jeudi 28 janvier 2010

Ben & Jerry’s, plus de 30 ans d’engagement malgré une indépendance perdue


Fabricant de crèmes glacées, Ben & Jerry's a été créé dans le Vermont en 1978 par deux amis d’enfance.
Cette entreprise va combiner la fabrication de produits de qualité et innovants avec une triple mission, économique, sociale et environnementale. Son activisme débordant s’est traduit notamment par la création d’une Fondation en 1985, chargée de redistribuer 7,5 % des résultats bruts de l'entreprise à des associations d'aide aux personnes défavorisées. La société va collaborer avec de nombreuses organisations à but non lucratif.


En 1984, six ans après sa création, l’entreprise pilote s’introduit en Bourse pour accélérer son développement. Fait rarissime, cette ouverture du capital est réservée aux habitants de l'Etat du Vermont, grâce auxquels l'entreprise estime avoir prospéré et à qui les deux fondateurs voulaient renvoyer l’ascenseur. Un Etat dont ils sont fiers, puisqu’ils le considèrent comme historiquement « progressiste ». Il s’est en effet démarqué du reste des États-Unis dès 1777 par l’abolition de l’esclavage, puis de la peine de mort en 1964. Pour attirer le plus grand nombre, le prix d’entrée dans le capital du glacier avait été fixé à un seuil très décoté. Avec succès considérable, puisqu’une famille du Vermont sur cent devint comme un seul homme actionnaire du groupe.

Le reste Ironie du sort, lors du krach d'octobre 1987, Ben&Jerry's envoya sa fameuse « Cowmobile » à Wall Street servir des cornets gratuits, rebaptisés pour l'occasion "That's life" et "Economic Crunch". Malheureusement, les actionnaires de Ben&Jerry vont vite déchanter. Pour l’analyste Richard McCaffery, avec un retour sur investissement abyssal de seulement 3%, la société ne créait plus de valeur pour ses actionnaires. Pour lui, cette situation n’était pas tenable. «Ce n’est pas Ben&Jerry’s qui a payé l’addition, en versant 7,5% de ses profits à des œuvres charitables, ce sont les actionnaires. Même si ses donations sont recommandables, son programme a perdu de son lustre à partir du moment où la compagnie n’est plus parvenue à rémunérer correctement ses actionnaires à long terme ».

Sans surprise, en avril 2000, la société finit par tomber dans l’escarcelle d’Unilever pour environ 326 millions de dollars, soit 43,06$ par action, un prix inespéré quelque mois plus tôt. Les deux co-fondateurs ont conservé un rôle dans la compagnie, mais sans autorité. L’industriel au coté artisanal allait aussi subir un plan social les années suivantes. Dans un autre secteur, la marque pionnière The Body Shop a également perdu son indépendance. Ce qui témoigne la nécessité pour une « entreprise citoyenne » de garder un œil sur le compteur financier et de bien réfléchir avant d’aller sur le marché financier.

Parlant d’Unilever, dans un entretien donné au Guardian en 2005, Jerry Greenfield, un des deux cofondateurs de l’entreprise pionnière, constatait qu’ « espérer secouer le géant n’est pas réaliste. Je pense que je nourrissais l’espoir que les choses iraient plus vite, mais je ne suis pas déçu ». Et de constater néanmoins avec plaisir qu’Unilever a évité de révolutionner Ben&Jerry's, qui continue à publier un audit social et environnemental. Néanmoins, le plafonnement des salaires dans un rapport de 1 à 7 entre les plus bas et les plus hauts revenus a été abandonné.

L’histoire ne semble pourtant pas complètement terminée, puisque la compagnie s’est engagée à réduire de 10% ses émissions de CO2 entre 2002 et 2007. B&J cultive encore un positionnement à part, comme l’illustre le « Ben & Jerry’s Climate Change College », un programme éducatif lancé en 2005 d’un partenariat entre Ben & Jerry’s, l’explorateur Marc Cornelissen et WWF. Cette collaboration a été fondée sur la volonté commune de promouvoir des actions de lutte contre le changement climatique concrètes et entrepreneuriales générant des bénéfices à la fois environnementaux, sociaux et économiques.

En avril dernier, le glacier a lancé un poisson d’avril sous un faux nom « CyClone Dairy ». Il s’agissait d’une campagne publicitaire et d’un site Web créés pour promouvoir des produits laitiers qui, prétendument provenaient exclusivement de vaches clonées. Le but de cette blague était de sensibiliser le consommateur sur les aliments en provenance d’animaux clonés dans l’alimentation aux Etats-Unis.

Encore dernièrement, lorsque le Vermont a autorisé le mariage de couples de même sexe, Ben & Jerry’s a rebaptisé sa glace Chubby Hubby (mari dodu) en Hubby Hubby (mari mari). Une glace mis en vente dans le Vermont pendant tout le mois de septembre 2009.

Cependant, Ben & Jerry’s ne s’en satisfait pas. Le Vermont n’est que le 6ème État nord américain à autoriser le mariage homosexuel, après le Massachusetts, le Connecticut, l’Iowa, le Maine, et le New Hampshire. Ben & Jerry’s s’est donc associé à Freedom to Marry, une association qui milite pour le droit des couples de même sexe à se marier, et espère que l’opération Hubby Hubby contribuera à entretenir un tel débat, et à étendre ces mariages au reste des États-Unis. « Depuis 30 ans que nous existons, nous avons toujours soutenu l'égalité des droits pour tous », a déclaré Walt Freese, le PDG de Ben & Jerry's. « La légalisation du mariage pour les couples gays et lesbiens dans le Vermont est vraiment un pas dans la bonne direction, qui mérite d'être fêté avec paix, amour et beaucoup de crème glacée », a-t-il ajouté.

Pour aller plus loin :

La belle histoire de B&J
www.benjerry.fr/plus-glace/histoire/

Une glace engagée
http://www.benjerry.fr/plus-glace/

Ben & Jerry's Final Chapter? The Motley Fool (TMF). 29/03/2000
http://www.fool.com/news/2000/quicknews000329.htm

“If it's melted, it's ruined”. Sarah Left.The Guardian. 28/04/2005
http://www.guardian.co.uk/business/2005/apr/28/ethicalbusiness.environment

To learn more about the company's social mission, log on to Facebook.com/benjerry.
Le site de Freedom to Marry
http://www.freedomtomarry.org/

1 commentaire:

The Greenwasher a dit…

La situation de Ben & Jerry est bien résumée dans ton titre et il y a un paradoxe supplémentaire d'après moi : vendre des glaces, c'est vendre un produit de luxe gourmand en énergie. Apparemment cela ne cause pas de complexes/scrupules de la part des fondateurs qui ont même lancé une glace qui s'appelle "Baked Alaska" avec l'inscription "If it's melted, it's ruined"

http://www.benjerry.fr/nos-glaces/parfums.php

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