jeudi 16 décembre 2010

Pour les associations, la bonne vieille pétition n'a pas pris une ride





Une pétition en ligne appelant à mettre fin à "la campagne d'intimidation" contre WikiLeaks a réuni jeudi plus de 662.000 signatures. La pétition s'adresse "aux Etats-Unis et aux autres gouvernements et sociétés impliqués dans la répression de WikiLeaks". Elle appelle à "mettre fin immédiatement à la répression de WikiLeaks et de ses partenaires". Cet appel, dont la devise est « Stop the crackdown », est diffusé sur le site américain Avaaz.org, spécialisé dans les web-pétitions et les campagnes de e-lobbying.

Dans les faits, Internet a permis de remettre au goût du jour la pétition, qui a eu ses heures de gloires dès le XVIIIème siècle. Le Premier Amendement de la Constitution américaine prévoit, selon une traduction de Wikipedia : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre. »

A la fin des années 1780, des sociétés anti-esclavagistes fleurissent simultanément aux Etats-Unis, en France et en Grande-Bretagne. Leur dénonciation du système se fonde sur des principes essentiellement moraux, basés sur l’observation des conditions de vie des esclaves. Des pétitions circulent avec succès dans les années 1788-1789 demandant un débat parlementaire en Angleterre et des demandes d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises figurent dans les cahiers de doléance en 1788.

De nos jours, le monde associatif a aussi largement recours aux pétitions. Bono a remis en septembre 2000 lors du sommet du millénaire aux Nations unies une pétition signée par 21,2 millions de personnes demandant aux pays les plus riches d'effacer la dette des pays pauvres. Les signatures, collectées dans 155 pays auprès d'organisations, notamment religieuses, ont été remises par le chanteur et le président nigérian Olusegun Obasanjo au secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui l’a remercié avant de déclarer: «Nous devons comprendre que les gens veulent que quelque chose soit fait ». Certains thèmes universels transcendent les frontières et la collecte des signatures est un jeu d’enfant grâce à Internet. Le porte à porte est devenu planétaire.

La pétition a l’avantage de ratisser large. Dans le cas de Novartis, une collecte de signatures a été réalisée sur fond d’une procédure juridique. Le 6 août 2007, la Haute cour de justice de Chennai (ex Madras) en Inde a débouté le laboratoire suisse Novartis de son action visant à remettre en cause la loi indienne sur les brevets. Médecins sans frontières (MSF) et Oxfam avaient lancé une pétition qui a été signée par 420.000 personnes. De grands noms s’y sont associés : Desmond Tutu, archevêque sud-africain et prix Nobel de la paix ou encore Michel Kazatchkine, directeur général du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Global Fund). Pour MSF, c’est « une victoire du laboratoire pharmaceutique créerait une situation d'apartheid sanitaire ». Novartis aurait souhaité infléchir la position indienne, dont la législation sur les brevets lui apparaissait trop souple. Une victoire pour les humanitaires, sans pourtant savoir quel a été le poids de la pétition dans sa conclusion.

Personne n’a échappé ces dernières années aux pétitions : Monsanto contre les OGM, Axa contre les mines anti-personnelles, Total en Birmanie, etc. La pétition a aussi donné naissance à des actions dérivées, comme les appels téléphoniques de militants adressés directement au PDG de l’entreprise et les envois de cartes postales. L’effet de masse est recherché jusqu’à saturation.

Dans le domaine de l’éducation, 18 millions de personnes ont exhorté les dirigeants mondiaux à scolariser tous les enfants qui ne le sont pas encore. Ces citoyens du monde se sont mobilisés en signant la pétition en ligne, par SMS et lors de rassemblements dans toute l’Afrique. En septembre dernier, 15.000 messages personnels ont été adressés à Ban Ki-moon pour lui demander de défendre la cause de l’éducation.

Pendant la Coupe du monde, c'est 500.000 personnes qui ont signé leur soutien à la campagne 1BUT de la Campagne mondiale pour l’éducation chaque semaine, avec l'appui du GSMA et de grands opérateurs mobiles comme MTN et Telefonica, qui à eux seuls ont amené quatre millions de participants à la campagne 1BUT. D’autres entreprises comme Microsoft Xbox ont également soutenu la campagne. Cette association, qui a bénéficié du soutien de nombreuses stars du sport, est coprésidée par la reine Rania de Jordanie.

