jeudi 18 juin 2015

Quand la FinTech vient au secours des migrants

Ce qui est intéressant avec les FinTech, c’est qu’elles génèrent de nouveaux usages à des prix intéressants. 

Dans le cadre des transferts d’argents des migrants, les innovations réalisées en amont par de nouveaux acteurs, dans un climat très concurrentiel, sont très encourageantes. Mais, elles doivent selon les experts des Nations Unies être accompagnées d’actions de formation et d’éducation financière, afin de libérer tout leur potentiel. 

Depuis 15 ans, la connaissance des transferts d’argent des migrants a fait un bond en avant. Pour sa Majesté la Reine Máxima de Hollande, United Nations Secretary-General's Special Advocate for Inclusive Finance for Development (UNSGSA), la question est désormais de maximiser leur impact sur le développement.

Le 5ème forum sur les envois de fonds et le développement se tient actuellement à Milan. Il a réuni des chefs d'État, des décideurs politiques, des acteurs du secteur privé et des responsables de la société civile afin d'établir une feuille de route pour l'amélioration des envois de fonds.

Pour cette occasion, le Fonds international de développement agricole (FIDA) a préparé un rapport «Travailleurs migrants et envois de fonds: flux et marchés européens».

Il souligne que cette manne financière est mal exploitée. Il faudrait :
  • l’émergence de plateformes de transfert d'argent plus compétitives, 
  • des services financiers ciblés pour aider les travailleurs migrants à économiser et/ou investir leur argent. 
Les frais de transfert sont une plaie, même si ils ont commencé récemment à baisser pour se situer entre 8% et 10%. Assez classiquement, plus les montants envoyés sont faibles, plus le pourcentage total de frais devient important. C’est ce qu’on appelle en économie la «double peine».

L’enjeu est colossal.

Si l'on parvenait à ramener les frais de transfert à 5%, conformément à l'objectif du G20 fixé en 2009, les migrants et leurs familles dans le pays d’origine pourraient économiser une somme supérieure à 15 Mds$.

Bill Gates, comme l’Africa Progress Panel, un think tank présidé par Kofi Annan, plaident dans le même sens.



Les nouvelles technologies Les cartes de ce marché commencent à peine à être redistribuées.

Cotée en Bourse, Western Union a perdu 29% de sa valeur le 31 octobre 2002. Un plongeon qu’on distingue très bien sur le graphique et qui sonne comme un avertissement.


Les investisseurs craignaient à l’époque que le marché des transferts soit pénalisé par une intensification de la concurrence avec des prétendants sérieux comme Paypal (groupe EBay) ou encore Moneygram International, sans compter Amex, Bank of America, voire Walmart.

Pour l’heure néanmoins, les acteurs historiques ont réussi à préserver l’essentiel de leurs parts de marché,
  • en réduisant leurs coûts. 
  • en augmentant leur productivité
  • et en cherchant à reprendre la main sur les solutions mobiles et digitales. 
En 2014, Western Union a dégagé un bénéfice de 852 millions de dollars, en hausse de 7%. La compagnie a déjà prouvé sa capacité d’adaptation, puisqu’elle a été fondée en 1851 à l’époque le télégraphe.

Pour combien de temps ? De nouveaux troublions sont apparus, qui s’appuient sur des technologies émergentes, populaires peu coûteuses

Facebook, le roi lion

En avril 2014, le FT signalait que Facebook s’apprêtait à demander une licence bancaire en Irlande dans le but de se positionner sur le marché des transferts d’argent (remittances industry).

Le quotidien se demandait même “Are we about to see the emergence of FaceBank?”.
  • la Banque Mondiale estime que plus de 90% des transferts sont envoyés à la famille, des personnes avec qui les expéditeurs sont en contact via les réseaux sociaux. 
  • parmi les marchés en forte croissance pour Facebook figurent des pays, qui bénéficient massivement des transferts d’argent comme l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Nigéria.
  • De même pour l’Indonésie, le Mexique, les Philippines et la Turquie. 

Pour Brian Blau, Directeur chez Gartner, Facebook a une carte à jouer dans les pays où le système bancaire est embryonnaire.


Nouveau service de paiement en Chine 

En Chine, le service de messagerie mobile WeChat, qui comptabilise plus de 500 millions de membres actifs, a lancé un service de paiement à la mi-2013.

Au Nouvel An lunaire chinois, les enfants devaient autrefois s'agenouiller devant les membres âgés de la famille pour recevoir leurs enveloppes rouges remplies d'argent.

 Aujourd’hui, beaucoup de ces enveloppes circulent via mobiles. Plus d’un milliard d’enveloppes cadeaux ont été échangées en début d’année via la filiale de Tencent.


En 2014, la Chine comptait 245 millions de migrants à l’intérieur de son territoire. Ils représentent 17% de la population chinoise, majoritairement des paysans.

Des FinTech en embuscade 

Western Union aurait plus de succursales que McDonalds, Wal-Mart et Starbucks combinés.

Selon la start up Azimo, basée à Londres, les médias sociaux permettent aux prestataires tels que son entreprise :
  • de réduire les coûts de l’infrastructure physique et des intermédiaires 
  • pour répercuter ces économies directement sur le client 
  • tout en offrant une prestation sécurisée. 
Azimo facturerait moins de 3%.

