent ignorées par les acteurs du secteur public et du secteur privé. Du commerce équitable au «social business », en passant par le microcrédit, par l’investissement éthique, de nouveaux modèles existent qui combinent respect de l’homme et performances économiques.
Cette année, du 21 au 23 juin, le 3ème Sommet Zermatt engage une réflexion sur le « Bien Commun ».
Président de la Fondation Zermatt Summit, Christopher Wasserman est également Président-Fondateur de TeroLab Surface Group, prestataire de services de traitement des surfaces pour l'industrie et le secteur biomédical, dont le siège est à Lausanne. Il a répondu à mes questions.
Quelle est le moteur de la Fondation Zermatt ?
Je suis co-fondateur de Zermatt Summit, qui se veut un lieu de rencontre pour réfléchir aux causes de la crise, dans l’idée de dessiner des solutions. Loin d’être uniquement économique, la crise est plus profonde, elle concerne notre civilisation. Notre dessein est de replacer l’homme au cœur de l’économie. Compte tenu de l’importance des entreprises dans l’emploi et la création de richesses, il nous semble indispensable d’élargir le rôle de l’entreprise, qui ne saurait se résumer à verser un dividende. L’entreprise amène un progrès humain, économique, sociétal et technologique.
Le Sommet est-il comparable à celui de Davos ?
La station montagnarde de Zermatt, dans le canton du Valais, présente l’avantage d’être loin du bruit de la ville. Cette station est interdite aux voitures. Contrairement à Davos, on n’y parle pas business. Le public du sommet est varié, avec des chefs d’entreprise (PME et grands groupes), des ONG, mais également des personnes défavorisées. D’autres intervenants participent, notamment du monde académique ainsi que des leaders spirituels. Le Père Nicolas Buttet est d’ailleurs Membre du conseil de Fondation Zermatt Summit. Tous les participants montrent en général une grande responsabilité personnelle.
Et, par rapport à Davos, où ce sont souvent de grands patrons qui se déplacent, qui ont plus de 50 ans, nos participants sont en général plus jeunes. Davos a néanmoins eu le mérite de lancer une réflexion sur les nouveaux indicateurs du bien être, susceptibles d’apporter un regard complémentaire au seul PIB.
D’où viennent les participants ?
Ils sont en majorité européens, mais proviennent du monde entier, comme en 2011, l’iranienne Shirin Ebadi, première femme musulmane à avoir reçu le Prix Nobel de la paix, en 2003.
Qui organise ce forum ?
Le Sommet est organisé par une Fondation, qui bénéficie du soutien de mécènes privés. Ces derniers se sont engagés à titre individuel. Certains participants au Forum sont invités, d’autres s’inscrivent. Notre action est relayée dans divers réseaux, comme le CJD et Entreprise et Progrès en France, le Family Business Network, ainsi que dans les réseaux d’anciens de Business Schools.
Sur quels sujets axez-vous le prochain Sommet ?
Le bien commun. Ce thème succède à celui du «dirigeant serviteur» en 2011, le dirigeant, leader responsable, qui ne travaille pas que pour lui-même, ce qui sous entend certains impératifs : entrepreneurship, leadership et statesmanship.
Pour moi, le bien commun se distingue des biens communs (air, eau, etc), une terminologie très utilisée par les associations environnementales. Il s’agit plutôt d’un chemin qui tient compte de l’intérêt de la communauté en mettant en sourdine l’intérêt personnel. Le bien commun n’est ni individualiste, ni collectiviste.
Dans l’entreprise, cette notion se décline sous différents aspects, RSE, ESG, innovations sociales. Certains de nos intervenants vont témoigner de leurs progrès en la matière, comme Google, universellement connu, mais aussi des entreprises familiales, comme en Suisse Bobst, qui a eu le courage de traverser la crise financière et la dépréciation du franc suisse en sauvegardant des places du travail.
Le monde financier est-il présent ?
