samedi 10 février 2024

Histoire de l’ISR 2010-2021 : du Say on Pay au CAC 40 ESG


Voici le quatrième chapitre de l’histoire de l’investissement socialement responsable (ISR) au sens large, qui comprend 5 posts. 

Les liens concernant les trois premiers figurent à la fin de cette chronologie. 

 

 

2010 : 

Lancement du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) aux États-Unis, visant à développer et promouvoir des normes comptables pour aider les entreprises à divulguer des informations financières pertinentes sur les enjeux ESG. 

Vote du Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act : Le "Say on Pay" devient une exigence légale aux États-Unis. Cette loi impose aux entreprises faisant appel au marché américaines de tenir des votes consultatifs sur la rémunération des dirigeants au moins une fois tous les trois ans. 

Les Amis de la Terre publie le rapport « Investissement socialement responsable : l’heure du tri » et le guide éco-citoyen Environnement : comment choisir mon épargne ?

  

En septembre 2010, le Royaume-Uni lance le premier Social Impact Bond (SIB, obligation à impact social) au monde : des investisseurs injectent du capital l’aide à la réinsertion d’anciens détenus du centre pénitentiaire de Peterborough – et reçoivent une rémunération de l’État en fonction des résultats obtenus. 

Sortie du documentaire « Moi la finance et le développement durable » de Jocelyne Lemaire-Darnaud 

2011 

Promulgation de la loi Copé-Zimmermann. 

Elle impose une proportion minimale de femmes au sein des conseils d’administration et surveillance des sociétés cotées et des sociétés non cotées employant plus de 500 salariés (250 depuis le 1er janvier 2020) et présentant un chiffre d’affaires ou un bilan d’au moins 50 millions d’euros. Un quota de 20 % de femmes était exigé en 2014, de 40 % à partir de 2017. 

2012 

Etude réalisée par l’ORSE, en collaboration avec PwC sur l’intégration de critères RSE dans la part variable des rémunérations des dirigeants et des managers 

Amundi ne demande pas la labellisation Novethic. 

2013 

Création du FIR Le Forum pour l’Investissement Responsable est une association multipartite qui a pour objet social unique de promouvoir l’ISR. Il regroupe l’ensemble des acteurs de l’ISR : investisseurs, sociétés de gestion, courtiers, agences de notation extrafinancière, conseils investisseurs, organisations de place et syndicales, mais aussi des universitaires et des professionnels engagés. 

Le Label « fonds vert », lancé par Novethic, a pour but de donner des repères aux investisseurs auxquels des sociétés de gestion offrent des fonds thématiques environnementaux. Il est destiné à offrir aux investisseurs la garantie d’une sélection d’entreprises dont les produits et services apportent un bénéfice environnemental, l’existence d’un processus ISR, et un bon niveau de transparence sur les fonds proposés. 

Le fonds souverain norvégien vend ses parts dans 23 entreprises qui, selon lui, produisent de l'huile de palme de manière non durable. 

Accident ferroviaire au Lac-Mégantic (Canada), qui a fait l'objet d'une enquête dans une BD


 

Catastrophe du Rana Plaza 

Findus : scandale de la viande de cheval 

2014 :

Scandale Petrobras au Brésil 

2015 : 

Adoption de l'Accord de Paris sur le climat lors de la COP21, renforçant l'importance de l'ISR dans la lutte contre le changement climatique et incitant de nombreux investisseurs à intégrer des critères climatiques dans leurs stratégies d'investissement. 

Lancement des Objectifs de Développement Durable (ODD) par les Nations Unies 

Dieselgate

 

"Laudato si' " est la seconde encyclique du pape François. Ayant pour sous-titre « sur la sauvegarde de la maison commune », elle est consacrée aux questions environnementales et sociales, et de façon générale à la sauvegarde de la Création. 

En septembre 2015, discours du gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, sur la « tragédie des horizons », érigeant le risque climatique en danger systémique. Selon cet ancien banquier de Goldman Sachs, 20.000 Mds$ de valeur boursière pourraient partir en fumée sous l’effet du réchauffement climatique. 

