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mardi 23 janvier 2024

La taxe carbone aux frontières est entrée en phase de test


En phase de test depuis octobre, la taxe carbone aux frontières en Europe s’inscrit dans un vaste arsenal législatif (appelé « Fit for 55 ») qui doit donner à l’UE toutes ses chances de tenir ses objectifs climatiques. 

En phase de test depuis octobre dernier, la taxe carbone aux frontières, officiellement appelée « mécanisme d'ajustement carbone aux frontières » (MACF), a été approuvée par le Conseil de l'Union européenne en mai 2023. 

En anglais, ce dispositif est dénommé Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM). 

Il entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

Le MACF montera ensuite progressivement en charge jusqu’en 2034, en parallèle de l’assèchement progressif des quotas gratuits du marché carbone européen pour les secteurs couverts. 

Six choses à savoir sur ce nouveau mécanisme : 

1/ En quoi consiste cette nouvelle taxe ? 

À partir de 2026, la taxe obligera les importateurs, dans l’UE, de marchandises polluantes de pays tiers à acheter des certificats pour couvrir les émissions de CO2 directes engendrées par ces produits, afin de créer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises étrangères et les entreprises européennes. Ces dernières doivent en effet acheter des « droits à polluer » sur le marché européen du carbone. 

Par exemple, une entreprise allemande importatrice d'acier d’un pays tiers devra verser une compensation correspondant aux émissions de carbone générées lors de sa production. Si un prix carbone existe déjà ce pays tiers, les importateurs ne paieront que la différence. 


Concrètement, les importateurs dans l’UE de produits couverts par le MACF devront déclarer chaque année les émissions réelles des produits importés. Ces déclarations seront contrôlées par des experts agréés par l’UE et ses Etats membres. 

À défaut de pouvoir déclarer les émissions réelles, un système de valeurs par défaut par couple pays/produit sera mis en place afin de refléter au mieux les émissions associées aux produits importés. 

Le nombre de quotas achetés devra correspondre à la densité carbone qu’aurait le même produit fabriqué au sein de l’UE. Selon la différence, la balance sera rééquilibrée, donnant lieu 

  • à une pénalité si l’entreprise ne justifie pas assez de certificats 
  • et à une déduction dans le cas contraire. 
  • Les surcoûts prévus par le MACF sont calqués sur les cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone (ETS ou SEQE). 

2/ Quels sont ses objectifs ? 

Cette mesure s'inscrit dans le cadre du "Green Deal" européen, avec pour objectif final la neutralité carbone d'ici 2050. 

  • Elle vise à égaliser les conditions de concurrence, les efforts réalisés par les industriels en Europe ne devant plus être réduits à néant du fait d’une offre de produits déloyale d’acteurs non européens moins vertueux. 
  • Il fallait aussi contrer les "fuites de carbone", une expression qui désigne le fait que des entreprises, notamment les plus polluantes, délocalisent leur production hors de l'UE afin d’échapper aux taxes carbone déjà en place sur le continent. 
  • Elle encourage d'autres pays à adopter des mécanismes similaires. 
  • Le but à terme du MACF est aussi de remplacer le système actuel d’allocation des quotas gratuits du système d'échange de quotas d'émission de l'UE. Ils vont être supprimer progressivement à partir de 2026. Instaurer une taxe carbone aux frontières tout en maintenant les quotas gratuits aurait constitué aux yeux de l’OMC une double protection. 


 

3/ Quel est son périmètre ? 

La première phase de cette taxe, d'octobre 2023 à janvier 2024 doit permette aux importateurs concernés de calculer le niveau des prix qui leur seront appliqués et de définir une méthodologie pertinente. 

Elle concerne les importations de six produits de base les plus polluante, tels que :

  • l'aluminium, 
  • l’acier 
  • le ciment, 
  •  l'engrais azoté, 
  • l'hydrogène, 
  • l'électricité, 
  • ainsi que certains produits transformés tels que les boulons et les vis. 

Dans l’immédiat, les secteurs couverts représentent près de 60 % des émissions industrielles de l’Europe. 

L’enjeu des produits transformés sera traité par une nouvelle proposition législative un an avant l’entrée en vigueur effective du MACF. 

4 / Pourquoi les industriels s’inquiètent-ils ? 

Les entreprises européennes craignent que la déclaration des importations et des émissions de carbone pendant la phase d'essai soit très complexe. 

De plus, les entreprises redoutent une distorsion des prix par rapport à leurs concurrents non européens, qui ne sont pas soumis à un tel mécanisme. 

Pour compenser le paiement de la taxe, certains industriels pourraient être contraints d’augmenter leur prix, pour maintenir leurs marges. Rexecode évalue à 4 Mds€ environ les surcoûts pour l'industrie française en 2034. 

Cela pourrait créer des déséquilibres, notamment pour les produits transformés non soumis au MACF, tels que les voitures. Comme l’explique cet article de Ouest France : Pourquoi la taxe carbone inquiète l’industrie  

Et la taxe carbone n’assure pas de protection à l’export. 

5 / Quelles sont les réactions de nos partenaires commerciaux ? 

La Turquie et l'Indonésie envisageraient d’instaurer des taxes carbone pour atténuer l'impact du MACF. 

La Grande-Bretagne vient d’annoncer qu’elle allait mettre en place un dispositif du même genre. 

