vendredi 26 février 2010

Les patrons de demain devront avoir une vision, être responsables et mieux intégrer toutes les parties prenantes



Le mouvement patronal ETHIC a organisé le 11 février dernier un Colloque intitulé « Quels patrons pour demain ? ». Avec de nombreuses questions abordées: Quelle gouvernance après la crise ? Faut-il manager différemment ? Le dialogue social, la nouvelle donne ? L'entreprise face aux biens communs. Au cours de cette journée de débats ; des étudiants ont également pu prendre la parole pour réagir et donner le pouls du ressenti des entrepreneurs de demain.

Petit rappel historique. Depuis sa création en 1976 par Yvon Gattaz, ETHIC (Entreprises à Taille Humaine, Indépendantes et de Croissance) a pour mission de promouvoir l’éthique auprès de tous les acteurs économiques. Comme il l’indique sur son site, « investir dans le capital éthique de l’entreprise permet d’accroître la qualité des relations sociales, véritable clef du succès de la performance économique».

Pour ses animateurs, l’éthique est devenue incontournable à l’aube d’un capitalisme nouveau à visage humain. Loin d’être un effort consenti, elle doit guider les comportements, notamment du fait d’une réelle responsabilité individuelle et d’un meilleur partage des richesses. Le Mouvement ETHIC est membre du Pacte Mondial des Nations Unies (Global compact).

Après avoir participé la rédaction du Code de Bonne Conduite AFEP‐MEDEF, Sophie de Menthon, Présidente du Mouvement ETHIC, a donné officiellement sa démission de la Commission Ethique du MEDEF en avril 2009. Le désaccord entre les deux organisations reposait sur la question des écarts de rémunération. Plus récemment, ETHIC s'est inquiété de la polémique déclenchée par la décision de Quick de proposer une offre exclusivement halal dans 8 établissements, y voyant une atteinte à la liberté d'entreprendre.

Lors de ce Colloque, nous avons assisté à la 3ème conférence intitulée « Vers une nouvelle éthique patronale ».

Nicolas Bordas, PDG de TBWA, Président du Comité Exécutif du CODICE (Conseil pour la diffusion de la culture économique) et auteur de «L’idée qui tue» chez Eyrolles, est un bon observateur de tendances. Il a relevé la situation paradoxale des Etats-Unis, qui n’ont toujours pas ratifié le Protocole de Kyoto, mais dont les dirigeants d’entreprises ne parlent que de cleantechs. Les problèmes environnementaux sont pleinement intégrés au niveau Corporate.

A ce titre, il considère comme symptomatique que Pepsi Cola ait préféré faire l’impasse sur le passage d’un spot publicitaire lors du dernier Superbowl. Pourtant, il s’agit d’un évènement majeur outre-Atlantique, qui avait même été marqué par un spot d’anthologie d’Apple en 2004 intitulé Big Brothers. Le fabricant de boissons sucrées a préféré consacrer 1,3 million de dollars par mois au soutien de projets associatifs. Ces derniers sont librement choisis par les Internautes, dans 6 catégories : Health, Arts&Culture, Food&Shelter, The Planet, Neighborhoods, Education. Chaque mois, dix projets gagneront 5.000 dollars, 10 autres 25.000 dollars, 10 autres 50.000 dollars, et deux projets gagneront 250.000 dollars chacun. Cette initiative, dont la mise en place a pris douze mois, a créé un formidable buzz. Au total, le programme Pepsi Refresh Project s’élèverait à 20 millions de dollars.

Nicolas Bordas relève que d’autres multinationales vont dans le même sens. Procter & Gamble ne vend jamais autant de couches culottes, que lorsqu’il s’associe à une ONG en faveur de l’Afrique dans une opération de produits partage. De même pour Pedigree dans les supermarchés Wall Mart en faveur des chiens abandonnés. Des sommes importantes ont ainsi été collectées pour la Pedigree Adoption Drive Foundation. Les Américains démontreraient ainsi un véritable pragmatisme pour passer du dire au faire. Dans cette optique, la direction marketing d’une firme occupe un rôle majeur pour aller au-devant de la société civile dans la mesure où elle intègre les valeurs sociétales dans son offre.