Film The Big Shorts 

Créé par le ministère fin 2015, le label Greenfin vise à garantir la qualité verte des fonds d’investissement et s’adresse aux acteurs financiers qui agissent au service du bien commun grâce à des pratiques transparentes et durables. Le label a la particularité d’exclure les fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans les énergies fossiles et le nucléaire. Novethic, EY France et Afnor Certification ont été désignés comme organismes chargés de délivrer le label Greenfin.

2016 : 

Entrée en vigueur de la Directive européenne sur la publication d'informations non financières (Directive 2014/95/UE), obligeant les grandes entreprises à divulguer des informations sur leurs politiques, risques et résultats en matière de durabilité. 

Création du label ISR par le ministère de l’Economie et des Finances. 

 

Le 9 décembre 2016, la Commission, le Conseil et le Parlement européen parviennent à un accord sur la révision de la directive 2007/36/CE, dite « Droits des actionnaires », instaurant un « Say on Pay » au niveau européen. Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », instaurant notamment un droit de vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants des sociétés cotées. 

Rapport de l’ONG néerlandaise PAX sur les investissements qui existent encore dans les armes à sous-munitions. 

Panama Papers 

2017 :

Non Financial Reporting Directive (NFRD) En 2016-17, l'action de l'OIT a « contribué à de grandes réalisations dans 131 pays où les gouvernements, les organisations d'employeurs et de travailleurs ont développé des stratégies en matière de travail décent et ont renforcé leurs capacités institutionnelles et leurs connaissances afin de promouvoir l'emploi, la protection sociale, le dialogue social et les droits et principes fondamentaux au travail. » 

Le 24 janvier 2017, l’agence France trésor lance la première obligation souveraine verte (OAT verte) d’une maturité de 22 ans (l’obligation souveraine verte 1,75 % 25 juin 2039) pour un montant de 7 Mds€. 

Instauration du devoir de vigilance Toute société employant au moins 5.000 salariés doit établir et mettre en œuvre un plan de vigilance relatif à l’activité de la société et de l’ensemble des filiales qu’elle contrôle pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, libertés fondamentales, à la santé et sécurité des personnes et à l’environnement. 

2018 :

Cambridge Analytica se retrouve au cœur d'un scandale mondial, pour avoir organisé l'« aspiration » des données personnelles de 87 millions d'utilisateurs de Facebook dans le but de cibler des messages favorables au Brexit au Royaume-Uni et à l'élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016. 

Publication de « Bad Blood: Secrets and Lies in a Silicon Valley Startup », portant sur le scandale de Theranos, qui affirmait pouvoir révolutionner l’univers des diagnostics médicaux. 


 

Amundi lance un « ambitieux » plan d’action ESG sur 3 ans visant à intégrer des critères ESG dans 100% de ses fonds ouverts gérés activement.

En 2018, le WWF France a demandé à un pool de bénovoles de sonder en blind test leur conseiller en matière d'épargne. Près des deux-tiers d'entre eux n'ont pas réussi à répondre à des questions du type : " Quel est l'imapct de mon épargne sur le réchauffement climatique ?". Source : Etude "article 173 : message non distribué".

2019 : 

La Commission européenne publie son Plan d'action pour la finance durable, visant à mobiliser le capital privé pour soutenir la transition vers une économie plus durable et à intégrer les considérations ESG dans l'ensemble du système financier de l'UE. 

Adoptée en mars, la loi Pacte contient plusieurs dispositions dont le but affiché est d’orienter l’épargne vers l’ISR en rendant l’offre des contrats d’assurance-vie plus verte, avec notamment l’obligation de proposer des produits ayant obtenu le label ISR . 

Avril 

L'agence américaine de notation Moody's acquiert une part majoritaire dans l'agence de notation extrafinancière Vigeo Eiris

Création en Belgique du Label « Towards Sustainability » en 2019 

Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant les informations à fournir en matière de développement durable dans le secteur des services financiers (dit règlement SFDR ou règlement Disclosure). 

Film Dark Waters 


2020 : 

Février : La directrice générale d'Engie Isabelle Kocher met fin à ses fonctions sans attendre le terme de son mandat. 

Confinement de mars Selon certains observateurs, la pandémie de COVID-19 met en évidence les vulnérabilités sociales et environnementales, et souligne l'importance de l'ISR pour la résilience des portefeuilles d'investissement à long terme (santé, technologie). 