 

  

6/ Taxe ou subventions ? 

En créant ce mécanisme, l’UE se distingue des Etats-Unis, qui avec l’« inflation Reduction Act », qui est doté de 430 Mds$, dont 390 Mds$ de subventions pour aider la transition énergétique du pays. 

Selon Marie-Françoise Calmette, économiste à la Toulouse School of Economics, 

  • le gain budgétaire lié à la suppression des quotas gratuit est estimé à 40 Mds€ par an 
  • et les 14 Mds€ annuels attendus du MACF seront affectés au budget général de l’UE. 

Par ailleurs, l'usine d'ArcelorMittal de Grande-Synthe, près de Dunkerque, va investir 1,8 Mds pour réduire ses émissions. Ce montant comprend un contrat d'aide de l'Etat de 850 M€, qui financera une unité de réduction du minerai de fer et des fours électriques. Ce projet doit permettre à terme de réduire les émissions de 4,4 millions de tonnes de CO2 par an, soit 5,7% des émissions industrielles nationales. 

Pour aller plus loin : 

Au 1er août 2023, 74 mécanismes de tarification carbone étaient recensés à travers le monde, sous la forme de taxes carbone, ou de « systèmes d’échange de quotas d’émissions » (SEQE). Ces mécanismes opèrent à des échelles différentes : 31 d’entre eux fonctionnent à l’échelle provinciale, 42 à l’échelle nationale et 1 à l’échelle interétatique (SEQE-UE). Les territoires couverts par des mécanismes de tarification carbone représentent ainsi 54 % du PIB en 2023 et 50 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre. (source : I4CE, Institute for Climate Economics) 

Trace : le guide de la taxe carbone

 https://www.traace.co/post/carbon-borders-taxes 

Marie-Françoise Calmette : « La taxe carbone aux frontières est un pas en avant, mais à quel prix ? » Le Monde. Janvier 2023 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/28/marie-francoise-calmette-la-taxe-carbone-aux-frontieres-est-un-pas-en-avant-mais-a-quel-prix_6159664_3232.html

. Le reste

lundi 17 juillet 2023

L’économie de la fermeture accompagne l’abandon des activités devenues indésirables

 

L’Accord de Paris sur le climat de 2015 implique des choix douloureux. Certains pans d’activité sont appelés à devenir marginaux. La voiture électrique va ainsi réduire progressivement la consommation de pétrole.  Comment s’y préparer ? 

Les entreprises les plus impactées par la transition environnementale ne peuvent pas rester les bras croisés. 

On parle même dans le monde financier d’ «actifs échoués » ou en anglais de « stranded assets ». 

 Quelles peuvent en être les causes du déclin de ces actifs : 

  • Des risques physiques, comme le stress hydrique ou l’impossibilité de poursuivre certaines activités situées dans des zones caniculaires. 
  • Durcissement des réglementations : lutte contre la pollution de l’air,… 
  • Des risques technologiques : baisse du prix des énergies renouvelables. 
  • Des risques sociétaux : honte de prendre l’avion. 
  • Des poursuites judiciaires. Outre les énergies fossiles, d’autres filières sont concernées comme les stations de ski. 

En 2020, Luchon Superbagnères avait fait scandale en utilisant un hélicoptère pour déplacer des tonnes de neige pour les déposer sur les pistes. 

Une stratégie de rupture 

Il faudra sans doute une génération pour que la Pologne abandonne le charbon. Les départs à la retraite vont faciliter ce processus. Mais, les résistances sont très fortes. A Varsovie, le charbon est assimilé à la notion d’indépendance nationale. 

Et, selon certains spécialistes, les mineurs font partie des métiers les plus admirés en Pologne : ils sont la quatrième profession la plus respectée — après les pompiers, les infirmières et les ouvriers qualifiés. Loin devant les médecins. On retrouve aussi une forte appétence pour le charbon en Chine et en Australie, même si dans ce dernier pays, le gouvernement vient de changer. 

La volonté de sauvegarder l’emploi constitue d’ailleurs souvent la principale explication de l’inertie. Pourtant, plus le temps passe, plus l’addition sera douloureuse. Les autres aspects à considérer sont la réhabilitation des sites délaissés et la préservation de la biodiversité. La transition écologique demande donc de nouvelles compétences. 

De nouveaux métiers 

Le Master of Science "Strategy & Design for the Anthropocene" est une formation lancée en octobre 2020. Ce diplôme vise à former à la "redirection écologique", arguant de l’échec des approches inspirées de la croissance verte. Elle est proposée conjointement par l'ESC Clermont BS et Strate Ecole de Design Lyon. 

Ses fondateurs intègrent dans leur cursus le constat des limites planétaires. Leur leitmotiv est que les entreprises, les territoires, les politiques publiques locales doivent s’aligner sans tarder pour éviter la réalisation du scénario le plus pessimiste du GIEC. 

Les étudiants font leurs armes sur le terrain, comme lors d’un déplacement dans la Vallée de la Chimie, au sud de Lyon, ou encore à Chastreix, une station de ski qui culmine à 1.050m d’altitude dans le Puy-de-Dôme. L’ethnographie fait en effet partie intégrante des cours, au même titre que d’autres disciplines comme le « design fiction » ou le « design spéculatif ». 