En 2010, le sommet a reçu le dirigeant de la société de gestion du plus grand fond de pension anglais, Hermes Private Equity. La finance doit servir la croissance économique, mais ne pas devenir une fin en soi. Il est justifié de se demander s’il ne faut pas couper en entités cohérentes, mais indépendantes, les activités commerciales traditionnelles des opérations de trading. Nous sommes en relation avec Finance Watch, dont le fondateur est devenu Ministre en France.
Que pensez-vous de l’ISR ?
Concernant l’Investissement Socialement Responsable, il est compliqué de comprendre tous les critères entrant en compte. Il y a un aspect marketing. Alors que les grands groupes ont les ressources pour publier un rapport détaillé, les PME risquent d’être ignorées, faute de moyens.
Pourquoi les ONG sont-elles conviées à Zermatt ?
Les ONG m’apparaissent comme un allié des entreprises dans le sens du bien commun. Je pense notamment à des partenariats comme celui de Lafarge et du WWF. Il existe aussi des coopérations fructueuses dans l’audit des fournisseurs dans le secteur du luxe et du bois.
Le social business est aussi présent. Ashoka, association qui réunit les principaux entrepreneurs sociaux du monde entier, viendra aussi présenter l’initiative qu’il a lancée avec Boehringer Ingelheim. Avec «Making More Health», ils visent à améliorer la santé des individus, des familles et des communautés en identifiant et en soutenant les solutions les plus prometteuses.
Que se passe-t-il entre deux sommets ?
Entre deux sommets, l’action de la Fondation se poursuit. Nous participons ainsi au Principles for Responsible Management Education (PRME) et au Global Compact dans la perspective de Rio+20. Il faut préparer les nouvelles générations, en particulier les futurs leaders du monde économique et politique, pour qu’ils prennent conscience des enjeux et imaginent de nouveaux modèles.
La Fondation a également aidé financièrement le World Future Council, qui participe à Rio+20. Le World Future Council vise aussi à faire émerger une génération de futurs dirigeants, qui ne seraient pas issus du traditionnel clivage gauche/droite, au sein des parlements, notamment le Parlement européen.
Dans notre univers de réflexion, il existe aussi d’autres évènements comme El Aconcagua Summit au Chili «humanizar la globalización» et le Zermatt New Leaders Forum dont la première édition a eu lieu en Mars dernier au Collège des Bernardins à Paris.
Quel sera le point d’orgue de votre séminaire ?
Le Sommet 2012 s’achèvera sur une Déclaration sur le Bien commun, destinée à être diffusée largement. Des membres de nos réseaux vont en présenter les conclusions aux décideurs politiques, aux syndicalistes, etc. Cette démarche, qui se traduira par des rencontres de visu, doit permettre de répandre les bonnes idées repérées par la Fondation tout en lui permettant d’accroître sa notoriété.
Comment déclinez-vous vos convictions au sein de votre groupe industriel ?
Mon entreprise emploie 200 salariés. Face à la crise, j’ai pris conscience que la crise allait être longue et qu’il fallait que j’adapte le management dans un monde en mutation. J’ai engagé un plan à moyen terme, en introduisant la norme d’ISO 14.000. J’ai fait appel à l’ONG Great Place to Work, ce qui a débouché sur la mise en place de formations spécifiques et à l’adoption d’indicateurs sociaux.
Pour aller plus loin :
Le site de la Fondation http://www.zermattsummit.org/
Twitter : Follow @Zermattsummit
Voir l’interview donnée à Economie et Société : "L’intérêt individuel ne coïncide pas avec l’intérêt général" http://www.economieetsociete.com/L-interet-individuel-ne-coincide-pas-avec-l-interet-general_a1154.html
Le blog de Paul Jorion
http://www.pauljorion.com/blog/?p=25349
Sur ce blog, où le CJD est cité :
Des cadres en quête de sens. Novembre 2009
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2009/11/des-cadres-en-quete-de-sens.html
Témoignages de réussite dans les relations ONG/secteur privé. Novembre 2009
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2009/11/temoignages-de-reussite-dans-les.html
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