mardi 5 octobre 2010

Des labels contestés et un consommateur un peu perdu







Alors que de nouveaux produits sortent tous les jours du génie des équipes marketing, souvent agrémentés de messages verts, le consom’acteur a du mal à se repérer et à consommer militant. C’est pourquoi des labels ont été imaginés pour leur simplifier la vie, des étiquettes destinées à orienter vers un achat mieux disant à l’aide de logos et de macarons.

Néanmoins, la multiplication des labels ne permet pas toujours d’y voir plus clair. Le cabinet Ethicity révélait en mai 2009 que 65% des Français estiment que les labels pour les produits durables génèrent une grande confusion en raison de leur prolifération. Les consommateurs souhaitent qu’on leur démontre réellement les bienfaits vantés, l’étiquette ne suffisant plus à les convaincre. De plus, certains labels sont contestés soit par des associations, soit par des scientifiques, soit par d’autres labels... Récemment, on a ainsi vu des polémiques assez virulentes dans la filière du bois, dans la gestion d’actifs ISR (investissement socialement responsable) et dans la pêche durable.

Ces critiques laissent indiquer que ces trois labels rencontrent un certain succès :

  • Dans le domaine financier, le label Novethic a été décerné à 142 fonds, ce qui représente plus la moitié des encours sous gestion des fonds ISR. Les sociétés de gestion mettent en avant leur labellisation dans leur démarche de commercialisation auprès de tous les types de clientèle.
  • Censé garantir aux consommateurs la pérennité des espèces commercialisées, le Marine Stewardship Council (MSC) comporte trente et un indicateurs et est actuellement apposé sur 7 % des prises mondiales. En tenant compte des pêcheries en cours de certification, ce chiffre devrait bientôt atteindre 12 %. D'après une étude réalisée par AMR marketing, 22% des français reconnaissent le logo bleu MSC et 4% d’entre eux en connaissent la signification exacte.
  • Selon un communiqué de presse, avec 2.000 entreprises certifiées, la « marque PEFC » a considérablement gagné en visibilité ces dernières années. Devant ce succès, un certain nombre d’entreprises non certifiées et de distributeurs n’hésitent pas à l’utiliser de manière abusive soit par erreur, soit afin de profiter indûment de sa notoriété et des garanties qu’elle apporte en matière de gestion durable des forêts.

Ces trois labels sont contestés.


  • Pour les Amis de la Terre, l’analyse ISR pratiquée sous le forme « Best in class » ne préserve pas l’investisseur de se retrouver actionnaires ou prêteurs de sociétés indélicates. L’association a repéré que certains titres, comme GDF Suez, BNP Paribas, AXA, Bayer, ou France Télécom, pullulent dans les portefeuilles des gestionnaires ISR. Or, selon eux, ces sociétés font l’objet de controverses à des titres divers. Parmi les fonds passés au crible, qui ont été les plus gourmands en entreprises mis à l’index par l’ONG, on retrouve notamment UFG Sarasin Actions Europe (UFG Sarasin AM) et Natixis Impact Europe Equities Fund (Natixis AM).

Selon l’ONG, les fonds ISR accordent du crédit aux entreprises ayant signé le Global Compact des Nations unies alors même que celui-ci n'a aucun caractère contraignant. De plus, les agences de notation sociétales doivent composer avec un manque de transparence et les lacunes du reporting extra-financier des entreprises. L’association Les Amis de la Terre estime qu’un un cadre harmonisé de reporting et une information extra-financière vérifiée seraient nécessaires, mais que les entreprises notées s’y opposent. L’ONG se base sur le cas les manquements à la sécurité de BP pour affirmer que les agences de notation, qui louaient ses efforts avant la catastrophe, ne doivent pas s’appuyer sur des déclarations d'intentions, mais sur des faits.


L’association écologiste estime qu’une exclusion pure et simple de certaines valeurs serait plus respectueuse des valeurs prônées par l’ISR et de la confiance croissante de l’épargnant à son égard. Les Amis de la Terre encouragent les investisseurs à prendre le label ISR avec des pincettes et à se montrer attentifs au détail des investissements du gestionnaire d’actifs, avec lequel il envisage de confier leurs biens.

  • Le Marine Stewardship Council a de son côté été sévèrement critiqué par le scientifique Daniel Pauly, un expert des ressources halieutiques. Pour lui, la pêche au krill pourrait à terme péricliter et le chalutage de fond dégrade les coraux. Pour le WWF, qui soutient ce label, « Il y a certainement des progrès à faire, mais, à ce jour, le MSC est le moins mauvais label pour la pêche".

  • Les tensions actuelles autour de la forêt se cristallisent également autour de la révision du label PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification), qui a connu un réel succès depuis sa création, il y a 10 ans, nettement plus rapide que son concurrent FSC (Forest Stewardship Council). Pour la deuxième fois, le conseil d'administration de l'association PEFC France renégocie les règles nationales de ce certificat d'exploitation durable des forêts. Cette remise à plat exacerberait les divergences des administrateurs selon Les Echos. Pour la plupart des exploitants et propriétaires, le PEFC fournit des garanties écologiques suffisantes. Trop de contraintes pourrait nuire à la rentabilité de la filière. A l’opposé, les associations écologistes, recommandant l’utilisation de la garantie FSC, par ce que ce label procède à des audits, et non pas simplement à de l’auto-déclaration. C’est pourquoi elles prônent un durcissement du label PEFC.