Mais, les initiatives citoyennes commencent également à être reconnues en Europe. Selon un article d’Alternatives Economiques de novembre dernier, « les anti-OGM ont tiré les premiers». Avec l'article 11 du traité de Lisbonne, une pétition qui recueille un million de signataires, oblige la Commission européenne à faire une proposition législative sur le sujet en question dans les quatre mois.

Cette disposition a conduit Greenpeace et Avaaz à lancer une pétition réclamant le moratoire des OGM en Europe et la mise en place d'un organisme éthique et scientifique réellement indépendant des lobbies de l'agroalimentaire. A l'heure actuelle, deux variétés d'OGM sont autorisés à la culture dans l'UE: le maïs MON810 développé par Monsanto et la pomme de terre Amflora développée par BASF.

Avec un million de signataires, cette pétition collective fait donc figure de pionnière à un moment même où la Commission aurait envisagé de laisser désormais chaque Etat libre de décider seul d'autoriser ou non les OGM sur son territoire. Regardez la vidéo pour savoir comment l’initiative citoyenne va être encadrée.


Pour aller plus loin :

Greenpeace. 15/12/21010 L’initiative citoyenne européenne enfin clarifiée : le moratoire sur les OGM s’impose
http://ogm.greenpeace.fr/l-initiative-citoyenne-europeenne-enfin-clarifiee-le-moratoire-sur-les-ogm-s-impose

Zegreenweb : 10/12/2010.OGM : la pétition de Greenpeace et Avaaz « n’est pas encore valable»
http://www.zegreenweb.com/sinformer/alimentation/ogm-la-petition-de-greenpeace-et-avaaz-%C2%AB-n%E2%80%99est-pas-encore-valable-%C2%BB,19294

India Today « Pétition contre le lobby du tabac en Inde ». 15/12/2010

Did the government again yield to industry /pressure in delaying the printing of gory pictorial warnings on tobacco products? Yes, says an NGO that has filed a petition in the Supreme Court challenging the government's decision to postpone by/ a year the implementation of the warnings on cigarette packs.
http://indiatoday.intoday.in/site/Story/123391/India/ngo-claims-govt-is-playing-into-tobacco-lobbys-hands.html

Pétrole :

Depuis l'accident de la plate-forme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique, Surfrider Foundation Europe redoute qu’un accident similaire ne survienne en Europe. L’ONG a lancé une pétition en ligne, qui a recueilli à ce jour 4.497 signatures.
http://www.stopoilspill.surfrider.eu

Sport et Education. « 1BUT: l’éducation pour tous ».
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/07/pour-les-ong-le-football-nest-pas-quun.html

1 commentaire:

Anonyme a dit…


La loi constitutionnelle de juillet 2008 et la loi organique de juin 2010 ont ouvert la possibilité pour les citoyens de saisir le Conseil économique, social et environnemental de toute question à caractère économique, social et environnemental, par voie de pétition.
Toutefois, à ce jour, le CESE ne peut toujours pas se saisir de pétitions en ligne, quand bien même elles dépasseraient les 500 000 signatures requises, seuil légal nécessaire à leur recevabilité par le CESE. Par ailleurs, la saisine du CESE en amont du calendrier parlementaire doit être mieux connue et utilisée car elle permettrait ainsi au CESE d’apporter son concours à l’expression des citoyens et à l’éclairage du débat et de la décision publique.
C’est pourquoi le Président du CESE Patrick Bernasconi a décidé de la création d’une mission temporaire consacrée à l’action du CESE en faveur de la participation citoyenne.
Cette mission sera chargée d’étudier le traitement des pétitions, notamment celles qui n’atteignent pas le seuil légal de 500 000 signatures, mais aussi de réfléchir aux conditions de recueil de ces signatures. Elle sera plus largement chargée de proposer de nouvelles voies de participation des citoyens aux travaux du CESE.

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