lundi 19 octobre 2009

Antoine Mach : «la critique des ONG s’est tassée. »



La société Covalence, qui comprend 3 salariés, suit dans la durée la réputation éthique d’environ 540 multinationales dans 18 secteurs de l’économie. Elle tire ses sources des médias, de la société civile et des entreprises. Covalence SA a été fondée à Genève en 2001 par six personnes d'horizons différents: science politique, finance, ONG, et juridique. Un de ses co-fondateurs et dirigeant, Antoine Mach est diplômé d’un Master de Sciences Politiques de l’université de Genève. Il est l’auteur d’une monographie « Entreprises suisses et droits de l’homme : Confrontations et partenariats avec les ONG » publiée en 2001 à l’Université de Fribourg.

Comment vous documentez-vous ?

AM : Nous utilisons toutes les sources accessibles sur Internet en quatre langues, l’anglais, le français, l’espagnol et l’allemand. Nos recherches se concentrent sur l’éthique, la problématique sociale et l’environnement. La collecte de ces données, que nous effectuons notamment avec des stagiaires dans de nombreux pays, nous permet de calculer des indices de réputation par entreprise et par secteur.

Quelle est la place des ONG sur vos écrans radars?

AM : Nous avons constaté que l’influence des ONG a baissé. Elles communiquent toujours, mais certaines sources d’information sont devenues plus actives : la presse, la presse spécialisée et les blogs. Les grands journaux comme Le Monde et le FT conservent un rôle, car ils sont largement repris et inspirent d’autres articles sur la toile. Les moteurs de recherche nous permettent de trouver les sites les plus populaires.

Nous suivons le discours des ONG et des syndicats, qui est souvent critique, mais nous le confrontons à la masse des informations positives et négatives que nous collectons. Nous nous heurtons parfois à des obstacles techniques, car les sites web des ONG ne sont pas toujours faciles à suivre : recours aux Newsletters, mauvaise indexation.

Avez-vous noté une inflexion dans le discours du secteur non marchand ?

AM : Selon nos observations, la critique des ONG s’est tassée. Certaines d’entre elles émettent une critique diffuse, par exemple contre le système, comme Attac, alors que nous mesurons la réputation d’entreprises bien identifiées. Et, beaucoup d’associations ont entamé un dialogue avec le monde des affaires. Les ONG y trouvent des financements, les entreprises un bon moyen de soigner leur image.

De plus, une organisation comme Greenpeace ne fait plus que distribuer des mauvais points, elle nomme aussi les entreprises qui progressent.

Existe-t-il une loi NRE en Suisse ?

AM : Aujourd’hui, la quasi-totalité des grandes firmes suisses effectue un reporting en matière de RSE, soit un rapport ad hoc, soit un document intégré dans leurs rapports annuels. Elles y sont fortement incitées. Il demeure un débat sur la fidélité des données publiées dans ces rapports, mais, dans les faits, les ONG semblent en prendre acte. Elles en tiennent en effet compte, leurs rapports avec le secteur privé devenant moins conflictuel. Et, leurs campagnes de plaidoyer doivent désormais devenir plus ciblées avec des rapports plus pointus.

Dans le secteur de la pharmacie, il apparait ainsi que la période de l’opposition frontale a cédé la place à davantage de dialogue, avec des collaborations fructueuses, comme celle entre Sanofi et MSF.

Les ONG s’intéressent elles aussi à la mesure de la réputation ?

AM : Nous comptons quelques ONG parmi nos clients. L’Alliance Globale pour la nutrition s’intéresse plus particulièrement à cette thématique. Mais, d’autres ONG se soucient du profil éthique de leurs partenaires privés.

Quelles sont vos différences avec les agences de notation sociétale ?

AM : Les agences de notation réalisent des audits, alors que nos sources sont plus ouvertes. Mais, les agences regardent désormais de plus en plus la question de la réputation en suivant des sources externes. De notre côté, nous utilisons une grille d’analyse unique, permettant de comparer tous les secteurs de l’économie entre eux. Des synthèses de nos analyses sont consultables sur notre site et diffusées sur des réseaux sociaux.

Pour aller plus loin :

Le but de Covalence est d'augmenter la densité des informations sur le développement durable. Son outil, EthicalQuote, mesure l'évolution historique de la performance éthique des entreprises multinationales telle qu'elle est perçue et relayée dans la société. Des milliers de documents provenant de diverses sources sont rassemblés sur Internet et à travers un réseau ouvert de correspondants entre les organisations de la société civile, entreprises, chercheurs, consultants et autres intervenants. Ses clients et ses lecteurs sont variés : multinationales, investisseurs, PME, gouvernements, organisations internationales, ONG et médias.

Les informations collectées sont passées au filtre de 45 critères relatifs à la contribution des entreprises au développement humain. Les critères sont répartis en 4 classes: Conditions de travail, Impact de la production, Impact du produit, Impact institutionnel. Les critères ne sont pas différenciés par secteur d'activité, pour permettre des comparaisons entre les multinationales de différents secteurs. Ces critères sont issus des textes et recommandations de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (1948), des recommandations de l'OCDE pour les multinationales (1976), de la déclaration de l'OIT sur la responsabilité sociale des multinationales (1977), de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement (1992), des accords de Copenhague sur le développement social (1995) et des recommandations du Global Compact des Nations Unies (2001).

Covalence Ethical Quotation System a reçu le prix du développement durable de la Ville de Genève en 2004 et a figuré parmi les finalistes du Prix de l'Entrepreneur Social de l'Année 2005 organisé par la Fondation Schwab. Les analyses de Covalence sont aussi diffusées par Thomson Reuters et Bloomberg.

Le site de Covalence
http://www.covalence.ch/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire