Le Secours Catholique, qui dispose d’un département Mécénat & Partenariats, a demandé au cabinet conseil en mécénat participatif Volonteer de réaliser un point d’étape sur les relations ONG/entreprises. Ce document de réflexion téléchargeable gratuitement a été publié en février 2009. Cette étude dresse en mots simples et en recourant à de nombreux témoignages un état des lieux sur l’évaluation des partenariats Entreprises-ONG en France. Son titre est d’actualité : « De la philanthropie à l’utilité sociale ».
Ses intervenants s’accordent sur la nécessité d’évaluer les partenariats, une démarche qui doit permettre de mieux piloter les projets tout en instaurant dès le départ un climat de confiance entre des acteurs, qui se connaissent mal. Cette approche pragmatique est nécessaire pour sortir du flou, rendre des comptes au comité de direction d’une entreprise, au conseil d’administration d’une fondation ou au bailleur de fonds pour une ONG. Cette philosophie répond aussi à la nécessité pour les ONG de garder la main, alors que des Super Fondations comme celle de Bill Gates et l’émergence de « philanthrocapitalistes » occupent un rôle majeur dans l’aide au développement.
Fini le temps de la philanthropie, où le soutien de l’entreprise se devait d’être éloigné de son activité business. Quant aux enjeux de demain, pour ces partenaires attendus au tournant, ce sont la lutte contre la pauvreté, le développement Nord/Sud, l’accès aux services de base.
Le constat
C’est lors de la signature de la convention que les partenaires se mettent d’accord sur des objectifs et déterminent des indicateurs (qualitatifs et quantitatifs) de moyens et de résultats. Ce travail doit permettre aux deux parties de mieux se comprendre. Il ressort néanmoins que seuls les gros projets peuvent être évalués, en raison des coûts induits, qui ne doivent pas être disproportionnés par rapport aux bénéfices recherchés.
Caty Forget, directrice du mécénat de Sanofi-Aventis, rappelle que l’entreprise a besoin de données validées pour pouvoir communiquer sur son action de mécénat, notamment auprès de ses salariés, mais aussi en externe. Avec un risque de distorsion, l’entreprise pouvant être tentée, selon Sylvain Halison, de la Fondation RATP, de choisir des critères d’évaluation, susceptibles d’apporter de l’eau à son moulin, mais trop éloignés d’un idéal, qui est l’apport du projet à l’association et ses bénéficiaires.
De son côté, en ayant du grain à moudre, l’ONG peut plus facilement convaincre de l’utilité de ces projets et valoriser l’entreprise auprès de ses collaborateurs. Alors que l’entreprise est souvent diabolisée, au Secours Catholique, les partenariats avec Veolia et Suez ont contribué à lever les réticences internes. La mise en œuvre de l’évaluation revient souvent aux associations, les entreprises n’ayant pas toujours les moyens de suivre tous les projets. Sur une donnée parfois difficile à mesurer, des ONG comme Care et le Secours Catholique bénéficient d’une certaine expérience dans la mesure de « l’utilité sociale ».
Autre point soulevé : il est difficile d’évaluer le travail des bénévoles en termes de retour sur investissement. « Quand on est bénévole, ce n’est pas pour faire exactement de qu’on fait dans une entreprise ».
Perspectives
Des ONG comme le Secours Catholique ou la Croix Rouge française estiment que la crise économique va accélérer l’émergence de la question de la cohésion sociale comme un enjeu majeur dans l’hexagone, avec des questions comme l’insertion des jeunes des banlieues, des séniors et des émigrés. Aux ONG de jouer un rôle de médiation et de convaincre le monde des affaires de son utilité sociale à travers son expertise métier ou la formation professionnelle. Avec une RSE actuellement encore très centrée sur l’interne qui s’ouvrirait à l’extérieur. A l’international, les thèmes forts sont l’accès à l’eau, à l’énergie, aux soins et à l’éducation.
L’exigence sur l’utilité et la recherche de résultats pérennes pour les bénéficiaires pourrait intensifier la concurrence pour collecter les fonds. De leur côté, pour obtenir un impact maximum, le projet mono-entreprise pourrait évoluer vers des partenariats multi-entreprises. Objectifs : échanger, communiquer davantage, financer des projets complexes, auxquels il faut parfois intégrer encore d’autres parties prenantes, comme les collectivités locales.
