mercredi 12 septembre 2012

Ethical Fashion Show : la mode éthique marque le pas en France


Créé en 2004, le Salon Ethical Fashion Show est dédié aux professionnels de la mode. Il s’est tenu la semaine dernière au Carrousel du Louvre. Il a la particularité de présenter une multitude de marques internationales de prêt-à-porter.

Telles qu’elles figurent dans le catalogue, leurs démarches sont multiples : matières biologiques, matières naturelles, recyclage, savoir-faire spécifique, projets sociaux et mode équitable.

Les exposants sont sélectionnés en fonction de leurs engagements. Les organisateurs refusent un tiers des demandes d’exposition. Ce qui compte n’est pas simplement de venir ou de revenir à Paris, mais que la marque soit véritablement engagée dans une démarche de progrès.



 
 

Après avoir observé au démarrage du salon un intérêt croissant des consommateurs, Isabelle Quéhé (voir son intervention dans la vidéo ci-dessus), la Fondatrice du Salon, que j’ai rencontrée, constate depuis peu un reflux, ce qui n'est pas bon, puisque la mode éthique ne représenterait environ qu’1% du marché.

Ce tassement s’inscrit dans la crise du secteur textile, qui voit le consommateur se concentrer avant tout sur le prix. Dans la recherche des bonnes affaires, les Français disposent d’une offre abondante issue du « Fast-Fashion », dont le renouvellement de plus en plus rapide donne le tournis.

Le Salon Ethical Fashion Show propose le contraire
« Nos exposants présentent des produits attrayants, mais aussi de bonne qualité et qui durent. Mais, il existe malheureusement peu de place pour la découverte, certaines boutiques ayant été échaudées. » 
Il est difficile de rentrer dans les rayons des boutiques multimarques traditionnelles. A tel point que face aux défis d’expliquer ce que signifie la notion de « travail décent », certains producteurs éthiques font le choix ces derniers temps de ne plus communiquer sur cet aspect.



Mais, le textile responsable n’est pas le seul secteur à souffrir. Un article de Novethic de mai 2012 signalait que les ventes de produits Fair Trade dans les grandes surface avait baissé en France de 9,2 % en 2010, puis de 4% l’année dernière. Avec même, pour la première fois, une baisse des ventes des marques de distributeurs de 1,2 %.

A l’opposé, l’Allemagne se distingue par une filière éthique et naturelle qui bénéficie à la fois de la bonne santé de l’économie, mais aussi de la fibre écolo d’une partie importante de la population. Le réseau de distribution outre-Rhin est aussi plus dense pour ce type de produits.

Une prise de conscience relative

Si la mode Green commence à être identifiée, le consommateur perçoit mal ce que signifie le « respect des droits humains ». Pourtant, Isabelle Quéhé souligne que le non respect des droits des travailleurs (OIT) s’accompagne généralement d’un mépris envers la planète, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’eau.

 Pourtant, les designers des 4 coins du monde ne sont pas isolés dans une tour d’ivoire. Des ONG sont actives sur ce terrain comme Yamana ainsi que des associations locales. Il faut aussi compter sur le dynamisme des groupements d’artisans. Des ONG contribuent également à aider au maintien de certains savoir-faire traditionnels auprès de groupes de femmes.

Les ambitions des grandes marques

Reste à savoir si la conversion de certains mastodontes comme les Galeries Lafayette ou encore H&M (Conscious) va apporter de l’eau à leur moulin.

Sur cette dernière initiative, le groupe suédois indique notamment avoir donné 2,3 millions de vêtements à des œuvres caritatives et avoir informé de leurs droits 440.000 ouvriers au Bangladesh.

Mais, le créneau éthique n’est pas sans risque. Pour la créatrice du salon, les global brands doivent faire attention à ne pas être accusées demain par la société civile de green ou de socialwashing. Surtout si elles ont engagé de grosses campagnes marketing en ce sens.

Selon un article du Guardian de novembre 2011, H&M se serait ainsi remis à utiliser du PVC, malgré des engagements pris en ce sens en 2002.

H&M a aussi été pointé du doigt pour avoir utilisé des mannequins virtuels, qui pourraient encourager l’anorexie, et le bronzage intensif (cancer de la peau), comme sur cette affiche. Autant d’initiatives, qui génèrent du buzz, mais peuvent brouiller le message. Même si sa cote d’amour sur Facebook affiche 12,1 millions d’amis.



