vendredi 18 février 2011

Les dérivés climatiques restent difficilement accessibles au Rwanda



Les dérivés climatiques sont des produits financiers, qui permettent de se prémunir contre certains phénomènes climatiques (manque de pluie, trop de neige, absence de vent, chute de la température, insuffisance de soleil, etc…).Ils sont accessibles auprès de courtiers ou négociables sur des places de marché comme Chicago ou BlueNext.

Ils sont achetés par les entreprises, qui souhaitent préserver leur chiffre d’affaires, leur cash flows ou leur approvisionnement face à un aléa climatique bien identifié. Les collectivités locales des pays développés s’y intéressent aussi de plus en plus. Ils existent en France depuis longtemps sous une forme légèrement différente, l’assurance récolte.

Ces outils, qui semblent permettre de dompter la fatalité, commencent à être adaptés dans les Brics et les pays en voie de développement. Ils s’intègrent dans une offre de micro-assurance, comme le « Microtakaful » en Egypte. Ces produits sont conçus pour être faciles à comprendre. Ils donnent le droit à des paiements prévisibles, basés sur des données indéniables (ex : précipitations) relevées par les Instituts météo. La construction de ces produits basés sur des indices a reçu le soutien de la Banque mondiale et de grands intervenants de l’assurance et la réassurance. Néanmoins, la revue spécialisée Artemis constate que la micro-assurance climatique a du mal à percer.

Au Rwanda, qui compte 11 millions d’habitants, près de 80% de la population vit de l’agriculture, ce qui représente 30% du PIB du pays. Le succès des cultures dépend des précipitations sur deux saisons. La première, qui s’étire de septembre à mars, n’a pas été bonne. La faiblesse récente des précipitations a ainsi pesé sur le rythme de croissance de l’économie en 2010, alors que la hausse du PIB avait atteint 7,4% en 2009. Outre la nécessité de l’autosuffisance, il faut aussi pouvoir nourrir le bétail.

Il existe quelques initiatives en micro-assurance dans le pays, notamment MicroEnsure, qui a mis en place un indice météo pour l'assurance-récolte. L’agence de microfinance MicroEnsure a été initiée par Opportunity International et a bénéficié d’un don de 24 millions de dollars de la Bill and Melinda Gates Foundation. MicroEnsure était déjà présent au Ghana, au Kenya, en Tanzanie et en Asie (Inde, Philippines).

MicroEnsure est actuellement soutenu par plusieurs entreprises, dont le réassureur allemand Munich Re, un géant dans le secteur qui a décidé de chercher des solutions pour s’adapter au changement climatique. The Munich Climate Insurance Initiative (MCII) a ainsi été lancée en avril 2005. Elle rassemble des assureurs, des experts du climat, des ONG et des chercheurs.

MicroEnsure bénéficie aussi d’un partenariat précieux avec la compagnie d’assurance sud-africaine Hollard Insurance, qui est présente dans les activités Vie et Non Vie (dommages). La famille Enthoven, qui est à l’origine du groupe et qui est encore majoritaire, se préoccupe clairement des questions de développement. Hollard est aussi présente en Namibie, au Mozambique, au Botswana, au Nigeria, en Inde, au Pakistan, au Royaume Uni et en Australie.

Henry Kangwelema and Geresomo Chimpopi from MicroEnsure on Vimeo.

Mais, pour Artemis, l’offre de micro assurance n’a pas atteint l'échelle suffisante au Rwanda pour provoquer une véritable différence. Cette situation est à déplorer, car les bénéfices de la micro assurance ne font pas de doute: l’insécurité économique des paysans leur ferme l’accès aux crédits bancaires, les établissements financiers craignant de ne pas être remboursés. Le développement des dérivés climatiques passerait aussi selon la revue par la prise de conscience des assureurs, qu’il existe bien pour eux un marché et un moyen de se diversifier. Malheureusement, si cette mutation des comportements ne se produit pas rapidement, les populations locales pourraient se détourner du concept.

C’est pourquoi l’Etat rwandais discute avec les banques et les assureurs pour tenter d’accélérer le mouvement. Néanmoins pour Esther Duflo, auteur de «La Politique de l’autonomie» publié en janvier 2010 à la République des Idées, ce type de produits aurait besoin d’être au moins partiellement subventionnés.

La question se pose en effet sur la capacité des paysans africains à tout prendre en charge. Pour rappel, Axa Re (devenu depuis Partner Re) avait mis en place en 2006 un contrat d'assurance pour l'aide humanitaire d'urgence à l’Ethiopie. Initié avec le soutien des Nations Unies, il s'agissait de pouvoir débloquer très rapidement 7,1 millions de dollars en cas de sécheresse extrême en Ethiopie pendant la saison agricole 2006.

Les mesures ont été effectuées sur la base des données pluviométriques fournies par 26 stations météo réparties sur le territoire. Le modèle avait été construit sur la base d'une perte potentielle affectant 17 millions d'agriculteurs. Au final, les précipitations furent assez généreuses, si bien que le contrat en est resté là. Le coût de la couverture s'était élevé à 930.000 dollars.

Pour aller plus loin :

http://www.microensure.com/

Article source vu sur Artemis.
15/02/ 2011 “Weather index insurance not accessible enough in Rwanda?”
http://www.artemis.bm/blog/2011/02/16/weather-index-insurance-not-accessible-enough-in-rwanda/

Munich Climate Insurance Initiative
http://www.climate-insurance.org/front_content.php?idcat=858

Concernant Hollard Insurance

Hollard dispose également d’un foundation, qui apporte des ressources humaines et financiers à des ONG qui s’occupent des orphelins et des enfants vulnérables.

La compagnie participe également au Take a Girl Child to Work Day. « Montrez votre bureau à une jeune fille » est un événement d’une journée qui se tient en Afrique du Sud tous les ans depuis 2003. Les entreprises concernées reçoivent les enfants, généralement issus de milieux défavorisés, sur leur lieu de travail, pour les sensibiliser à la vie active. L'initiative est organisée par Cell C, un fournisseur de services cellulaires. C’est le plus grand évènement de volontariat dans ce pays.
http://en.wikipedia.org/wiki/Take_a_Girl_Child_to_Work_Day

La micro assurance, à quoi ça sert ?

L’objectif de la micro-assurance est de permettre aux plus démunis de faire face à des évènements majeurs et imprévisibles, là où l’épargne ne peut suffire : habitation, santé, décès, vol, récolte, bétail, etc. Ces produits innovants pourraient à terme concerner 4 milliards d'individus gagnant moins de 4 dollars par jour, principalement dans la région Asie Pacifique. C’est la conclusion d’une excellente étude de Swiss Re, qui a publié un rapport en décembre 2010, “Microinsurance - risk protection for 4 billion people”, disponible au lien suivant
http://www.swissre.com/media/media_information/New_Swiss_Re_sigma_study_highlights_the_significance_and_potential_of_microinsurance.html

Pour Marc Nabeth de CSGI Consulting, le succès de la micro assurance passe aussi par la prise en compte des spécificités culturelles, le monde des assureurs étant très éloigné de la réalité de la vie quotidienne des populations rurales (cf. la vidéo plus bas).


Le livre d’Ester Duflo, fondatrice du J-Pal
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/01/esther-duflo-encourage-lexperimentation.html

Le film de Wim Wenders sur le microcrédit
http://ong-entreprise.blogspot.com/2010/02/omd-objectifs-du-millenaire-pour-le.html

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