Le développement du « social business », qui permet d’obtenir de beaux résultats, devrait selon l’étude conduire les ONG à faire évoluer leur modèle, voire à s’ouvrir au secteur marchand. Le Secours Catholique a déjà ainsi participé à des programmes de lutte contre la pauvreté comme les compléments alimentaires Nutriset ou avec EDF sur les compteurs prépayés.
Chaque projet doit être évalué de manière conjointe et finit souvent par devenir du sur-mesure. Pour Céline Marie-Audras, de chez IBM, il faut être capable le cas échéant (face à des obstacles) de se montrer flexible et évolutif en cours de route. Les associés dans un projet doivent souvent innover, car il n’existe pas vraiment dans ce domaine, contrairement à l’urgence humanitaire, de procédures certifiées.
Pour être efficace et pertinente, l’entreprise doit bâtir ses partenariats avec le secteur non lucratif sur son expertise métier.
Idées force
L’entreprise a besoin de se sentir partie prenante du projet en tant qu’acteur et non simple bailleur de fonds. A tel point, que les entreprises ont entamé une « démarche proactive » pour chercher les ONG pour monter des projets, comme la Caisse d’Epargne avec le WWF.
Les risques d’instrumentalisation de l'association ne sont pas possibles dès lors que le projet de partenariat a été discuté très en amont. Mais, le secteur associatif doit comprendre et accepter que l’image est l’un des premiers critères d’évaluation des projets pour l’entreprise. Pour les auteurs de l’étude, l’association partenaire ne renie pas son indépendance et continue à « questionner » l’entreprise sur ses pratiques.
Les deux partenaires ont besoin d’obtenir des résultats pour sortir des schémas idéologiques préétablis. Il n’est pas question pour les auteurs de l’étude de renoncer à dialoguer avec des entreprises comme Total ou Areva, dès lors qu’il semble possible aux ONG d’améliorer leurs pratiques ou réduire certains impacts négatifs en France ou à l’étranger. Sur ce point et sur le rôle des associations dans la construction de la RSE, certaines ONG de plaidoyer ont un point de vue différent.
Autre idée force, les entreprises ont pris conscience qu’elle ne pouvait pas agir seule, notamment pour avoir un impact sur des populations défavorisées.
En conclusion de cette étude, il apparaît notamment qu'ONG et entreprise ont encore beaucoup à apprendre l'une de l'autre et qu'elles peuvent aller plus loin pour se "challenger". Leur dialogue ne peut que se renforcer pour répondre aux objectifs de l'ONU dans le cadre du Global Compact. Mais, les ONG positionnées sur l'éducation, la santé, le développement Nord/Sud ou la lutte contre la pauvreté doivent encore sensibiliser le monde des affaires à leurs causes pour qu'elles soient intégrées dans une problématique de RSE.
Pour tout savoir :
L’étude complète au format PDF (19 pages) :
http://www.volonteer.fr/pdf/VOLONTEER_ETUDES.pdf
Exemples cités par le document : les partenariats Sanofi-Aventis/Secours Catholique, Fondation Nestlé France/Croix Rouge française, Veolia/Solidarités, Fondation Société Générale/Tissons la Solidarité, Caisse d’Epargne/WWF.
Méthodologie : 43 interviews ont été réalisées. Ont été interrogé 20 responsables d’entreprises ou de fondations, 3 responsables de partenariats d’autres ONG (Croix Rouge, Care, WWF) et 17 collaborateurs du Secours Catholique. Les équipes du Secours Catholique-Réseau mondial Caritas réfléchissaient à ce thème depuis le printemps 2007.
3 commentaires:
par ailleurs, le lien http://www.volonteer.fr/pdf/VOLONTEER_ETUDES.pdf ne fonctionne pas
Comment peut s'inscrire à votre nl ?
Merci pour tes remarques.
Je n'ai pas de NL, mais il doit être possible de suivre les publications par flux RSS, sinon via Twitter.
pour le lien :
http://www.volonteer.fr/etudes
De la philanthropie à l'utilité sociale
Etat des lieux et perspectives sur l'évaluation des partenariats Entreprises-ONG Octavie Baculard (février 2009)
La recherche d’impact va amener le mécénat d’aujourd’hui à évoluer. Du mécénat optionnel, déconnecté du métier de l’entreprise et sans contrepartie, la recherche d’impact fait entrer le sujet au cœur de la stratégie de l’entreprise. Pour être efficace, l’entreprise décide de s’appuyer sur son expertise métier et de rechercher d’autres partenaires. Son engagement sur les sujets sociétaux ne se limite plus à la communication auprès des parties prenantes, mais elle s’occupe de l’utilité sociale.
Bon we
Herrick
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