Rapport de l’Inspection des Finances sur le label ISR À horizon 2022, un nouveau référentiel devrait être élaboré. À ce titre, la recommandation principale de la mission concerne l’ajout d’exclusions normatives et sectorielles. Celles-ci sont indispensables pour garantir la crédibilité du label aux yeux de l’épargnant. Définies de manière ciblée et évolutive, elles peuvent également être conciliées avec un objectif de transition. 

En juin 2020, Danone adopte le statut de Société à Mission

  

2021 : 

Février : 

L’Autorité des marchés financiers (AMF) créée, sur proposition du Haut conseil certificateur de Place (HCCP), un nouveau module de vérification des connaissances des professionnels portant sur la finance verte et responsable, et de donner plus de poids à ces questions dans l’examen généraliste de la certification AMF. 

Mars 

Lancement de l’indice CAC 40 ESG Adoption de la Taxonomie de l'UE sur la finance durable, établissant un cadre pour déterminer quels investissements peuvent être considérés comme écologiquement durables. 

 Mai 

Sortie de « L'illusion de la finance verte » de Alain Grandjean, Julien Lefournier et Gaël Giraud. « Obligations vertes », « fonds responsables »... Une partie de la finance prétend favoriser la transition écologique et énergétique, voire sauver le monde. Mais cette finance verte peut-elle être autre chose qu’un mirage ? 

Juin 

ExxonMobil cède aux revendications d'Engine N°1 qui l'appelait à miser moins sur les hydrocarbures et plus sur les EnR.

Septembre 

La Banque des Règlements Internationaux (BRI) alerte sur les risques d'une bulle verte dans un contexte où les investissements dans les actifs durables -ceux dits ESG entre autres- explosent. 

Selon un sondage, seuls 12 % des épargnants Français déclarent connaître l'ISR et 17 % l'épargne solidaire. « L'aversion à l'ambiguïté est l'un des freins à l'investissement », estime Sébastien Pouget, professeur de finance à l'université Toulouse-1 Capitole. (source Les Echos);

Décembre :

Enquête de Bloomberg sur MSCI : "The ESG Mirage

Selon une étude d'Optimas, cabinet de conseil américain, le marché de la donnée ESG a dépassé le milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2021.

Pour aller plus loin : 

Partie 1 1758-1970 : L’ISR est le fruit d’un long combat 

https://bit.ly/4bjWTvI 

Partie 2/3 : 1970- 2006 : L’investissement socialement responsable (ISR) se structure 

http://bit.ly/1JkAygX 

Partie 3/3 : 2006-2011 : Des Principes pour l'Investissement Responsable à Fukushima 

http://bit.ly/1JkAi1m 

lundi 29 janvier 2024

Le bien être des générations futures face au défi de la fin du mois


Christian Gollier, qui est Directeur général de la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4ème et 5ème rapports du Giec est un ardent promoteur du principe pollueur-payeur. Il a publié aux PUF « le climat après la fin du mois » en mai 2019.
 

Pour lui, on ne peut pas compter sur une quelconque « main invisible » pour résoudre la question du réchauffement climatique. Il en va pourtant d’un devoir moral vis-à-vis des générations futures : les efforts qui nous sont demandés sont 20 fois inférieurs à ceux que devront fournir ces dernières en cas d’inaction de notre part. 

Dans une approche incitative, Christian Gollier veut intégrer le coût des externalités dans les prix de production. Il part de l’exemple de la cuisson d’une pizza au feu de bois pour explorer de quelle manière prendre en compte et réduire la nocivité des émissions de particules fines. Pour lui, le plus simple est de taxer le bois de chauffage. 

Le dispositif le plus universel pour toucher toutes les activités humaines polluantes serait, via un étalon unique, de taxer le carbone. Un prix qui s’impose à tous les acteurs et sans exemption. Celui-ci intègre à la fois les coûts de production et, surtout, le dommage climatique que sa consommation génère. Le prix envoie un signal facile à assimiler et susceptible de changer les comportements. 