Dans ces différents projets, l’idée est de collecter massivement pour viser l’impact maximum. Bill Clinton, qui dispose d’un pouvoir d’influence majeur, soutient l’initiative « Massive Good », qui vise à proposer aux voyageurs de payer 2 dollars de plus pour lutter contre certaines maladies. Grâce à une nouvelle manière de consommer, indolore, il est possible d’entraîner des changements d’attitude radicaux. La philosophie du Do Good est en train d’entrer dans les mœurs du consommateur. Au fond d’eux-mêmes, les gens se poseraient de plus en plus la question « à quoi moi je sers ? ».

Pour Geoffroy Roux de Bezieux, Créateur de The Phone House et PDG de Virgin Mobile France, il ne saurait être question d’éthique des entreprises, mais d’éthique des entrepreneurs. La crise financière qui a impliqué toute la chaîne financière tire son origine dans un manque d’éthique individuelle : les vendeurs ont prospecté des milliers de familles mexicaines non solvables sur la seule promesse mensongère d’une hausse infinie du marché immobilier.

La RSE doit s’appuyer selon lui sur des comportements individuels. Pour y parvenir, l’exemplarité des patrons constitue une condition indispensable à une diffusion du concept. Et, de rappeler qu’il faut se méfier des apparences. Enron, dont le nom résonne encore dans les mémoires, avait reçu à l’époque de gloire un Prix pour sa politique sociale et environnementale. Ses cadres dirigeants respectaient sur le bout des doigts tous les codes de la RSE.

Pour Geoffroy Roux de Bezieux, le capitalisme est comme le cholestérol, avec du bon et du mauvais. Il est incroyablement multiforme. Il existe bien sûr le capitalisme des entrepreneurs avec des variantes : le capitalisme d’Etat, le capitalisme des oligarques et celui des grandes entreprises.

Pour Jean-François de Zitter - Président de l’Institut Français de Gestion, il est indispensable de retrouver l’impératif du long terme, ce qui suppose d’avoir une vision. Même son de cloche pour Philippe Portier - Associé Gérant du Cabinet Jeantet Associés, qui ne peut constater les limites des modes de gouvernance inspirées par les anglo-saxons, qui ont aligné les intérêts des dirigeants et des actionnaires sur ce qu’aime le marché, le court terme.

Constatant ces dérives, les PME françaises se sont dotées en décembre 2009 d’un nouveau code de gouvernance, dans le cadre de Middlenext, qui a été validé par l’AMF. Il prend en compte les différentes parties prenantes, notamment les salariés, mais les ONG n’y sont pas citées. Ce code souligne la nécessité d’un partage des tâches autour de trois grands pouvoirs : le pouvoir exécutif qui définit les stratégies et met en œuvre les décisions opérationnelles orientant l'entreprise, le pouvoir souverain, entre les mains des actionnaires, et enfin, le pouvoir de surveillance (les administrateurs) qui assure que l'exercice du pouvoir exécutif est compatible avec l'intérêt général de l'entreprise, sa pérennité et sa performance durable.

Pour ETHIC, toutes ces initiatives et réflexions doivent contribuer à réconcilier les Français avec les entrepreneurs, pour que patrons et salariés continuent à affirmer « j’aime ma boite ».

Pour aller plus loin :

Le site du mouvement Ethic
http://www.ethic.fr/

Interpellation de Thibault Lanxade - PDG d’Aqoba : "Quelle place pour les jeunes ?"
http://www.thibaultlanxade.com/tl/

Le code de conduite des PME
http://www.middlenext.com/

Le Comité Ethique du MEDEF
http://archive.medef.com/main/core.php?pag_id=122663

Massive good
http://www.massivegood.org/massivegood.php

Pepsi Project en VO
http://www.refresheverything.com/

Le blog de Nicolas Bordas
http://www.nicolasbordas.fr/

L’initiative originale de Pepsi fait débat aux Etats-Unis.

Le point de vue contrasté de Jeremiah Owyang: «Super Bowl, A Missed Opportunity For Pepsi»
http://www.web-strategist.com/blog/2010/02/10/forbes-super-bowl-a-missed-opportunity-for-pepsi/

1 commentaire:

externalisation comptabilité a dit…

C'est vrai que patrons et salariés doivent affirmer: j'aime ma boîte. Ensemble avec cet esprit, ils contribuent au développement de l'entreprise.

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