Si cette « écologie de la fermeture » peut choquer certains, car elle remet en cause des modes de production séculaires, qui ont contribué à une forme de progrès, elle a pour mérite de dresser une feuille de route pour que les activités non désirables et les salariés qui en vivent ne finissent pas violemment dans le mur.

 

  

 Pour aller plus loin : 

Quand les entreprises réorientent leurs activités face au climat

http://bit.ly/3KmYghz 

Le Monde. Mai 2023 ; Alexandre Monnin : « Compte tenu du réchauffement climatique, le renoncement n’est plus perçu comme un mot repoussoir » 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/15/alexandre-monnin-compte-tenu-du-rechauffement-climatique-le-renoncement-n-est-plus-percu-comme-un-mot-repoussoir_6173480_3232.html 

mercredi 19 avril 2023

Ces biais neuronaux hérités de la Préhistoire qui freinent la transition écologique


On a beau connaître les problèmes de sécheresse et de sexisme, on ne change pas forcément pour autant ses habitudes. Le carbone, on ne le voit pas et on préfère embaucher des clones. L’ampleur de la tâche, la durée des processus en cours, on parle d’Anthropocène commencé à la Révolution industrielle, annihilent les meilleures intentions. 

On a des motifs de satisfactions : on contemple sa pelouse, on aime avoir des fraises toute l’année, on apprécie les livraisons rapides, etc. 

 Il faut dire que notre cerveau est paresseux. Selon les neurosciences, plus de 95% de nos décisions découlent d’automatismes bien huilés. Mais, en nous reposant sur ces derniers, par facilité, nous pouvons nous tromper et nuire aux autres. Face à une situation complexe, notre cerveau s’attache à des explications intuitives, qui s’adaptent à nos croyances. 

Dans le domaine du raisonnement, ces stéréotypes sont renforcés par le phénomène de « bulle informationnelle », qui nous pousse à nous enfermer dans un univers où toutes les infos vont dans le même sens. De même, il est tentant de vivre confortablement dans une communauté homogène.

D’après les experts, il existe quatre types de biais cognitifs : 

  • les biais qui découlent de trop d'informations, 
  • le manque de sens, 
  • la nécessité d'agir rapidement 
  • et les limites de la mémoire. 

 Source du graphique : Fiche technique N°3. Projet Emploi et Handicap. Maroc, Tunisie, Bénin, Sénégal : Stéréotypes, biais cognitifs et discrimination d’Handicap International et Humanité et Inclusion. Juin 2020. 

Le savoir peut aider la personne à interroger son rapport à l’information, pour prendre de la hauteur gagner et agir au mieux. 

Les journalistes français ont pris collectivement conscience de leurs responsabilités. Ils insistent ainsi de plus en plus sur l’origine des catastrophes naturelles ou des vagues de chaleur. 

L’important semble la qualité de l’information avec des liens clairement établis entre les événements, la simplicité aussi sans doute, voire la proximité pour bouger à son échelle sans être bloqué par la culpabilité ou la peur. Les infographies peuvent faciliter la compréhension des enchainements.

Mais, être informé ne suffit pas. 

 

 Deux entités complémentaires dans le cerveau : le pilote automatique et le cerveau conscient.

Le pilote automatique : 

C’est la partie du cerveau qui prend des décisions ultra-rapides mais de manière innée via des raccourcis cognitifs. Ce fonctionnement facilite la vie quotidienne au prix de peu d’efforts. Plus de 95% de nos prises de décisions quotidiennes sont traitées par lui, avec des routines s’arrêter à un feu rouge ou aller tous les jours à la machine à café à la même heure. 

Certains chercheurs avancent que le cerveau humain prendrait environ 35.000 décisions par jour. D’après Huawei, seulement 0,26% des décisions prises par les individus seraient conscientes, alors que ceux-ci pensent être clairement à l’origine de 92% des décisions prises. 

D’après Huwei, les Suisses interrogés estiment ainsi prendre 9 décisions par jour concernant la nourriture, mais en vérité le cerveau en prendrait jusqu’à 221 décisions par jour à ce sujet. 

Pourquoi ? 

Depuis la Préhistoire, le cerveau cherche à favoriser la survie et la reproduction. Comme mémoriser les points d’eau et éviter le repère des prédateurs. Mais, cela peut, parfois déboucher sur des conclusions hâtives et rigides, pas adaptées au contexte ou au besoin d’évoluer. Comme acheter une maison sur un coup de foudre, mais en zone inondable. 

De même, les stéréotypes entraînent sans un bruit de la discrimination. 

Or, on ne résout pas l’explosion du CO2 d’une fulgurance de notre cerveau automatique. 

Le cerveau conscient : 

Plus lent, il peut nous permettre de ne pas rester en surface en évaluant tous les aspects d’une décision. Plus flexible, il est utile pour s’adapter à la nouveauté ou l’inconnu. Mais, toute demande énergétique doit être justifiée : cela doit valoir la peine. La maîtrise du feu, l’invention de la roue et la grotte de Lascaux viennent de nos cerveaux conscients. 