Des comportements contradictoires 

Les COP accouchent selon lui les unes après les autres d’accords sans ambition. Mais, le passage à taxe carbone (aussi appelée en France contribution climat-énergie) est semée d’embuche, comme l’ont vécu Nicolas Sarkozy avec le Conseil Constitutionnel fin 2009, puis Emmanuel Macron avec les Gilets Jaunes.

Lors de l’augmentation de 3 centimes de la taxe carbone début 2019, combinée à une augmentation du chèque énergie de 50€ au même moment, l’effet conjugué devait réduire le pouvoir d’achat des Français : 

  • de 20€ par an pour les 10% des ménages les plus pauvres 
  • et de 160€ par an pour les plus riches. 

Un effort finalement assez modeste, mais qui est intervenu à un moment où le prix du diesel augmentait. 

Pourtant, l’économiste s’étonne qu’au moment où la révolte s’organisait autour des ronds-points, une pétition géante était signée en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique (L’affaire du siècle). 

Autre paradoxe, on attend beaucoup de l’Etat et des entreprises selon l’auteur, mais finalement nos dirigeants nous ressemblent. Et, les ménages sont aussi de gros émetteurs de CO2.

  

Quels sont les freins au changement ? 

Ils sont multiples : 

  • Les individus attendent que ce soient les autres qui fassent les efforts. • Il n’y a pas de motivation intrinsèque de sauver l’environnement ; 
  • Les générations futures ne sont pas représentées. Nos engagements profiteront à des individus qui ne sont même pas encore nés ; 
  • Le pouvoir d’achat reste une priorité en France. « Remplacer une énergie fossile abondante et peu coûteuse par des EnR beaucoup plus chères ne sera une sinécure pour personne. Face à l’Allemagne, Churchill avait cet avantage de mobiliser son peuple face à un péril national et immédiat » ;
  • La lutte contre les inégalités en France est rendue particulièrement complexe par la perception d’être perdant de la redistribution. Ce qui renforce le rejet de la taxe carbone. Or, « la taxe carbone augmente les inégalités si elle n’est pas accompagnée de compensations pour les bas revenus » ; 
  •  Les taxes sont mal vues par les concitoyens, qui préfèrent les subventions ; 
  • Et, chez certains, il existe une confiance immodérée dans les progrès de nouvelles technologies, qui nous sauveraient du pire. 

Pour Christian Gollier, il manquerait aussi un discours de vérité. 

Depuis longtemps, on mentirait au peuple en prétendant que la transition énergétique est une opportunité formidable qui va nous enrichir, créer des emplois, réduire notre facture d’anergie, nous rendre notre indépendance énergétique. 

Christian Gollier enfonce le clou : « La transition énergétique devra passer par un sacrifice, somme toute assez raisonnable si l’on s’y prend bien. » 

Un outil indispensable : 

Plutôt que de basculer dans la décroissance, la taxe favorise la sobriété énergétique, une décroissance sélective. Il s’agit de rendre les seuls biens et services générateurs d’externalités négatives plus sobres. 

  •  La fiscalité écologique est une taxe incitative, pas une taxe de rendement. Elle permet au consommateur d’internaliser le dommage généré ; 
  • Ce serait la façon la moins couteuse et la plus directe d’atteindre nos objectifs climatique collectivement fixés. 
  • L’idée d’un prix universel du carbone est fondée sur le besoin d’aligner les intérêts privés avec l’intérêt collectif. 

Des politiques publiques mal calibrées 

Les politiques de lutte contre le changement climatique qui ne sont pas fondées sur le prix du carbone peuvent être incohérentes. L'auteur cite plusieurs exemples.

Pour accélérer l’adoption de l’énergie solaire, le gouvernement Fillon avait subventionné l’installation de panneaux photovoltaïques en garantissant pendant vingt ans un prix d'achat de l'électricité fournie aux particuliers qui s'en équipaient. 

En 2009, ce prix était de 60 centimes par kWh. Pourtant, à l’époque, chaque kWh en Europe ne coutait que 6 centimes d’euros à produire et émettait 400 grammes de CO2, Avec des effets pervers. L’offre du gouvernement a provoqué une ruée sur l’or, au prix d’un gouffre financier : il représentait un coût additionnel de 54 centimes par kWh pour une économie de 400 grammes de CO2. On a demandé aux Français un sacrifice de 1.350€ par tonne de CO2 évitée. 

