vendredi 3 mai 2013

Le label Marine Stewardship Council (MSC) est une machine à cash


 J’ai dîné cette semaine avec un industriel de la pêche, qui m’a indiqué que le label MSC (Marine Stewardship Council) offrirait aux entreprises labellisées un moyen de communiquer durable à faible frais. Car ses exigences ne seraient pas très élevées.

N’étant pas spécialiste de la ressource halieutique, il est difficile de se faire une opinion sur ce point. Voici une brève de l’agence Godwana, spécialisée dans la biodiversité, qui confirme néanmoins qu’un débat existe sur ce sujet :

Selon une récente étude publiée dans la revue scientifique Biological Conservation, plusieurs pêcheries dotées du label « Pêche durable » du Marine Stewardship Council ne répondraient pas aux principes établis par le MSC pour accéder à la certification : la durabilité des stocks ciblés, l’impact faible des pêches sur l’écosystème et une gestion efficace.

Les chercheurs ont étudié 19 "objections", principalement formulées par des ONG, à des certifications accordées par le MSC. Ces pêcheries correspondent, en poids, à un tiers de toutes les pêcheries certifiées par le MSC. Dans chaque cas, au moins l’un des trois critères de certification est remis en cause.

Ces objections ont été évaluées par un arbitre indépendant désigné par le MSC et dans 18 cas sur 19, la certification a été maintenue.
 

Le Marine Stewardship Council a le statut particulier suivant "a company limited by guarantee" et est enregistré comme une charity en Angleterre et aux Pays de Galle. MSC s’est entouré d’un très vaste panel de parties prenantes, dans lequel semble-t-il ne figure pas de Français.


  •  Les ventes de produits de la mer MSC représenteraient un chiffre d’affaire cumulé de 3,2 milliards de dollars. 
  • L’an passé, le nombre de produits labellisés MSC dans les rayons des distributeurs a augmenté de 62 %. 
  • Le 31 mars 2012, le nombre de produits commercialisés dans 84 pays atteignait 14.764. 

Marine Stewardship Council a bénéficié en 2012 d’un budget de 15 M£ en hausse de 17%, soit environ 18 millions d’euros.
  • Le label a réussi à séduire des bailleurs de fonds, comme Fondation David & Lucie Packard, la Fondation Robertson, la Fondation Skoll, la Fondation Walter Family ou encore depuis peu en Espagne la Fundación Biodiversidad. L’organisation a aussi été soutenue par les bureaux nationaux du WWF en Suède et aux Pays-Bas. Le montant total de leurs dotations, qui sont pour la plupart non affectées, est resté stable à 6,5 M£. 
  • 56% de ses revenus proviennent en fait des licences d’utilisation du label. En 2008/2009, ce pourcentage ne s’élevait qu’à 38%, ce qui signifie que MSC est en passe de s’autofinancer. Le total des licences, y compris les royalties, a atteint 8,5 M£ en 2011/2012, en hausse de 34%. 
  • Marine Stewardship Council a dégagé sur l’exercice clos au 31/03/2012 un excédent de 3,7 M£ (4,5 M€) en hausse de 8%. Ce solde, qui n’est pas fiscalisé, représente la bagatelle de 24% de ses revenus. 
  • Le succès du label MSC et sa bonne gestion financière se traduisent par une mise en réserve de 14,6 M£ au 31 mars 2012 en hausse en un an de 33%. Cette somme représente 15 mois d’activité. Les administrateurs de MSC répètent depuis plusieurs années qu’ils veulent constituer des réserves à titre prudentiel afin de faire face aux aléas liés à la crise économique. 


Alors que la part de marché du label MSC ne cesse d’augmenter dans les prises mondiales (8%), on peut se demander si le gonflement de la trésorerie ne devient pas excessif. Cette « financiarisation » de Marine Stewardship Council pourrait présenter à terme des effets pervers.

Comme au détriment de sa mission de sensibilisation. D’autant plus que Marine Stewardship Council présente du retard sur les réseaux sociaux avec une page Facebook (6.000 amis) et Twitter (1.036 abonnés). Cette démarche semble assez timide : Rainforest Alliance dispose de 61.000 amis sur Facebook et de 44.000 followers sur Twitter.

MSC propose néanmoins une application mobile, afin d’aider le consommateur à identifier en magasin les bons produits, ce qui semble judicieux.