« Les humains sont très mauvais pour comprendre les tendances statistiques et les changements à long terme.» pour Conor Seyle, Directeur de recherche à la One Earth Future Foundation (source BBC) 

 « On retient plus des dangers faciles à mémoriser comme le terrorisme que des menaces plus complexes, comme le changement climatique. Notre cerveau cherche depuis la nuit des temps à ce que nous soyons bien nourri et à avoir un toit. Ces fonctions nous sont devenues moins utiles dans le monde moderne. Pire, ces biais freinent notre capacité à prendre des décisions rationnelles face aux nouvelles menaces. » 

Les gens ont envie d’agir. 

Mais, on a du mal de basculer du savoir ou de l’envie à l’action. Changer et établir de nouvelles connexions demande de la volonté. Une fois qu’un fumeur comprend que la plupart de ses mégots finissent dans la mer ou dans ma nature, là où il passe ses vacances avec ses enfants, il lui reste à prendre le pli de ne plus les jeter dans la rue. 

Mais, bonne nouvelle, plus ce comportement vertueux est activé, plus il passe en mode automatique. 

Quels sont ces biais qui nous paralysent ?

  • Biais d’inertie : résister à un changement, voir une nouveauté par ce qu’ils demandent beaucoup d’efforts, des remises en cause, voire une menace,…Exemple : pourquoi investir dans les EnR alors que les énergies fossiles ont fait leurs preuves à un coût abordable.
  • Biais de confirmation : Nous ne retenons que les informations qui valident ce qu’on fait déjà. Et, considérer les autres comme ambiguës ou négligeables. Selon le réalisateur Raphaël Hitier, Documentariste scientifique pour Arte, « L’analyse en imagerie cérébrale montre que notre cerveau ne prend même pas la peine de traiter les informations qui contredisent notre vision du monde. Il ne les évalue pas. Difficile de changer d’avis dans ces conditions… » 
  • Biais de surconfiance : surestimer ses connaissances ou compétences dans un domaine et minorer tout ce que l’on ignore encore. Ex : Il y a toujours eu des cyclones en Floride. 
  • Biais du temps présent : Privilégier l'option la plus agréable à court terme, même si ses bénéfices à long terme ne sont pas avérés. On se soucie plus de sa propre famille, plutôt que des « générations futures », qui restent trop abstraites pour tolérer certains sacrifices. Exemple : s’acheter un nouveau smartphone à la mode plutôt que réparer l’ancien, qui va prendre plus de temps. C’est le contraire du principe de l’investissement ou des taux d’intérêt qui offrent une récompense future.
  • Biais de disponibilité mentale : tirer une conclusion d’après le dernier élément observé dont on dispose aisément sur une question. Exemple : il fait froid ce matin. 
  • Biais de « compensation morale" : valoriser une bonne action, même minime, et occulter nos actions non-responsables. Ex : acheter une gourde, mais continuer à rouler en 4X4. 
  • Biais de "pseudo-inefficacité" ou biais du « spectateur » : Je comprends le problème, mais j’estime que mon action individuelle n’a pas d’impact notable sur la résolution d’un problème systémique. Dès lors, je m’autorise à ne rien entreprendre. C’est aux gouvernements et aux grandes entreprises de s’en occuper. "Pourquoi réduirais-je mes vols long-courriers si d’autres prennent des jets privés comme moi le métro ?" 
  • Biais "d’optimisme » ou de « surconfiance »: Les individus ont tendance à être trop optimismes quant à certains résultats et à sous-évaluer la survenance de mauvaises nouvelles. Ex : croyance dans la capacité de la technologie et de la science pour résoudre tous les défis futurs. Ou croire qu’ils seront moins touchés que la moyenne, ce qui permet de balayer les scenarios pessimistes. Ex : à quoi sert la prévention, je suis bien assuré. 
  • Biais de mémoire : la personne ne se souvient pas bien de certains événements ou ne se souvient que des bonnes choses. On ne se rappelle pas la canicule de l’été dernier, mais des sauts dans la piscine. Cela complique la prise de conscience de certains changements dans notre environnement familier (artificialisation des sols, fin des hivers rigoureux, etc.) Ce biais pousse à prendre les problèmes moins au sérieux, voire à être climato-sceptique. 

 Ici la vidéo de la youtubeuse La Psy Qui Parle,  Elle présente 5 biais liés à l’inaction en faveur de l’environnement.

 
  
 
Les conditions de réussite
 
Notre cerveau a besoin de « récompenses », qui génèrent de la dopamine, ce qui est par exemple le cas de l’altruisme ou de faire des choses qui sont acceptées au sein d’un groupe. L’effort individuel et le besoin du collectif se complètent pour survivre. La récompense, liée au passage à l’action à bon escient, est la meilleure réponse à apporter à une menace. 
 
Présenter les solutions comme étant positives facilite la transition, la perspective de la fin du monde étant peu mobilisatrice, voire inaudible. Il vaut mieux vanter le train que parier sur la fin des avions. 
 
Mais, non seulement il faut comprendre l’information, mais il faut la passer au niveau de la conscience. 
 
L’attention doit permettre de faire le tri pour repérer ce qui est important, parfois ce qui est répété ou qui génère des émotions. C’est pourquoi les climatologues et les équipes RSE ne doivent pas hésiter à ramener souvent certains sujets sur le billot pour débloquer les choses et provoquer un ancrage. Lors de la pandémie, les antivax ont fait de la résistance, du fait de nombreux biais.
 
