mercredi 16 septembre 2020

Le réchauffement climatique va-t-il nous rendre fous ?


On commence à bien connaître les nombreux impacts du dérèglement climatique sur nos organismes. Mais, il apparaît qu’il affecte également la santé psychique de certains individus. Cela se produit en particulier en cas de catastrophes naturelles, mais aussi plus insidieusement en raison de son caractère anxiogène. 

Certains effets sont mécaniques. Les fortes chaleurs mettent les organismes à rude épreuve. Elles perturbent la qualité du sommeil. Et, elles peuvent augmenter la quantité libérée de cortisol, une hormone du stress. De leur côté, les catastrophes naturelles traumatisent les populations. 

  • Selon le Figaro, deux tiers des coûts de santé liés aux inondations de Nîmes en 2003 ont tenu aux prescriptions d'antidépresseurs pour des traumatismes psychologiques durables. 
  • De même, le cyclone Katrina a entrainé des suicides chez les rescapés au moment de la reconstruction. Pour la Croix rouge, réparer les dégâts matériels ne suffit pas. 

Fragilisation des écosystèmes 

Mais, le réchauffement a aussi parfois pour conséquence de bouleverser de grands équilibres. Certains peuples assistent impuissants à la disparition de leurs écosystèmes. Du fait d’une perte de repères, on a observé une forte hausse des addictions chez les Inuits. 




Kivalina, un village en Alaska, abrite une petite communauté inupiat. Il a été confronté à une arrivée de plus en plus tardive de la banquise dans l’année et à une montée des eaux. Il en résulte un bouleversement de sa chaine alimentaire traditionnelle basée sur la chasse et la pêche. Ses habitants ont poursuivi Exxon, Chevron et d'autres compagnies en 2008, mais n’ont pas pu obtenir de dommages et intérêts, la Justice se déclarant incompétente. Ils pourraient être les premiers réfugiés climatiques nord-américains. 

Un impact sur la criminalité 

Selon une étude de 2013 de chercheurs des universités de Berkeley et de Princeton, les violences d'ordre criminel – agressions, meurtres, viols, violences domestiques – sont plus fréquentes quand la température est plus élevée ou en cas d’inondation extrême. 

À chaque fois que la température dévie au-delà de ce qui est considéré comme la moyenne saisonnière, on observe un accroissement de 4 % des risques de violences interpersonnelles alors que les risques de conflits entre groupes progressent de 14 %. Une température excessive rendrait les individus plus agressifs. 

Cette étude s’est basée sur une soixantaine de travaux issus disciplines les plus diverses, comme l'archéologie, la climatologie, les sciences politiques ou l'économie. 

De façon également moins extrême, il a été montré que les conducteurs de voiture bloqués par un autre véhicule klaxonnent plus tôt que ceux qui sont dotés de la climatisation. 

Une anxiété latente 

En octobre 2018, un sondage de l'Ifop indiquait que 85 % des Français étaient inquiets du réchauffement climatique. Ce taux grimpait même à 93 % chez les 18-24 ans. Néanmoins, si ces chiffres relèvent d’une préoccupation légitime, ils n’indiquent pas un caractère pathologique. 

Pourtant, le réchauffement climatique et ses conséquences, parfois vécues comme cataclysmiques, angoissent plus certaines personnes. On parle d’éco-anxiété. L’éco-anxiété désigne ce qu’une partie de la population perçoit lorsqu’elle se sent constamment rappelée aux problèmes associés au changement climatique.  

De nouveaux termes sont même apparus : 

  • L’éco-paralysie correspond au sentiment d’être impuissant à faire des choses concrètes pour changer la donne. Certains parlent même de solastalgie, un terme inventé par Glenn Albretch, philosophe de l’environnement et professeur au Département d’études environnementales de l’Université de Murdoch, en Australie. 
  • La solastalgie, ce serait une sorte de « mal du pays sans exil » selon Baptiste Morizot. La nature est en mutation ; on ne reconnaît plus le paysage dans lequel on a grandi, on est dépossédé de son environnement.
    

Certaines personnes veulent rompre l’isolement pour exprimer leurs angoisses. Le groupe Facebook «La collapso heureuse» rassemblait plus de 16.000 membres en juillet 2019. Il en compte maintenant près de 31.000. 

Dans cette communauté digitale, on partage des conseils pour affronter les changements en cours. Sur sa page, ce groupe indique ainsi son objet : Echanger des connaissances autour de la collapsologie et aider à porter un regard apaisé sur les changements à l’œuvre. 

Manque de sources scientifiques 

Au-delà de vouloir mettre des mots sur ces phénomènes, des chercheurs ont établi certains liens entre changement climatique et santé mentale. Les cas les plus évidents se situent en cas de perte de biens et de moyens d’existence (cyclones, etc). Les migrations liées au climat génèrent aussi du mal-être. 

Néanmoins, la question du lien entre changement climatique et santé psychique reste assez mal documentée. Les impacts peuvent changer selon les conditions locales, comme le background social et culturel. Les recherches n’en sont qu’à leur début. D’autres études sont souhaitables afin de mieux quantifier les mécanismes. 




Alors que les problèmes psychiques liés au dérèglement climatique pourraient croître dans les prochaines décennies, la santé mentale est parfois le parent pauvre de la médecine, y compris dans les pays développés. 

Pour aller plus loin: 

Sur ce blog : Le réchauffement climatique a déjà un impact sur nos organismes 

Berry HL, Waite TD, Dear KBG, Capon AG, Murray V. The case for systems thinking about climate change and mental health. Nat Clim Chang 2018; 8: 282–90. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7068211/ 

Weather and Violence By Marshall Burke, Solomon Hsiang and Edward Miguel https://www.nytimes.com/2013/09/01/opinion/sunday/weather-and-violence.html 

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