La nécessité d’innover

Les marques éthiques et naturelles savent comme les autres surfer sur les tendances. Pour Isabelle Quéhé,

Les clichés ont portant la dent dure, qui assimilent encore la mode éthique au folklore et l’ethnique, notamment dans la presse féminine. Certains journalistes voient leurs consom’acteurs comme une résurgence des babas cools des années 70, qui s’habillaient mal et avec peu de moyens. 

L’éthique ne nuit d’ailleurs pas à la créativité. Certains produits sont conçus dans les grandes métropoles occidentales, près des marchés, mais fabriqués localement dans les règles de l’art.



La ligne d’accessoires A-Typik, qui cultive sa différence avec pour signature « autre chemin », est dessinée en France. Ses bijoux en ivoire végétal sont produits en Colombie. Sa taille humaine ne l’a pas empêché d’être présente dans 180 boutiques en France (notamment au Musée du Quai Branly), dans 7 autres pays européens, mais aussi au Mexique et au Japon.



Le Macbook Case de Della, produit au Ghana, est le premier produit africain à avoir pénétré les Applestore à New York et Los Angeles depuis juin 2012.



Au menu de l’édition 2012, qui vient de s’achever, l’innovation a été à l’honneur, comme le signale Fibre2fashion.com (voir en annexe).

Le relais d’Internet 

Face aux coûts de distribution, les ventes en ligne peuvent aussi assurer un bon relais à de nombreuses entreprises du sud ou de l’est.

En effet, avec 3,5 milliards d'euros, les ventes de vêtements en ligne réalisés au cours des derniers mois (juin 2011/juillet 2012) ont progressé de 18% dans l’hexagone, alors que la consommation globale d'habillement affichait en recul inquiétant de 5,5% sur la même période (IFM, Institut Français de la Mode).

Les exposants du salon que j’ai interrogés avaient tous une stratégie e-commerce.

La question du développement 

Certains exposants ont été sponsorisés pour venir à Paris. L’USAID West Africa Trade Hub, qui dispose notamment de bureaux à Accra et à Dakar, utilise une approche commerciale en vue d'accroître les exportations de la région. Dans le but de renforcer la compétitivité de l'Afrique de l'Ouest sur les marchés mondiaux, le Centre offre une assistance directe à des centaines d'entreprises dans six filières, dont le textile. Des équipes dédiées s'attaquent aux problèmes de logistique, de télécommunications, d'accès au financement et à l'environnement commercial.

L’intérêt du salon est aussi de découvrir de nouveaux matériaux et des entrepreneurs passionnés. Basée à Lima, la marque Peru Knits se démarque en utilisant le fameux coton Pima et la fibre d’Alpaga. Il s’agit d’une fibre très fine, haut de gamme, plus douce, plus chaude, plus résistante et plus légère que la laine de mouton. Pourtant, si cette filière continue à être mal gérée et mal défendue par les Péruviens, le marché risque d’être capté par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.



Pour aller plus loin : 
 
Les innovations de la dernière édition de l’ Ethical Fashion Show (en anglais) http://www.fibre2fashion.com/news/fashion-news/newsdetails.aspx?news_id=11518

Les analyses d’Ethical Consumer. Customise the scorecard rating http://www.ethicalconsumer.org/buyersguides/clothing/clothesshops.aspx

Le blog de Be-Linked sur Youphil 
22/11/2010 Mode éthique, quand marques et ONG font bon ménage
 http://ong-entreprises.blog.youphil.com/tag/mode%20%C3%A9thique

Histoire de H&M et les polémiques récentes
 http://www.lescahiersfm.com/en/articles/198-ham-si-tinge-di-verde.html

 Aperçu du rôle des ONG dans la filière textile 

 Yamana : 
 Yamana est le nom des indiens qui peuplaient la Terre de Feu (Patagonie). Ce peuple a aujourd'hui quasiment disparu. Le terme Yamana est également un suffixe qui, associé au mot « main », signifiait : une main qui ne cache rien, ouverte, tendue vers l'autre. Selon l’ONG, Yamana signifie que notre mode de développement n'est pas soutenable et que toute démarche de développement durable doit être fondée sur la transparence et la relation de confiance.
 http://www.yamana-mvd.org/

Pérou : Nouvelle donne pour les alpagueros? 
 Au Pérou, le système commercial est responsable de la baisse constante de la qualité et de la valeur de la fibre d'alpaga. Le soutien d’Oxfam UK. Ne perdre ni son âme ni son savoir-faire http://www.naturalfibres2009.org/fr/histoires/index.html