De plus, les installations ont parfois été réalisées par des artisans débordés et peu scrupuleux, avec une longue file d’attente et des matériaux importés de Chine. 

Une taxe avant tout incitative 

Contrairement à un reproche qui a été émis par les Gilets Jaunes, qui avaient mis en avant que seule une petite partie de la taxe carbone était utilisée pour financer la transition écologique, l'économiste ne défend pas le postulat que les recettes publiques qu’elle génère soient nécessairement fléchées vers le financement de la transition écologique. 

 « Ce n’est pas son utilisation qui est écologique, mais son existence même. » 

« Le prix du carbone poussera naturellement au renforcement des circuits courts, du télétravail, du covoiturage et à l’augmentation de la demande pour des véhicules plus sobres. » 

En filigrane néanmoins, c’est aussi la question de « la légitimité de l’Etat à faire des choix éclairés pour la meilleure utilisation des moyens que lui concèdent les citoyens » qui se pose. 

Un effort à portée de main 

Certains économistes estiment que le bon prix du carbone serait de 50€ la tonne. Pour un Français qui émet 6 tonnes en moyenne par an, cela représente 300€ par an, soit environ 1% de son pouvoir d’achat. 

Pour l’auteur : 

  • La fixation d'un prix au carbone, si possible à l'échelle mondiale, semble le meilleur moyen de réaliser la transition écologique. 
  • Accompagnée d’une taxe aux frontières pour éviter les « fuites de carbone ». 

 Pour rendre ce système désirable et efficace, il prône également : 

  • Le démantèlement de toutes les autres politiques climatiques, plus ou moins couteuses et parfois inefficaces, ce qui permettrait de dégager du pouvoir d'achat pour les consommateurs et de réduire la dépense publique. 
  • La mise en place de compensations massives sous forme de chèques verts et d’autres déductions des charges sociales sur les bas salaires. 

Un livre toujours d’actualité : Face à la grogne agricole, Gabriel Attal vient d’annoncer, la fin de la trajectoire de hausse du gazole non routier (GNR) pour ce secteur. Une exemption qui fait des envieux du côté du bâtiment et les travaux publics, utilisateurs de ce type de carburant. 

Cet ouvrage est disponible en grand format et en poche respectivement au prix de 19 et 10,50 euros.

Pour aller plus loin : 
 
Un avis contradictoire : 
Tribune à Challenges de l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran et du mathématicien Ivar Ekeland : « Transition écologique : il faut sortir du diktat coût-bénéfice pour une approche systémique » Janvier 2023. https://www.challenges.fr/green-economie/transition-ecologique-il-faut-sortir-du-diktat-cout-benefice-et-adopter-une-approche-systemique_841156 
 
L’essentiel sur la taxe carbone aux frontières (2024) 
 
Michelin et le prix du carbone (2022) 
 
Fillon : "Sur le photovoltaïque, on a fait n'importe quoi". Le Point. 2011. 
  

mardi 23 janvier 2024

La taxe carbone aux frontières est entrée en phase de test


En phase de test depuis octobre, la taxe carbone aux frontières en Europe s’inscrit dans un vaste arsenal législatif (appelé « Fit for 55 ») qui doit donner à l’UE toutes ses chances de tenir ses objectifs climatiques. 

En phase de test depuis octobre dernier, la taxe carbone aux frontières, officiellement appelée « mécanisme d'ajustement carbone aux frontières » (MACF), a été approuvée par le Conseil de l'Union européenne en mai 2023. 

En anglais, ce dispositif est dénommé Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM). 

Il entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

Le MACF montera ensuite progressivement en charge jusqu’en 2034, en parallèle de l’assèchement progressif des quotas gratuits du marché carbone européen pour les secteurs couverts. 

Six choses à savoir sur ce nouveau mécanisme : 

1/ En quoi consiste cette nouvelle taxe ? 

À partir de 2026, la taxe obligera les importateurs, dans l’UE, de marchandises polluantes de pays tiers à acheter des certificats pour couvrir les émissions de CO2 directes engendrées par ces produits, afin de créer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises étrangères et les entreprises européennes. Ces dernières doivent en effet acheter des « droits à polluer » sur le marché européen du carbone. 