Mais, notre cerveau a besoin de simplicité. Que l’action ou le geste soit à son échelle et que le collectif fonctionne. L’important, c’est de commencer, de passer du point mort à la première, d’avoir une inertie du mouvement pour contre le biais du statu quo. 
 
Et, comme Saint Thomas, il faut voir les impacts, que cela soit tangible. Diriger par objectif avec un cap pour répondre au problème identifié constitue une bonne méthode, d’où l’existence d’indicateurs pertinents suivis dans le temps, avec des moyens dédiés à la clé. Mais, tout n’est pas mesurable.
  • La RSE c’est une mentalité, pas que des actions. La perception des impacts donne du sens. 
  • Avoir envie d’agir comprend deux dimensions, mentale et émotionnelle. 
  • Et prendre conscience de la responsabilité individuelle et collective, et l’interaction entre les deux pour le bien commun. Difficile de changer le monde tout seul. 
  • La transformation peut passer par le jeu, le théâtre, la réalité virtuelle, l’intelligence collective, des challenges, etc.. 
  • Il faut du temps et de l’argent pour faire évoluer les mentalités. 
  • Certains imaginent également des nudges verts pour influencer les pratiques en douceur, faire adopter les bons gestes. 
Pour Renata Coura, Présidente Fondatrice de l’Empowerment Center, et qui a un Doctorat en Neurosciences à l’Institut Pasteur 
"Une entreprise ne peut pas se contenter d’un objectif utilitariste, il faut aussi souvent changer le management et la gouvernance."
Des publics variés 
  • Les jeunes sont les plus conscients des enjeux environnementaux. Mais ils sont impatients et n’ont pas toujours la force de modifier leurs comportements. Ils apprécient les vols low cost et consomment énormément de burgers. 
  • Il faudrait aussi étudier si des biais freinent aussi nos décideurs. La révolte des Gilets Jaunes a surpris. Une prise de risque jugée trop forte peut générer de l’immobilisme concernant des mesures souhaitables, mais impopulaires. Les politiciens doivent gérer leur cote de popularité avant de se présenter aux urnes. D’où l’utilité de la planification basé sur des objectifs largement partagés. 
  • Dans l’entreprise, la RSE mobilise des ressources à court terme pour des bénéfices parfois lointains. Au-delà des KPI, il faut une dynamique. La rémunération ESG des cadres dirigeants, véritable récompense sonnante et trébuchante, tente d’intégrer le bien commun dans une logique extra-financière. Mais, comment pivoter durablement avec des publications de résultats trimestriels ? 
  • Ce qui peut vouloir suggérer que pour transformer, il faut adapter son approche selon les publics, qui n’ont pas tous le même degré de compréhension de l’urgence des sujets. Un chasseur, une cadre dirigeant de la Défense ou une professeur des écoles n’ont pas forcément les mêmes idéologies et valeurs. Ils ont des rapports différents à la planète et au capital naturel. De même, il existe une vraie polarisation idéologique aux Etats-Unis sur la question du dérèglement climatique. Certains s’y cramponnent encore au charbon. 
  • Comment éviter les biais dans l’IA ? Comme l’exploitation du prénom, de l’adresse ou de l’âge dans le recrutement ou dans le fundraising via des robots automatiques ? 
 De plus, de nombreux acteurs cherchent à capter notre attention pour nous influencer. Cité par France Info, Arnaud Pêtre, chercheur en neuromarketing officiant à l'Université catholique de Lille, a écrit en 2007 :
"Si nous considérons la publicité dans un sens très large (...) nous serions exposés à pas moins de 15.000 stimuli commerciaux par jour et par personne, dont 2.000 publicités". 
 Il ne travaille plus sur ce sujet, mais considère la prégnance d'Internet dans nos vies laisse penser que l'on devrait plutôt aboutir, en 2019, à une estimation encore plus haute. 

Pour aller plus loin : 

Blogueur RSE, je suis aussi journaliste freelance. J'interviens en conseil éditorial et fournis du contenus pour des blogs, newsletters, rapports, etc. Je suis joignable au hduhalgouet@hotmail.fr 

Je serais enchanté d'échanger avec vous. Herrick 

Frédérique Chalony est partenaire de l’Empowerment Center et l’invitée spéciale de Renata Coura pour un webinaire. Elle est la fondatrice de Manitaria, spécialiste de la RSE, qui accompagne les entreprises pour faire émerger des solutions responsables par l’expérimentation et l’intelligence collective.

  

Comment les convictions politiques aux Etats-Unis impactent la vision des questions d’environnement chez les électeurs : “A framework to address cognitive biases of climate change” https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0896627321006267 

Bon Pote. 2023. Climat : les 12 excuses de l’inaction, et comment y répondre https://bonpote.com/climat-les-12-excuses-de-linaction-et-comment-y-repondre/

Casser les biais en promenant son chien. Le Monde. Avril 2023.

https://bit.ly/41XWhGt

 

Pour les ONG, le football n’est pas qu’un sport de millionnaires individualistes (2010)

 http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/07/pour-les-ong-le-football-nest-pas-quun.html 

 

  Le reste

jeudi 16 décembre 2021

Comment afficher sa stratégie climat grâce au reporting TCFD

La TCFD propose aux entreprises un cadre de reporting volontaire pour communiquer sur leurs risques et opportunités liés au climat, dans une approche de matérialité financière. 

La TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) est un groupe de travail nommé par le Financial Security Board (FSB, en français Conseil de stabilité financière-CSF) en décembre 2015. 

Elle est composée de 32 membres issus du secteur financier et non-financier. En font notamment partie des groupes privés, des entreprises d’audit et de consulting ou encore des agences de notation. 

Cette initiative est partie du constat qu’il manquait à l’époque de données fiables sur le climat dans le reporting des entreprises. Cette carence ne permettait pas d’investir ou de financer correctement l’économie bas carbone. Et, l’idée était aussi que la cartographie des risques liés au climat permette aux investisseurs d’éviter de s’exposer à des ajustements violents. 

Les recommandations de la TCFD visent plusieurs objectifs : 
  • augmenter la transparence entre entreprises et investisseurs afin de réduire les risques d’investissement, 
  • réussir à conjuguer la rapidité des décisions financières avec le temps long des conséquences du changement climatique. 
Le reporting climatique est décliné dans 4 rubriques
  • la gouvernance 
  • la stratégie 
  • la gestion des risques 
  • les indicateurs et les objectifs 
Détecter les risques 

Concernant la stratégie, les entreprises doivent répondre à certaines questions dans une optique prospective. 
  • Quels sont les impacts réels et potentiels des risques et opportunités liés au climat sur la stratégie d’entreprise et sur la planification financière ? 
  • Quelle est la résilience de la stratégie d’entreprise en fonction de divers scénarios climatiques, incluant le scénario 2°C ? 
La robustesse de cette stratégie va être évaluée de deux façons : 
  • soit directement à travers des risques physiques comme les cyclones ou les sécheresses, phénomènes dont l’intensité et la fréquence croissantes sont liées au dérèglement climatique.
  •  soit à travers des risques de transition liés au respect d’une trajectoire 2°C (durcissement des normes réglementaires, changement de modes de vie, etc.) 
Les entreprises sont invitées à imaginer des scénarios, qui ne constituent pas des prédictions, mais qui dessinent des trajectoires, basée sur une vision à 360° bâtie à partir d’hypothèses bien documentées. 

 La mesure des risques peut conduire certaines entreprises à pivoter, afin de ne pas subir les changements mis en exergue. 

Voici un graphique qui présente la situation de PSA en 2020.


Des scénarios bien encadrés 

Pour la Task Force on Climate-related Financial Disclosures, les scénarios doivent répondre à cinq exigences : 
  1. Être plausibles : Les événements qui sont mis en avant doivent être crédibles, ainsi que la manière dont ils surviennent. 
  2.  Être différenciés : Chaque scenario doit reposer sur une combinaison de plusieurs facteurs. • Tous les scenarios sont uniques. Il ne s’agit pas d’une variation d’un même thème. 
  3.  Être cohérents : Ils doivent avoir une logique interne. 
  4.  Être pertinents : Chaque scenario doit comprendre des insights spécifiques sur les conséquences qui en découlent sur la stratégie de l’entreprise, sur ses résultats, sans oublier de mentionner les opportunités éventuelles. 
  5.  Porter un défi : Les scenarios concernant l’avenir doivent challenger ce qui est habituellement considéré comme acquis. Considérant les principales causes d’incertitudes, les scénarios devraient essayer d’explorer des alternatives qui remettent en cause les hypothèses qui fondent le business-as-usual. 
De nombreux éléments nourrissent les scénarios : 
  • Les tendances macro-économiques, 
  • Les prévisions de mix-énergétiques, 
  • Les évolutions potentielles de la réglementation, 
  • L’impact de l’apparition de nouvelles technologies sur l’activité, 
  • La prise en compte de la résilience. 

Un reporting universel 

Si les recommandations du référentiel TCFD s’adressent aux entreprises dont les revenus sont supérieurs à 1 milliard de dollars, l’un des atouts est le fait qu’il réponde à tous les cas de figure. 
  • Aux secteurs financiers et non financiers. 
  • Aux gestionnaires et propriétaires d’actifs. 
  • Des recommandations sectorielles sont également disponibles. 
La Task Force indique dans son « status report » qu’au 6 octobre dernier, ses recommandations avaient été adoptées 
  • par plus de 2.600 organisations dans 89 pays, dans tous les domaines d’activité. 
  • dont plus de 1.000 institutions financières représentant 194 trillions de dollars d’actifs sous gestion. 
  • la capitalisation cumulée de ses « supporters » représente plus de 25 trillions de dollars, soit un doublement en un an. 

Danone en étude de cas 

Une vidéo sur YouTube mise en ligne en mars dernier reprend tous ces points. 

Il s’agit d’une intervention d'Anne-Sophie Chelbaya, gérante de fonds d’investissement, qui présente la stratégie climat et la gestion des risques climatique du Groupe Danone.

   

L’exemple de Total 

Le groupe pétrolier, engagé dans sa transition, vise la neutralité carbone (zéro émission nette) d’ici à 2050. 

Dans son Document d’Enregistrement Universel 2020, des scénarios sont dessinés qui décrivent les risques et les opportunités liés au changement climatique, une approche fidèle au reporting TCFD. Total indique clairement que « les progrès technologiques et la substitution des usages vers des énergies moins carbonées pourraient entraîner une stagnation, puis une baisse, de la demande de pétrole dans la prochaine décennie. » 

 Pour satisfaire la demande en pétrole, le Groupe se concentre sur les projets pétroliers ayant les points morts les plus bas. 