La fibre citoyenne
 http://www.fibrecitoyenne.org/ 

 Greenpeace. Mars 2012. 
Les grandes marques textiles font-elles des consommateurs des pollueurs ?
Greenpeace a publié un rapport à propos des polluants chimiques liés à l’industrie du textile. Il révèle que les rejets en substances chimiques s’étendent bien au-delà des pays de fabrication (p.ex. Chine, Vietnam, Philippines, etc.). Dans les régions du monde où sont commercialisés ces textiles des substances chimiques toxiques sont libérées par le lavage des vêtements et se retrouvent ainsi dans les eaux usées des ménages et les cours d’eau.
http://www.greenpeace.org/luxembourg/fr/news/Les-grandes-marques-textiles-font-elles-des-consommateurs-des-pollueurs/

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mode éthique : D'après une enquête menée par l'IFM, les convaincus représentent à peine 16% des consommateurs, 17% se disent tentés et 13% ouverts. Les clients achètent uniquement quand les produits sont beaux et dans le vent, ce qui montrerait que le côté écolo et/ou équitable n'est pas l'élément le plus important dans l'acte d'achat.

Herrick du Halgouët a dit…

Rome (AFP) - Créateur de tenues extravagantes pour Lady Gaga et Beyoncé, Antonio Urzi, styliste historique d'Armani, révolutionne la semaine de la mode de Milan en présentant une collection haute-couture pour handicapés.
La coqueluche d'Antonio Urzi est aujourd'hui le charmant Jack Eyers, premier mannequin amputé, véritable star à Milan d'un défilé radicalement différent.
"Ma vie a totalement changé, j'ai l'impression d'avoir fait un tour complet sur les montagnes russes" confie le jeune mannequin qui a choisi, à 16 ans, d'être amputé de sa jambe droite dont la croissance était entravée par une malformation congénitale.
Cet entraîneur sportif de 25 ans devenu mannequin a grimpé les marches menant aux podiums de l'industrie de la mode pour la deuxième année consécutive et défilé, non sans fierté, à Milan portant un costume argenté taillé comme une armure.
"Le vêtement fusionne véritablement avec la jambe" souligne le mannequin unijambiste en dévoilant la prothèse que le styliste Antonio Urzi a habilement incorporé dans le vêtement décalé de style gladiateur.
"Il utilise ma jambe et mon handicap comme un accessoire qui fait partie intégrante de ses créations de mode. C'est génial", relève Jack Eyers avec un sourire.
Le parcours d'Antonio Urzi, spécialiste de l'utilisation de matériaux rigides comme l'aluminium et le plexiglass, est pour le moins éclectique. Le styliste n'a pas fait d'école de la mode, mais il a affûté son art sur le terrain dans les boîtes de nuit, où il travaillait comme danseur et créait lui-même ses tenues à effets spéciaux.
Cette année, pour la première fois, il s'est aventuré dans l'expérience de la mode pour handicapés, créant gratuitement une collection visant à attirer l'attention sur une carence dans le monde de la mode.
FTL Moda, collectif de designers "Made in Italy" a présenté "Loving You" dimanche à Milan, après une étape à la semaine de la mode de New York, où elle avait fait une sortie remarquée avec la Fondazione Vertical, association italienne de recherche qui encourage la recherche pour les lésions de la moëlle epinière.
"Nous sommes prêts pour ça" estime la présidente de FTL Moda, Ilaria Nicolini.
"Nos maisons les plus prestigieuses cherchent vraiment à trouver un nouveau style pour les podiums. Nous avons déjà vu tant de choses dans la mode, parfois on cherche le tapage, le scandale, la confrontation... alors qu'il suffirait parfois de regarder autour de soi" pour y trouver la diversité.
Persuader les couturiers de faire défiler des mannequins handicapés n'est pas facile, admet Jack Eyers. "Beaucoup nous disent qu'ils ont peur de nous faire défiler parce qu'ils ne veulent pas choquer le public", confie le mannequin.
"Ils ont peur, ils ne savent pas comment nous utiliser, comment leurs vêtements pourraient aller à un mannequin en fauteuil roulant ou amputé. Ils ne veulent pas non plus que le mannequin vole la vedette aux vêtements", explique-t-il.
Depuis son apparition au cours de la cérémonie d'ouverture des jeux Paralympiques de Londres en 2012, puis dans de nombreuses campagnes de publicité, Jack Eyers dit avoir dépassé le manque de confiance en lui dont il souffrait enfant et reste persuadé que la mode pourrait avoir le même effet pour d'autres que lui.
"Quand tu as l'impression d'être beau, alors tu te sens bien. Intégrer plus d'handicapés dans la mode ferait du bien au moral" dit-il.

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