Par exemple, une entreprise allemande importatrice d'acier d’un pays tiers devra verser une compensation correspondant aux émissions de carbone générées lors de sa production. Si un prix carbone existe déjà ce pays tiers, les importateurs ne paieront que la différence. 


Concrètement, les importateurs dans l’UE de produits couverts par le MACF devront déclarer chaque année les émissions réelles des produits importés. Ces déclarations seront contrôlées par des experts agréés par l’UE et ses Etats membres. 

À défaut de pouvoir déclarer les émissions réelles, un système de valeurs par défaut par couple pays/produit sera mis en place afin de refléter au mieux les émissions associées aux produits importés. 

Le nombre de quotas achetés devra correspondre à la densité carbone qu’aurait le même produit fabriqué au sein de l’UE. Selon la différence, la balance sera rééquilibrée, donnant lieu 

  • à une pénalité si l’entreprise ne justifie pas assez de certificats 
  • et à une déduction dans le cas contraire. 
  • Les surcoûts prévus par le MACF sont calqués sur les cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone (ETS ou SEQE). 

2/ Quels sont ses objectifs ? 

Cette mesure s'inscrit dans le cadre du "Green Deal" européen, avec pour objectif final la neutralité carbone d'ici 2050. 

  • Elle vise à égaliser les conditions de concurrence, les efforts réalisés par les industriels en Europe ne devant plus être réduits à néant du fait d’une offre de produits déloyale d’acteurs non européens moins vertueux. 
  • Il fallait aussi contrer les "fuites de carbone", une expression qui désigne le fait que des entreprises, notamment les plus polluantes, délocalisent leur production hors de l'UE afin d’échapper aux taxes carbone déjà en place sur le continent. 
  • Elle encourage d'autres pays à adopter des mécanismes similaires. 
  • Le but à terme du MACF est aussi de remplacer le système actuel d’allocation des quotas gratuits du système d'échange de quotas d'émission de l'UE. Ils vont être supprimer progressivement à partir de 2026. Instaurer une taxe carbone aux frontières tout en maintenant les quotas gratuits aurait constitué aux yeux de l’OMC une double protection. 


 

3/ Quel est son périmètre ? 

La première phase de cette taxe, d'octobre 2023 à janvier 2024 doit permette aux importateurs concernés de calculer le niveau des prix qui leur seront appliqués et de définir une méthodologie pertinente. 

Elle concerne les importations de six produits de base les plus polluante, tels que :

  • l'aluminium, 
  • l’acier 
  • le ciment, 
  •  l'engrais azoté, 
  • l'hydrogène, 
  • l'électricité, 
  • ainsi que certains produits transformés tels que les boulons et les vis. 

Dans l’immédiat, les secteurs couverts représentent près de 60 % des émissions industrielles de l’Europe. 

L’enjeu des produits transformés sera traité par une nouvelle proposition législative un an avant l’entrée en vigueur effective du MACF. 

4 / Pourquoi les industriels s’inquiètent-ils ? 

Les entreprises européennes craignent que la déclaration des importations et des émissions de carbone pendant la phase d'essai soit très complexe. 

De plus, les entreprises redoutent une distorsion des prix par rapport à leurs concurrents non européens, qui ne sont pas soumis à un tel mécanisme. 

Pour compenser le paiement de la taxe, certains industriels pourraient être contraints d’augmenter leur prix, pour maintenir leurs marges. Rexecode évalue à 4 Mds€ environ les surcoûts pour l'industrie française en 2034. 

Cela pourrait créer des déséquilibres, notamment pour les produits transformés non soumis au MACF, tels que les voitures. Comme l’explique cet article de Ouest France : Pourquoi la taxe carbone inquiète l’industrie  

Et la taxe carbone n’assure pas de protection à l’export. 

5 / Quelles sont les réactions de nos partenaires commerciaux ? 

La Turquie et l'Indonésie envisageraient d’instaurer des taxes carbone pour atténuer l'impact du MACF. 

La Grande-Bretagne vient d’annoncer qu’elle allait mettre en place un dispositif du même genre. 

