mardi 26 mars 2013

RSE : L’Allemagne et les Etats-Unis accusent un sérieux retard par rapport à l’Australie ou la France

Afin de favoriser la visibilité et d’accompagner le développement de l’Investissement Socialement Responsable (ISR), NYSE Euronext et l’agence de notations sociétales Vigeo viennent de lancer conjointement une série d’indices Environnement, Social, Gouvernance (ESG) – les trois piliers de l’ISR. 

Cette nouvelle gamme est composée de plusieurs indices, dont Euronext Vigeo World 120, dont l’échantillon repose sur intègre les 1.500 principales capitalisations boursières par le flottant d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie‐Pacifique.

Les valeurs des BRICS ne font pas partie du scoop.

Il en ressort que sur les 120 entreprises responsables distinguées, soit 8% seulement de l’échantillon, 40% se situent en Europe, 32% en Amérique du Nord et 28% en Asie Pacifique.



USA 28
Japan 17
Australia 15
France 14
Canada 10
UK 10
The Netherlands 5
Italy 5
Switzerland 4
Germany 4
Belgium 3
Norway 1
Singapore 1
Portugal 1
Spain 1
Hong‐Kong 1


Si on regarde dans le détail, certains pays se démarquent nettement, notamment par rapport à la taille de leur économie (produit national brut).

Il s’agit de l’Australie, de la Suisse, de la Belgique, du Canada, des Pays-Bas et de la France. Les entreprises de ces pays sont en avance.





D’autres pays ferment la marche, comme les Etats-Unis ou l’Allemagne, des économies où les critères ESG semblent moins perméables.

En rapportant le PNB (produit national brut) d’un pays par le nombre de champions RSE localisés dans ce pays, il faut un PNB de près de 800 milliards de dollars pour produire une entreprise «modèle» en Allemagne contre seulement 62 milliards en Australie.

Le Japon compte 17 multinationales cotées en Bourse dans l’indice Vigeo/Euronext pour un PNB de 4.500 Md$. Compte tenu de sa taille et par rapport au Japon, les Etats-Unis devraient compter 2 fois plus de valeurs dans l’indice Euronext Vigeo World 120.

Une Europe en avance relative



La bonne position de l’Europe par rapport aux Etats-Unis ne s’explique pas par son poids économique, puisque leurs PNB sont du même ordre de grandeur. Elle provient sans doute d’une plus grande maturité de la société civile, de pressions réglementaires et d’une meilleure vision de certains enjeux par les chefs d’entreprise.

De plus, les travaux de Ron Bird, de Francesco Momenté et de Francesco Reggiani (The market acceptance of corporate social responsibility: a comparison across six countries/regions), publiés en février 2012, ont montré que les entreprises les plus vertueuses cotées sur les marchés européens verraient leurs efforts en matière de RSE mieux récompensés par les investisseurs. Elles bénéficieraient ainsi d’une meilleure valorisation relative que leurs pairs hors d’Europe (Etats-Unis, Japon, Australie) eux même engagés dans la même démarche. De quoi les encourager dans cette voie.

L’exception allemande 

L’Euronext Vigeo World 120 comprend pas moins de 15 entreprises australiennes contre seulement 4 firmes allemandes (Munich Re, Allianz SE, Daimler, BASF), alors que le PNB de l’Allemagne est 3 fois supérieur à celui de l’Australie et que le mouvement écologiste y est politiquement bien implanté.

En grossissant le trait, le succès de l’économie allemande ne semble pas reposer pas sur les préoccupations sociales et environnementales de ses blue chips.

Il est vrai que certaines entreprises germaniques ont connu des problèmes de corruption et de pratiques sociales douteuses ces dernières années.

Un article récent de Novethic signalait récemment qu’en Allemagne, les actionnaires se focalisent sur le gouvernement d'entreprise avant de s'intéresser à la notion de RSE. Elles cherchent avant tout à  retrouver la confiance d'actionnaires devenus bien plus pointilleux en matière de transparence et d'éthique managériale.

Une Australie qui détonne

Un rapport sur la RSE en Australie a repéré certains facteurs de succès comme une émulation entre entreprises autour du partage des bonnes pratiques. Les entreprises australiennes se seraient aussi inspirées du comportement pionnier de certaines multinationales étrangères implantées sur leur sol.

Et, le Dr Leeora D. Black de l’Australian Centre for Corporate Social Responsibility (ACCSR) mentionne aussi un autre phénomène à l’origine du processus : le rôle des parties prenantes, comme les ONG.