 Pour les identifier, « le Groupe a intégré, dans les évaluations économiques de ses investissements soumises au Comité exécutif, un scénario de prix du pétrole et du gaz à long terme compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris, utilisant une trajectoire de prix qui converge vers le Scénario Développement Durable (SDS) de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et y incorpore, un prix long terme du CO2 de 40 $/t et une analyse de sensibilité à 100 $/t de CO2 à partir de 2030. » 

Dans ce scénario, certains actifs du groupe ne seront bientôt plus rentables (stranded assets). Une opération de vérité l’a donc conduit à passer une dépréciation d’actifs à hauteur d’environ 8 Mds$ au titre de 2020. 

Parmi les opportunités citées par le Groupe de la Défense, certains secteurs comme le ciment ou l’acier pourraient peiner à réduire leurs émissions de GES. Ils devront recourir à des technologies de captage, stockage et valorisation de CO2. A ce titre, Total prévoit d’accélérer le développement du CCUS (Carbon Capture, Utilization, and Storage). 

Un rapport climat basé sur des hypothèses raisonnables 

Le groupe énergétique juge utile de prendre certaines précautions à la fin de son DEU 2020, page 537. 

Il précise que « ce document peut contenir des déclarations prospectives (forwardlooking statements au sens du Private Securities Litigation Reform Act de 1995), concernant notamment la situation financière, les résultats d’opérations, les activités et sa stratégie industrielle. 

Ce document, disponible en ligne, peut notamment contenir des indications sur les perspectives, objectifs, axes de progrès et ambitions du Groupe y compris en matière climatique et de neutralité carbone. 

Total indique qu’ «une ambition exprime une volonté du Groupe étant précisé que les moyens à mettre en œuvre ne dépendent pas que de Total. Ces déclarations prospectives peuvent être généralement identifiées par l’utilisation du futur, du conditionnel ou de termes à caractère prospectif tels que « envisager », « avoir l’intention », « anticiper », « croire », « estimer », « planifier », « prévoir », « penser », « avoir pour objectif », « avoir pour ambition » ou terminologie similaire. » 

Et de conclure que les déclarations prospectives qui y figurent «sont fondées sur des données, hypothèses économiques et estimations formulées dans un contexte économique, concurrentiel et réglementaire donné et considérées comme raisonnables par le Groupe » à sa date d’édition. 

Pour aller plus loin : 

AMF (2020/12) L’Autorité des Marchés Financiers a évalué la mise en œuvre du référentiel de reporting TCFD sur un échantillon d’acteurs financiers français. Cette étude analyse les difficultés rencontrées pour répondre à ses objectifs. 

Carenews.(2021/11) sur le CSRD
Un article de Maud Gaudry, Global Co-Head of Sustainability chez Mazars. “La Corporate Sustainability Reporting Directive : vers une transition responsable et proactive » https://www.carenews.com/mazars/news/la-corporate-sustainability-reporting-directive-vers-une-transition-responsable-et 

The use of scenario analysis in disclosure of Climate-related Risks and Opportunities https://www.tcfdhub.org/scenario-analysis/ 
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mercredi 1 décembre 2021

Que change l’indice de réparabilité ?


Les associations de consommateurs dénoncent depuis longtemps la faible durée de vie de nombreux équipements. Cette fragilité est parfois délibérée, ces appareils ayant été conçus pour tomber en panne au bout d’un certain temps, ce qu’on appelle l’obsolescence programmée. 

Outre un vice futur, souvent caché, ce terme englobe également le manque de moyens nécessaires à sa remise en fonctionnement, comme des pièces détachées. 

Dénoncée depuis très longtemps, cette pratique est interdite depuis 2015. Selon l’article L. 213-4-1.-I, le législateur la définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement. 

Depuis lors, 
  • L'obsolescence programmée est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300.000 € d'amende. 
  • Et, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. 

Depuis cette date, la Loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi « AGEC ») a été promulguée le 10 février 2020. Composée de 130 articles, elle a pour objectifs de mettre en œuvre les mesures de la Feuille de route pour une économie circulaire et de transposer les directives du paquet européen de l’économie circulaire, publiés en 2018. 

Lutter contre le gaspillage c’est considérer que les produits ont plusieurs vies, qu’ils peuvent être réparés ou réemployés. 

La loi prévoit ainsi un accès plus simple aux pièces détachées. Cette mesure concerne les équipements électriques et électroniques (téléphones mobiles, matériel informatique, petit et gros électroménager, télévisions, chaînes Hi-Fi…) et les meubles. Les pièces détachées doivent ainsi être disponibles pendant 5 ans pour les PC et les téléphones portables. 

Une plus grande transparence 

Un « indice de réparabilité » a même été imaginé pour que consommateur sache si son produit est réparable, difficilement réparable ou non réparable. Que l’achat de l’un des produits soumis à l’indice de réparabilité se fasse en magasin ou sur internet, son indice de réparabilité doit être communiqué sur le produit, son emballage ou bien la fiche produit dans le cas d’un achat à distance. 

