mardi 23 janvier 2024

La taxe carbone aux frontières est entrée en phase de test


En phase de test depuis octobre, la taxe carbone aux frontières en Europe s’inscrit dans un vaste arsenal législatif (appelé « Fit for 55 ») qui doit donner à l’UE toutes ses chances de tenir ses objectifs climatiques. 

En phase de test depuis octobre dernier, la taxe carbone aux frontières, officiellement appelée « mécanisme d'ajustement carbone aux frontières » (MACF), a été approuvée par le Conseil de l'Union européenne en mai 2023. 

En anglais, ce dispositif est dénommé Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM). 

Il entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

Le MACF montera ensuite progressivement en charge jusqu’en 2034, en parallèle de l’assèchement progressif des quotas gratuits du marché carbone européen pour les secteurs couverts. 

Six choses à savoir sur ce nouveau mécanisme : 

1/ En quoi consiste cette nouvelle taxe ? 

À partir de 2026, la taxe obligera les importateurs, dans l’UE, de marchandises polluantes de pays tiers à acheter des certificats pour couvrir les émissions de CO2 directes engendrées par ces produits, afin de créer des conditions de concurrence équitables entre les entreprises étrangères et les entreprises européennes. Ces dernières doivent en effet acheter des « droits à polluer » sur le marché européen du carbone. 

Par exemple, une entreprise allemande importatrice d'acier d’un pays tiers devra verser une compensation correspondant aux émissions de carbone générées lors de sa production. Si un prix carbone existe déjà ce pays tiers, les importateurs ne paieront que la différence. 


Concrètement, les importateurs dans l’UE de produits couverts par le MACF devront déclarer chaque année les émissions réelles des produits importés. Ces déclarations seront contrôlées par des experts agréés par l’UE et ses Etats membres. 

À défaut de pouvoir déclarer les émissions réelles, un système de valeurs par défaut par couple pays/produit sera mis en place afin de refléter au mieux les émissions associées aux produits importés. 

Le nombre de quotas achetés devra correspondre à la densité carbone qu’aurait le même produit fabriqué au sein de l’UE. Selon la différence, la balance sera rééquilibrée, donnant lieu 

  • à une pénalité si l’entreprise ne justifie pas assez de certificats 
  • et à une déduction dans le cas contraire. 
  • Les surcoûts prévus par le MACF sont calqués sur les cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone (ETS ou SEQE). 

2/ Quels sont ses objectifs ? 

Cette mesure s'inscrit dans le cadre du "Green Deal" européen, avec pour objectif final la neutralité carbone d'ici 2050. 

  • Elle vise à égaliser les conditions de concurrence, les efforts réalisés par les industriels en Europe ne devant plus être réduits à néant du fait d’une offre de produits déloyale d’acteurs non européens moins vertueux. 
  • Il fallait aussi contrer les "fuites de carbone", une expression qui désigne le fait que des entreprises, notamment les plus polluantes, délocalisent leur production hors de l'UE afin d’échapper aux taxes carbone déjà en place sur le continent. 
  • Elle encourage d'autres pays à adopter des mécanismes similaires. 
  • Le but à terme du MACF est aussi de remplacer le système actuel d’allocation des quotas gratuits du système d'échange de quotas d'émission de l'UE. Ils vont être supprimer progressivement à partir de 2026. Instaurer une taxe carbone aux frontières tout en maintenant les quotas gratuits aurait constitué aux yeux de l’OMC une double protection. 


 

3/ Quel est son périmètre ? 

La première phase de cette taxe, d'octobre 2023 à janvier 2024 doit permette aux importateurs concernés de calculer le niveau des prix qui leur seront appliqués et de définir une méthodologie pertinente. 

Elle concerne les importations de six produits de base les plus polluante, tels que :

  • l'aluminium, 
  • l’acier 
  • le ciment, 
  •  l'engrais azoté, 
  • l'hydrogène, 
  • l'électricité, 
  • ainsi que certains produits transformés tels que les boulons et les vis. 

Dans l’immédiat, les secteurs couverts représentent près de 60 % des émissions industrielles de l’Europe. 

L’enjeu des produits transformés sera traité par une nouvelle proposition législative un an avant l’entrée en vigueur effective du MACF. 

4 / Pourquoi les industriels s’inquiètent-ils ? 

Les entreprises européennes craignent que la déclaration des importations et des émissions de carbone pendant la phase d'essai soit très complexe. 

De plus, les entreprises redoutent une distorsion des prix par rapport à leurs concurrents non européens, qui ne sont pas soumis à un tel mécanisme. 

Pour compenser le paiement de la taxe, certains industriels pourraient être contraints d’augmenter leur prix, pour maintenir leurs marges. Rexecode évalue à 4 Mds€ environ les surcoûts pour l'industrie française en 2034. 

Cela pourrait créer des déséquilibres, notamment pour les produits transformés non soumis au MACF, tels que les voitures. Comme l’explique cet article de Ouest France : Pourquoi la taxe carbone inquiète l’industrie  

Et la taxe carbone n’assure pas de protection à l’export. 

5 / Quelles sont les réactions de nos partenaires commerciaux ? 

La Turquie et l'Indonésie envisageraient d’instaurer des taxes carbone pour atténuer l'impact du MACF. 

La Grande-Bretagne vient d’annoncer qu’elle allait mettre en place un dispositif du même genre. 

 

  

6/ Taxe ou subventions ? 

En créant ce mécanisme, l’UE se distingue des Etats-Unis, qui avec l’« inflation Reduction Act », qui est doté de 430 Mds$, dont 390 Mds$ de subventions pour aider la transition énergétique du pays. 

Selon Marie-Françoise Calmette, économiste à la Toulouse School of Economics, 

  • le gain budgétaire lié à la suppression des quotas gratuit est estimé à 40 Mds€ par an 
  • et les 14 Mds€ annuels attendus du MACF seront affectés au budget général de l’UE. 

Par ailleurs, l'usine d'ArcelorMittal de Grande-Synthe, près de Dunkerque, va investir 1,8 Mds pour réduire ses émissions. Ce montant comprend un contrat d'aide de l'Etat de 850 M€, qui financera une unité de réduction du minerai de fer et des fours électriques. Ce projet doit permettre à terme de réduire les émissions de 4,4 millions de tonnes de CO2 par an, soit 5,7% des émissions industrielles nationales. 

Pour aller plus loin : 

Au 1er août 2023, 74 mécanismes de tarification carbone étaient recensés à travers le monde, sous la forme de taxes carbone, ou de « systèmes d’échange de quotas d’émissions » (SEQE). Ces mécanismes opèrent à des échelles différentes : 31 d’entre eux fonctionnent à l’échelle provinciale, 42 à l’échelle nationale et 1 à l’échelle interétatique (SEQE-UE). Les territoires couverts par des mécanismes de tarification carbone représentent ainsi 54 % du PIB en 2023 et 50 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre. (source : I4CE, Institute for Climate Economics) 

Trace : le guide de la taxe carbone

 https://www.traace.co/post/carbon-borders-taxes 

Marie-Françoise Calmette : « La taxe carbone aux frontières est un pas en avant, mais à quel prix ? » Le Monde. Janvier 2023 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/28/marie-francoise-calmette-la-taxe-carbone-aux-frontieres-est-un-pas-en-avant-mais-a-quel-prix_6159664_3232.html

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