 

  

6/ Taxe ou subventions ? 

En créant ce mécanisme, l’UE se distingue des Etats-Unis, qui avec l’« inflation Reduction Act », qui est doté de 430 Mds$, dont 390 Mds$ de subventions pour aider la transition énergétique du pays. 

Selon Marie-Françoise Calmette, économiste à la Toulouse School of Economics, 

  • le gain budgétaire lié à la suppression des quotas gratuit est estimé à 40 Mds€ par an 
  • et les 14 Mds€ annuels attendus du MACF seront affectés au budget général de l’UE. 

Par ailleurs, l'usine d'ArcelorMittal de Grande-Synthe, près de Dunkerque, va investir 1,8 Mds pour réduire ses émissions. Ce montant comprend un contrat d'aide de l'Etat de 850 M€, qui financera une unité de réduction du minerai de fer et des fours électriques. Ce projet doit permettre à terme de réduire les émissions de 4,4 millions de tonnes de CO2 par an, soit 5,7% des émissions industrielles nationales. 

Pour aller plus loin : 

Au 1er août 2023, 74 mécanismes de tarification carbone étaient recensés à travers le monde, sous la forme de taxes carbone, ou de « systèmes d’échange de quotas d’émissions » (SEQE). Ces mécanismes opèrent à des échelles différentes : 31 d’entre eux fonctionnent à l’échelle provinciale, 42 à l’échelle nationale et 1 à l’échelle interétatique (SEQE-UE). Les territoires couverts par des mécanismes de tarification carbone représentent ainsi 54 % du PIB en 2023 et 50 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre. (source : I4CE, Institute for Climate Economics) 

Trace : le guide de la taxe carbone

 https://www.traace.co/post/carbon-borders-taxes 

Marie-Françoise Calmette : « La taxe carbone aux frontières est un pas en avant, mais à quel prix ? » Le Monde. Janvier 2023 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/28/marie-francoise-calmette-la-taxe-carbone-aux-frontieres-est-un-pas-en-avant-mais-a-quel-prix_6159664_3232.html

. Le reste

lundi 15 janvier 2024

L’inflation vient rogner les velléités environnementales des salariés


Un sondage de l’IFOP pour l’Opinion et Zurich Insurance Group a été publié en décembre 2023. Il portait sur ce que pensent les salariés de la transformation écologique de l’entreprise. Il en ressort par rapport à la première vague de 2022 que les questions de pouvoir d’achat redeviennent prioritaires par rapport aux vœux qui consisteraient de sauver la planète. 

Face à l’inflation, 57% des sondés expriment le souhait que la France accorde une importance accrue au pouvoir d'achat et au partage de la valeur, une augmentation de 5 points par rapport à l'année précédente. 

Bien que les enjeux environnementaux demeurent importants, ils semblent perdre de leur prééminence face aux préoccupations liées à la stabilité financière. 

  •  Le bien-être au travail reste la principale préoccupation des salariés du secteur privé (65%), 
  • La rentabilité de l'activité prend la deuxième place avec 53%, marquant une augmentation de 5 points par rapport à 2022. 
  • Le partage de la valeur occupe la troisième position (32%), 
  • tandis que la réduction de l'impact environnemental quitte le podium, citée par 29% des personnes interrogées, contre 33% en novembre 2022. 

La préservation du pouvoir d’achat est plébiscitée par 57% des sondés, l’autre alternative, un pays cherchant à préserver les ressources recueillant 43% des réponses (48% en 2022). 

75% des répondants refuseraient une nouvelle charge sur leur salaire pour financer la transition écologique. Le mécénat n’est pas non plus vu comme prioritaire. 

Comme en 2022, la nécessité de transformer les entreprises est toujours reconnue par 39% des salariés. Cependant, un certain scepticisme émerge avec 30% exprimant une méfiance croissante envers ces discours, une augmentation de 6 points. La notion de transformation est toutefois majoritairement associée à des termes positifs pour 65% des sondés (69% en 2022). 