À ce jour, l’indice de réparabilité est obligatoire pour les 5 produits suivants : 
  • lave-linge à hublot 
  • smartphone 
  • ordinateur portable 
  • téléviseur 
  • tondeuse à gazon électrique. 
Entré en vigueur début janvier, cet indice pourrait à terme devenir un critère d’achat. 

De plus, les pouvoirs publics devraient passer à un indice de durabilité en 2024, qui prendra en compte la fiabilité et la robustesse des produits. 

De multiples bénéfices 

Ces nouvelles dispositions étaient attendues, car elles ne présentent que des avantages : 
  • Allonger la durée de vie des produits permet de réduire l’extraction de ressources 
  • Limiter la production de déchets issus des produits trop vite obsolètes, 
  • Réduire les émissions de GES, 
  • Améliorer le pouvoir d’achat des ménages. 
  • Et, réduire « la double peine », qui veut que les ménages les plus modestes achètent des biens d’équipements moins chers, et donc souvent moins fiables. 
De plus, une étude France Stratégie de 2016 évalue à 800.000 le nombre d’emplois en France dans le domaine de l’économie circulaire, dont 230.000 dans le seul secteur de la réparation. 

L'objectif de la loi AGEC (Anti-Gaspillage et pour l’Economie Circulaire) est d’ailleurs de créer 300.000 emplois supplémentaires, locaux et couvrant toute la palette de qualifications dans les secteurs du réemploi, de la réparation, du recyclage des ressources (en particulier des plastiques) et dans les nouveaux services liés à l’économie de la fonctionnalité. 

 Il faut savoir qu’une tonne de déchets recyclés permet de créer 10 fois plus d’emplois qu’une tonne enfouie. 

De fait, une partie de ces nouveaux emplois existaient déjà il y a plus de 40 ans. 

L’influence des ONG 

Ces mesures n’auraient jamais vu le jour sans un dialogue nourri entre parties prenantes, un processus qui a commencé en 2017. 

La loi sur la durabilité a notamment été portée par l’association Halte à l’Obsolescence Programmée (HOP), créée en 2015, dont les missions sont de fédérer les citoyens et d’influencer les lois et les industriels pour des produits plus réparables et durables. 

 L’une de ces particularités est aussi d’avoir réussi à organiser un « club de la durabilité », dans lequel elle dialogue avec des entreprises pour favoriser les échanges de bonnes pratiques permettant de proposer des produits plus durables. Ces entreprises essaient de mieux conseiller leurs clients sur l’usage de leurs produits, de valoriser leurs réparateurs et de rendre visible leurs pratiques vertueuses. 

  • L’une de ces entreprises est Bureau Vallée, une marque de papeterie chez qui j’achète mes cartouches d’encre. Depuis 1994, cette enseigne rachète en magasin les cartouches d’imprimante vides dans une logique d’économie circulaire. En 2019, ses magasins ont récupéré plus de 2,2 millions de cartouches vides. Ce sont autant de déchets évités car ses fournisseurs se chargent ensuite de les recycler ou de les reconditionner quand c’est possible. 
  • Dans la même veine, Fnac Darty indiquait en mars dernier dans une interview avoir plus de 2.000 personnes dédiées à temps plein à la réparation, et disait avoir lancé le recrutement de 500 techniciens. L’enseigne répare 1,5 million d’appareils actuellement. L’enseigne compte porter de chiffre à 2,5 millions en 2025. 
Pour Nicolas Renard, Directeur exécutif de l'Institut Veolia, qui a organisé la semaine dernière un colloque sur le recyclage, l’économie circulaire, qui a été le modèle dominant dans l’histoire humaine jusqu’à il y a deux siècles, constitue plus un potentiel qu’une réalité. 

 Il plaide pour que tout ce qui est produit soit conçu comme un assemblage de déchets futurs susceptibles d’être réutilisés, réemployés ou transformés. 

Des points de vigilance 

Concernant l’indice de réparabilité, les associations vont faire attention au contrôle et à la transparence, être sûr d’avoir accès à la manière dont les fabricants ont construit leurs notes. D’autres aspects moins visibles de l’obsolescence programmée n’ont pas complètement été résolus. 

  • HOP aurait souhaité des mesures contre l’obsolescence psychologique ou esthétique, qui fait que la publicité et le marketing nous poussent à jeter des appareils ou des équipements qui fonctionnent encore, mais qui seraient artificiellement devenus démodés ou moins désirables. 
  • Il existe aussi un phénomène pernicieux lié aux logiciels, lorsque par exemple un produit numérique ne fonctionne plus car il n’est plus mis à jour. 

L’Europe commence à s’emparer de ces sujets. A ce titre, elle a observé avec intérêt l’initiative de la France dans l’économie circulaire concrétisée avec la loi AGEC. 

 Pour aller plus loin : 

Institut Véolia : Industrie et déchets : sur la voie de l’économie circulaire. https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/revue-linstitut-facts-reports/industrie-dechets-voie-leconomie-circulaire 

Conférence débat du 23 novembre dernier. Avec Valérie Guillard (Université Paris Dauphine), Ronan Groussier (Association Halte à l'Obsolescence Programmée-HOP), Jean-Paul Raillard (Fédération Envie) et Cédric L’Elchat (Veolia).

 


Club de la durabilité 


Tribune du Club de la durabilité dans le Monde 
  
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