Pour Michael Kent, patron d’Azimo, il doit être aussi simple d’envoyer des fonds que de partager une photo.

Interviewé en avril dernier par Maddyness, Ismail Ahmed, patron de WorldRemit, un autre acteur du secteur, soulignait qu’il y a plus de 2.5 milliards de personnes dans le monde qui n’ont pas accès à des services financiers. Mais qu’1 milliard d’entre eux possèdent un téléphone portable.

Ancien conseiller auprès des Nations Unis pour son programme de transfert de fonds, Ismail Ahmed a aidé les sociétés de transfert d'argent africaines à respecter la réglementation stricte contre le blanchiment d'argent instaurée suite aux attentats du 11 septembre.



De son côté, Jan Hallbergis, à la tête du Marketing de la division « M-Commerce » chez Ericsson, estime qu’un jour, envoyer de l’argent sera aussi simple qu’écrire un SMS.

Ingéniosité 

Voici également une autre jeune pousse au service de la diaspora africaine: Afrimarket, spécialiste du « cash to goods ».

Originalité, l’envoyeur peut décider de ce qui est acheté avec l’argent qu’il envoie. La société aurait bénéficié de deux levées de fonds dont la deuxième s’élevait à 2,3 millions d’euros, financés notamment par Orange, qui ne cache pas ses ambitions dans le « mobile money ».


Potentiel de développement rural

Si la réduction des frais de transfert représente une véritable aubaine pour les migrants, encore faut-il que cet argent serve de tremplin pour un développement économique durable.

Pour le FIDA, la majorité des fonds reçus s’évapore dans l’acquisition de biens essentiels –nourriture, vêtements, logement, santé et éducation, autant de dépenses contraintes.

Des études montrent cependant qu'il serait possible de consacrer jusqu'à 20% des fonds à l'épargne, aux investissements ou au remboursement de prêts consentis pour monter de petites activités. Le FIDA distingue 2 priorités :
  1. améliorer l'accès aux services financiers de base tels que l'épargne et le crédit, 
  2. déployer au profit des familles des services non financiers adaptés à leurs besoins, comme l'assistance technique pour le développement d'entreprises ou des programmes d'éducation financière. 
But ultime : l’inclusion financière

Pedro De Vasconcelos, co-auteur du rapport et coordonnateur du Mécanisme de financement pour l'envoi de fonds au FIDA, estime que :
"Les envois de fonds offrent une occasion exceptionnelle d'attirer des millions de personnes dans le secteur financier formel".
"Compte tenu de l'interaction fréquente entre les expéditeurs et destinataires des envois de fonds et le système financier, les envois de fonds pourraient donner naissance à des rapports entre les banques et les familles, sur le long terme, susceptibles d'améliorer les conditions de vie de ces familles." 
Pour aller plus loin :

Le FIDA investit dans les populations rurales, en les autonomisant afin de réduire la pauvreté, d’accroître la sécurité alimentaire, d’améliorer la nutrition et de renforcer leur résilience. http://www.ifad.org/

La FinTech, c’est quoi ?

Selon Bolden, l’expression FinTech combine les termes «finance» et «technologie». Elle désigne ainsi une start-up innovante qui utilise la technologie pour repenser les services financiers et bancaires et bousculer les schémas établis.

Suite à la crise économique de 2008, de nombreux banquiers et traders se sont lancés dans des aventures entrepreneuriales pour repenser le modèle de la finance grâce à l’innovation technologique.
Leur but ? Rendre la finance plus simple et plus accessible, en proposant des services de meilleure qualité et moins coûteux.

Les FinTech foisonnent dans tous les domaines :
  • gestion d’épargne 
  • prêt pour les particuliers, 
  • financement des entreprises 
  • paiement en ligne. 

Il s’agit de sujets d’actualité. La Revue Banque organise début juillet une conférence sur « Les nouveaux services et moyens de paiement à l'ère du digital »
http://bit.ly/1ImI9Gz 

Sur ce blog : Western Union apprend aux migrants à épargner 
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2015/06/western-union-apprend-aux-migrants.html 


Vus ailleurs : Chine :
4 enfants laissés à eux-mêmes, (liushou ertong en chinois) et restés à la campagne, leurs parents étant partis travailler en ville, viennent de se suicider dans la province du Guizhou, l’une des plus pauvres du pays dans l’ouest de la Chine.
http://www.bfmtv.com/international/chine-quatre-frere-et-soeurs-livres-a-aux-memes-se-suicident-895270.html






L’impact des taux de change sur les transferts en Inde « Rupee depreciation helps in inward remittances »
  • Basé à Chennai, The Hindu, journal indien en langue anglaise, note que depuis 3 mois, la baisse de la roupie a entraîné une hausse des transferts de fonds de plus de 50%, surtout en provenance des pays du Golfe. Ce serait surtout le fait des migrants indiens les plus aisés (high networth individuals), les HNIs. 
  • Il est dommage que la majorité des migrants, faute d’épargne ou d’éducation suffisantes, ne soient pas en mesure de profiter de ce genre d’opportunités pour moduler leurs transferts. 

http://www.thehindu.com/business/Industry/rupee-depreciation-helps-in-inward-remittances/article7322667.ece

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