Les salariés français restent engagés dans l'accompagnement de la transformation de leur entreprise, avec 96% prêts à participer à au moins une action proposée, et 82% à au moins trois. Ils attendent également des actions concrètes de leur entreprise, notamment 

  • qu’elle réduise son empreinte carbone (41%, -4pts vs 2022) 
  • et qu’elle les implique davantage dans son fonctionnement (36%, +2pts). 
  • Cependant, la préoccupation environnementale recule : l’adhésion au principe pollueur-payeur passe de 88% en 2021 à 65% en 2023. Cette question recueille davantage de réponses positives chez les sympathisants de gauche et au sein de la majorité présidentielle. Et 55% chez les sympathisants Reconquête et RN 

Dans le contexte de la transition écologique, 

  • les salariés estiment toujours que les dirigeants d'entreprise (56%, -2pts) sont les mieux placés pour conduire la transformation. 
  • Cependant, on observe une résurgence de l'importance accordée à l'État, avec 46% des salariés estimant qu'il doit jouer un rôle prioritaire dans la transformation des entreprises pour une transition écologique, soit un bond de 13 points par rapport à 2022.
Plus ennuyeux, 
  • 76% des salariés du privé estiment qu'il existe un écart entre le discours affiché par leur employeur et les actions effectivement mises en place, avec 32% considérant cet écart comme important. 
  • Cela concerne notamment 34% des 35 ans et plus et 37% des cadres. 
  • Pour 60% de ceux qui perçoivent cet écart, cela pose un problème, soulignant l'importance de garantir un engagement concret au moins aussi important que celui des employés. Chez les sympathisants majorité présidentielle, ce ne sont que 47% qui le pensent. 
Pour aller plus loin :
 
L'analyse de l'Opinion

 
Les données brutes :

 
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mercredi 10 janvier 2024

La fin de certaines aides fait bondir la pauvreté aux Etats-Unis


 

Les statistiques indiquaient en septembre dernier que le taux de pauvreté officiel est resté stable par rapport à l'an passé, à 11,5%. 

 

Mais un autre indicateur, le SPM (Supplemental Poverty Measures) montre une réalité plus contrastée. 

 

Le bureau du Census, ajuste le revenu au-dessous duquel une personne est considérée comme pauvre, en prenant en compte notamment les aides du gouvernement, le coût de la garde d'enfants ou encore les dépenses médicales.

 

Une famille de quatre personnes locataire de son logement doit alors avoir des revenus annuels d'au moins 34.500 dollars pour échapper à la pauvreté. 

Selon cette mesure, 

  • le taux de pauvreté a augmenté pour la première fois depuis 2010, grimpant de 7,8% à 12,4% entre 2021 et 2022. C’est sa première augmentation depuis 2010. 

  • Celui des enfants pauvres a même plus que doublé, grimpant à 12,4%, quand il était en 2021 de 5,2%, son plus bas historique. 

  • Celui des Hispaniques progresse de 8 points pour s’élever à 19,3%. 

  • Pour les Noirs, c’est 17,2% en progression de près de 6 points. 

Ce bond peut surprendre dans un contexte de plein emploi, même si l’inflation a rogné le pouvoir d’achat. 

 

En fait, il s’explique par l'expiration des crédits d'impôt et des mesures de relance liées à la pandémie (Child Tax Credit). Ces aides avaient sorti de la pauvreté 6,4 millions de personnes, dont 3,5 millions d’enfants. Les Républicains du Congrès se sont opposés à leur reconduction. 

 

Pour Esther Duflo, ces chiffres illustrent l’impact de la politique publique quand elle est bien ciblée. Sa tribune : la pauvreté, un choix politique  

 

Pour aller plus loin :


Insécurité alimentaire aux Etats-Unis :

 


  • 87,2% des ménages n’ont pas de problème de sécurité alimentaire aux Etats-Unis en 2022. 

  • Ils étaient 89,8% en 2021 (118.5 millions)

Climat et pauvreté

In 2022 alone, the cost of climate and weather disasters in the United States totaled more than $176 billion – the third most costly year on record, and 13 percent of Americans reported economic hardship from disasters or severe weather events within the past year. The impacts of climate change are projected to worsen in coming years, putting additional communities and households at risk of financial strain.

https://home.treasury.gov/system/files/136/Climate_Change_Household_Finances.pdf