Elle y relate notamment les mésaventures de Westpac, une banque qui figure dans les 120 valeurs mondiales de référence retenues aujourd’hui par Vigeo :

For example, in 1998, one of Australia’s largest banks, Westpac, was targeted by The Wilderness Society, an environmental activist organisation, because of its small, indirect shareholding in the Jabiluka Uranium Mine. Newspaper reports of the time said demonstrators chained themselves inside bank branches, unfurled banners from the roofs of Westpac offices, and ran days of protest where they would blockade the streets of central Sydney during lunch time. 
At the same time, staff were turning against the Bank as public criticism reached a crescendo due to branch closures and rising bank fees. As a key executive of the Bank described it:  
 “In those days and the mid-90s, we had staff who used to bring a change of clothes to work so they didn’t have to wear their uniform in public … they were ashamed to be seen to be working for a bank … We had to understand that the staff had … jumped the counter. See, nobody is one stakeholder or the other, they’re staff, investors, they’re community, they’re customers, and the staff put their community hats on regularly when they think the company is not doing the right thing.” (Black, 2004). 
The mining giant, Rio Tinto, decided in 2003 to close its Jabiluka Uranium mine in the Northern Territory due to cultural and environmental considerations and agreed the mine would never be re-opened without the consent of the land’s traditional indigenous owners. It seems clear that by then a stakeholder-oriented interpretation of CSR was taking root in Australian business. 

Une Australie paradoxale 

L’Australie est le seul grand pays occidental à avoir échappé à la récession en 2008.

En 2012, elle a même enregistré sa 21ème année consécutive de croissance économique positive

Cet eldorado bénéficie depuis plusieurs années de la forte demande des pays émergents en matières premières (minerai de fer, charbon). Même si, contrairement au Canada, Vigeo n’a intégré aucun groupe minier australien dans son indice Euronext Vigeo World 120.

Consciente du retard pris par son pays, avec un taux de pollution (CO2) par habitant très élevé, le Premier ministre, Julia Gillard, a réussi à faire passer une taxe carbone. Elle a rencontré de fortes résistances, bien que l’Australie subisse d’ores et déjà les effets du réchauffement climatique.

Pour aller plus loin:

Communiqué de presse de Vigeo/Euronext
du 20 mars 2013 et composition des indices
http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/fr/nyseeurnextandvigeo

 « L'entreprise responsable, une urgence », dernier ouvrage de Nicole Notat 
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2012/11/pour-nicole-notat-lentreprise-ne-peut_10.html

 Australian Centre for Corporate Social Responsibility
 http://www.accsr.com.au/index.php

Australie : la taxe carbone travailliste soumise au parlement.
Ressources et environnement. Décembre 2011
http://ressources-et-environnement.com/2011/07/australie-la-taxe-carbone-travailliste-soumise-au-parlement/ 

L'Australie frappée une nouvelle fois par les conséquences du changement climatique.
 Novethic, Janvier 2013 http://www.novethic.fr/novethic/ecologie,environnement,rechauffement_climatique,l_australie_frappee_nouvelle_fois_par_consequences_changement_climatique,139041.jsp

Histoire de l’ISR : des principes de l’investissement responsable (PRI, 2006) à Fukushima
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/08/isr-des-principes-pour-linvestissement.html

Allemagne : la RSE, un remède à la crise ? 
Novethic. Mars 2013 http://www.novethic.fr/novethic/entreprise/politique_developpement_durable/strategie/allemagne_rse_remede_crise/33172.jsp


Outre l’indice mondial, ont aussi été lancés Euronext Vigeo Europe 120, Euronext Vigeo France 20 et Euronext Vigeo United Kingdom 20 

Voici la composition de l’Euronext Vigeo France 20 :

Air France ‐ KLM
Alcatel Lucent
Axa
BNP Paribas
Danone
EDF
France Telecom
GDF SUEZ
Groupe Seb
Lafarge
L'Oréal
Michelin
PSA Peugeot Citron
Saint‐Gobain
Sanofi
Schneider Electric
Sodexo S.A.
Suez Environnement
Vallourec
Vivendi

13 autres valeurs françaises dans l’indice européen Vigeo Europe 120 : 

Accor
ADP
Air Liquide
Atos
Bic
Capgemini
CGG Veritas
CNP Assurances
Imerys
Renault
Unibail ‐ Rodamco
Veolia Environnement
Vinci

Les valeurs françaises représentent à elles seules 27,5% de l’indice Euronext Vigeo Europe 120, devant les britanniques (21%) et les italiennes (10%).

Précisions sur la méthodologie: 

La composition des indices est établie sur la base des opinions de Vigeo. Elle sera actualisée deux fois par an en mai et novembre.

Cette série d’indices sera enrichie d’ici la fin du premier semestre 2013 de deux indices, le premier sur la zone Etats‐Unis, le second sur la zone Benelux.

Les entreprises figurant dans les indices Euronext Vigeo sont celles qui ont obtenu les meilleures notes à partir d’une grille reposant sur 38 critères. Le référentiel d’évaluation permet à Vigeo de questionner chaque entreprise sur près de 330 indicateurs.

Sont notamment pris en compte :

  •  la politique environnementale, 
  •  le respect des droits de l’Homme et la valorisation du capital humain des entreprises, 
  •  les relations avec les parties prenantes (clients, fournisseurs, actionnaires, etc.), 
  •  la gouvernance d’entreprise et l’éthique des affaires, 
  •  l’intégrité des pratiques d’influence et la lutte contre la corruption, 
  •  la prévention des dumpings sociaux et environnementaux dans la chaîne d’approvisionnement et de sous‐traitance.

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