mardi 11 juin 2024

Une hyper fréquentation touristique difficile à gérer en Bretagne



Plus de 17 millions de touristes sont venus en Bretagne en 2022. A comparer avec 3,4 millions d’habitants. La région accueille beaucoup d’habitués, dont des familles et des couples, qui ont en moyenne 41 ans. Néanmoins, en 2022, 32 % des visiteurs ont découvert la Bretagne pour la première fois, témoignant ainsi de son attractivité. 

En 2023, cela a représenté 115 millions de nuitées en hausse de 5% par rapport à 2022. La progression s’observe tout le long de l’année. Avec une clientèle française à hauteur de 89 millions de nuitées (source Pôle Observatoire & Développement - Tourisme Bretagne). 

Le succès du littoral ne se dément pas, mais plus globalement, certains touristes, y compris étrangers, cherchent aussi à fuir les grandes chaleurs. 

Cette envolée du tourisme, bien vue sur le plan économique, peut provoquer dans certaines localités un problème d’hyper-fréquentation, avec un risque déceptif. 

Il y a également un problème de logement pour les saisonniers. Le tourisme a aussi des conséquences sur l’environnement, comme la gestion des déchets et les déjections canines. Il peut aussi y avoir ici ou là des débordements des eaux usées, liées notamment à l’urbanisation, avec des conséquences dramatiques pour les ostréiculteurs et des fermetures de plages. 

La sagesse viendrait-elle du Nord ? 

Dans les Côtes-d'Armor Le maire de Bréhat a dû réagir pour réduire les flux « Quand vous avez 30 % des gens les jours de pic qui repartent en disant je ne reviendrai plus jamais à Bréhat, parce que c'est l'enfer. J'ai perdu du temps sur les parkings. J'ai attendu une heure pour prendre le bateau et je n'ai pas pu manger. » 

De plus en plus de communes bretonnes font marche arrière. 

  • Belle-Île en mer (56) a refusé en 2022 de se voir décerner le Prix de plus beau GR de France, afin de préserver ses sentiers (piétinement, bâtons de marche) et la sur-fréquentation du Palais. 
  • Groix (56) a connu un problème de sécheresse pendant la saison touristique. En 2022, elle a tenté d’éduquer à la gestion de l’eau ses habitants et ses visiteurs. 


  • Certaines communes prisées par les randonneurs, comme Kervignac (56), sont contraintes de faire appel à la société civile pour ramasser les déchets abandonnés sur son GR. 
  • Rochefort-en Terre (56) a été totalement noyée sous les touristes à la suite d’une émission TV vantant son patrimoine et son mode de vie. Il s’en est suivi une crise municipale. Le nouveau maire, Stéphane Combeau, a déploré la communication autour du « Village préféré des Français », décerné en 2016. Il a déclaré à France Bleue « la communication n'était pas idéale pour le village. Personne ne s'y retrouvait, ni les commerçants, ni les habitants, ni, même les visiteurs. » 
  • La ville de Saint Malo (35) a été très affectée par la multiplication des locations de tourisme de courte durée type AirBnb. 
  • Dans la newsletter de la Trinité sur Mer, il est mentionné des investissements pluriannuels avec des « objectifs d’apaisement » pour résoudre des « conflits d’usages » liés à la sur-fréquentation. Une des questions est la partage de l’espace entre les voitures, les vélos et les piétons. La gestion des déchets pose aussi parfois problème lors de certains événements.

Le croisement de la population locale et des touristes provoquent parfois des frictions. 

En avril 2023, à Saint-Pierre-Quiberon (56), des « locals only » ont été tagués sur des voitures de « touristes » et des pneus de voiture ont été crevés lors du week-end de Pâques. Des voitures immatriculées 44, 35 et 29 ont été visées.

La Bretagne attire en outre de nouveaux résidents. L’Insee annonce par exemple 150.000 Morbihannais de plus en 2050. 

Face à ces défis, les communes doivent faire des choix. Plus elles investissent dans les infrastructures touristiques, plus elles risquent de s’engager dans une course poursuite sans fin. On sait dans un autre domaine, celui de la voiture, que plus il y a de routes et d’autoroutes, plus la circulation augmente. 

Des décisions parfois couteuse qui ont aussi un impact sur leur budget. D’autres sites touristiques affrontent les mêmes défis. Petite anecdote : pour éviter la surpopulation touristique sur une ligne de bus, la mairie de Barcelone a décidé de la supprimer de Google Maps. Elle mène en effet au parc Güell, les habitants du quartier ne pouvant plus la prendre. 

Heureusement, il existe de nombreux endroits beaucoup plus calmes en Bretagne, comme dans l’intérieur des terres, par exemple le canal de Nantes à Brest. Et, dans une optique de tourisme durable, cette région présente aussi un très beau visage en dehors du pic estival. 

Pour aller plus loin : 

Soumise à une forte saisonnalité, la presqu'ïle de Crozon (Finistere) adapte ses capacités d'accueil et modifie sa communication.

https://www.ouest-france.fr/environnement/environnement-en-finistere/la-presquile-de-crozon-se-tourne-vers-un-tourisme-plus-durable-et-veut-le-reorienter-ca2fa0e2-15b4-11ee-ae57-25b1d1d54a03

 

Barcelone

 https://video.lefigaro.fr/figaro/video/surtourisme-barcelone-supprime-une-ligne-de-bus-de-google-maps/

  

En 2022, hors dépenses fiscales et hors impact du COVID 19, l’effort global de l’État au titre du tourisme était évalué à près de 7,5 milliards d’euros de crédits portés par 21 programmes budgétaires relevant de 13 missions. 

Selon les données de l’ACOSS, le secteur du tourisme en France emploie 1,29 million de salariés en 2020, soit 7 % de l’emploi salarié marchand et 4,8 % de l’emploi total en France. Entre 2015 et 2019, l’emploi dans le secteur du tourisme a augmenté de 150.000 salariés. 

La Bretagne est la sixième région française pour le recours à l’emploi de saisonniers (environ 100.000 au total). Les intercommunalités littorales et celles qui sont situées à l’ouest de la région ont les taux de recours les plus élevés. L’activité saisonnière se concentre particulièrement sur la période estivale, notamment dans les secteurs liés au tourisme comme l’hébergement, la restauration ou le commerce. Les contrats sont plutôt courts, souvent à temps partiel. Plus de 80 % d’entre eux sont considérés comme étant à bas salaire, contre 35 % pour l’ensemble des salariés de la région. 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le Monde se demande si les difficultés d’accès au logement peuvent-elles être un des moteurs du vote en faveur de l’extrême droite en Bretagne, et notamment sur le littoral, où la masse des résidences secondaires a créé une pénurie et fait monter les prix de l’immobilier : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/06/20/legislatives-2024-a-quiberon-la-crise-du-logement-nourrit-un-vote-de-colere_6241792_3224.html

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