D’autres labels ont aussi été pointés du doigt. La Déclaration de Berne et Greenpeace, qui ont lancé ensemble le «Public eye awards», ont placé certains labels écologiques et sociaux dans leur collimateur, comme la «Table ronde pour un soja responsable», l’organisation Promotion santé suisse et le «Mandat pour l’eau» de l’ONU. Il s’agirait pour ce dernier d’une initiative réunissant agences onusiennes et entreprises du secteur. Pour le jury du «Greenwash Award, qui a remis ses prix en janvier 2010, «Sous couvert de remédier à la crise globale de l'eau», le Mandat permet aux transnationales telles que Nestlé, Suez ou Coca-Cola «de s'assurer un accès direct aux réserves d'eau».

Ce n’est pas la première fois que le monde des labels donne lieu à une bataille de chiffonnier. Suite à un appel d’offres de produits équitables, la province de Groningue (Groningen) aux Pays-Bas a opté pour le café et le thé labellisés Max Havelaar. Ce choix lui a valu un procès intenté par le groupe agro-alimentaire hollandais Douwe Egberts, dont les produits sont certifiés par Utz Kapeh, un organisme concurrent, qualifié de « Fairtrade light » par ses détracteurs. Au plan social, l’entreprise batave se voulait pourtant vertueuse, puisqu’elle indiquait sur son site qu’elle applique depuis 1989 une «Politique des petits producteurs” spécifique. Douwe Egberts a été déboutée début 2008.

Face à la foison de labels, l’acheteur responsable attend qu’on l’informe davantage. Comme le souligne un article de Novethic du 19 décembre 2007, « A l’heure où consommer devient un acte militant, les réglementations publiques manquent cruellement à l’appel, laissant la place aux labels privés. Equitable ou biologique, parfois les deux, les critères correspondants aux sigles sont méconnus et confondus ». Citée par le média expert du développement durable, Aurélie de Varax (Auteure de l’ouvrage « Achetons équitable ». Edition Minerva. Septembre 2007) explique que « Les associations pionnières ont négligé l’aspect communication ».

De plus, selon 20 Minutes, la qualité et le prix des produits restent les principaux critères d’achats (92% des consommateurs les citent comme prioritaires dans leur décision). La protection de l’environnement et le bien-être des animaux restent secondaires. Pour près de la moitié des personnes interrogées, il y a déjà trop de caractéristiques à prendre en compte quand on achète un produit (équilibre nutritionnel, quantité, prix, emballage,...) pour pouvoir se pencher sur l’impact environnemental.

Au-delà des labels, par définition perfectible, des guides pratiques, destinés à une information ciblée circulent également, comme l’application pour IPhone mise au point par Greenpeace sur les OGM ou encore son baromètre de la high tech. Ces techniques de sensibilisation sont ainsi en passe de jouer le même rôle qu’un label, en matière de sensibilisation du consommateur.

Pour aller plus loin :


Consoglobe : PEFC - FSC, une concurrence gênante

http://www.consoglobe.com/ac-actus-developpement-durable_4387_pefc-fsc-concurrence-genante.html

Bois certifiés : la difficile mise en œuvre des certifications
http://www.novethic.fr/novethic/planete/environnement/ressources_naturelles/bois_certifies_difficile_mise_en_uvre_certifications/130082.jsp

Certification forestière en France : PEFC France ouvre la consultation publique sur un projet de standard non consensuel
http://www.fne.asso.fr/fr/certification-forestiere-en-france-pefc-france-ouvre-la-consultation-publique-sur-un-projet-de-standard-non-consensuel.html?cmp_id=33&news_id=1811

Le projet de standards français de gestion forestière durable en consultation publique jusqu’au 20 novembre 2010
http://conso.pefc-france.org/ArticleViewer.aspx?i=9200

La réponse de PEFC France aux Amis de la Terre
http://www.pefc-france.org/Telecharg-pefc/cp-millevaches.pdf
Le rapport des Amis de la Terre France « ISR : l’heure du tri ». Septembre 2010
http://www.amisdelaterre.org/Finance-responsable-Les-Amis-de-la.html

Les Echos. Vincent Lequertier gérant d'Orsay Investissements ESG« 2.500 questions pour avoir une notation ISR »Octobre 2010.
http://www.lesechos.fr/supplement20101004/sup_special_isr/020808821800--2-500-questions-pour-avoir-une-notation-isr-.htm

Zegreenweb. Pêche durable. Le label MSC critiqué. Sept.2010
http://www.zegreenweb.com/sinformer/alimentation/le-label-msc-critique,15824
L’article de 20 Minutes. Les labels perdent les consommateurs
http://www.20minutes.fr/article/601932/planete-les-labels-perdent-consommateurs

Autres labels :

Save your logo
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/05/save-your-logo-des-marques-en-quete.html

Le label Rainforest Alliance
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/04/le-label-rainforest-alliance-la.html

Testez vos connaissances sur les labels
http://www.simplementecolabel.fr/page.php?page=test

Guide OGM sur Android et Iphone
http://guide-ogm.greenpeace.fr/

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