La notoriété progresse néanmoins. D’après une étude menée en 2010 aux Etats-Unis, au Canada, Royaume-Uni, en Allemagne, au Japon et en France, il apparaît que 23% de la population adulte de ces pays reconnaît l’écolabel MSC - contre 9% en 2008.

Le Journal of Agricultural Economics a montré que les produits bénéficiant du logo Marine Stewardship Council se vendait avec une prime de 14% par rapport à des produits équivalents sans logo dans les supermarchés londoniens.
 More work remains to be done “to find out whether the premium makes it from retail level to production level, to directly compensate fishers, and whether the premium is sufficient to cover the costs of a sustainable fishery and certification,” said Dr Roheim. But the fact that the number of fisheries entering the assessment process and gaining the certification continues to grow offers the most “compelling evidence” that the benefits of certification outweigh the costs. 

Le secteur de la pêche est un business. Dans ce domaine, il existe aux Etats-Unis des campagnes d’ONG face à des lobbyistes. Comme l’illustre l’opposition entre Tuna for Tomorrow (http://www.tunafortomorrow.com) et Greenpeace.

 

Pour élargir le sujet, voici l’intervention d’un spécialiste des récifs coralliens, qui évoque également les algues vertes qui défigurent la Bretagne. Il restitue la question de la pêche non durable dans un contexte plus global et plus alarmiste.

Selon Wikipédia, Jeremy Jackson est un écologiste de la mer, un paléontologiste et il est Professeur à la Scripps Institution of Oceanography à La Jolla, California et Senior Scientist Emeritus at the Smithsonian Tropical Research Institute dans la République de Panama.

Auteur de nombreux ouvrages, il a publié plus de 150 travaux scientifiques, dont 18 dans la revue Science.

 

Pour aller plus loin : 

http://www.msc.org/

Le Devoir. 13 avril 2013 Marine Stewardship Council - Des pêches pas si durables http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/375651/des-peches-pas-si-durables 

Findus : le scandale de la viande de cheval. 12/02/2013
http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/politique-eco-conjoncture/agriculture/221165340/laffaire-viande-cheval-question-sou



UK study: 7.4 percent of fish sold as cod is mislabeled http://www.globalpost.com/dispatch/news/regions/europe/united-kingdom/130402/uk-74-fish-sold-cod-mislabeled 

Les écolabels Rainforest Alliance et UTZ Certified trouvent leurs marques. 6 juin 2011
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/06/les-ecolabels-rainforest-alliance-et.html 

Des labels contestés et un consommateur un peu perdu
 http://ong-entreprise.blogspot.fr/#uds-search-results

Le statut particulier choisi par MSC
http://en.wikipedia.org/wiki/Private_company_limited_by_guarantee

Gondwana
http://www.gondwana-agency.com/

3 commentaires:

Anonyme a dit…

L’association BLOOM vient de publier le classement des supermarchés français selon le sérieux des démarches entreprises pour assurer, à leurs acheteurs, un poisson issu de pêches durables et respectueuses des écosystèmes marins. Pour établir ce classement, BLOOM s’est intéressée à la politique générale en matière d’achat de poisson des six principaux groupes de distribution français ainsi qu’à leur approvisionnement spécifique en poissons profonds. Résultat : si aucune des enseignes ne satisfait entièrement les critères d’évaluation, certaines s’en tirent mieux que d’autres. Parmi les bons élèves, on trouve Casino, Carrefour puis Système U. Dans le bas du classement, Auchan et E. Leclerc affichent un score très faible tandis qu’Intermarché obtient un score quasi nul en ne satisfaisant qu’un seul des 23 critères évalués.

Herrick du Halgouët a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Herrick du Halgouët a dit…

L’Afnor a lancé début juin un appel à participation aux utilisateurs de produits de la pêche maritime durable et aux acteurs de la filière pour faire partie des travaux de la commission de normalisation « Pêches et produits aquatiques ». Celle-ci est chargée de l’élaboration d’une norme internationale pour harmoniser les labels de pêche durable, dont la prochaine réunion aura lieu le 3 juillet 2014.
Cette future norme (annoncée ISO 19565) entend rendre plus lisible un secteur où marques, logos et labels foisonnent pour valoriser les produits de la pêche maritime durable. Alors que le volet environnemental était de loin le plus privilégié par les labels, cette nouvelle norme vise à donner plus de cohérence aux « critères durables » de pêche, en y ajoutant des exigences économiques et sociales.
source : Gondwana

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