vendredi 9 octobre 2009

La presse, les ONG et le développement durable






Lors des périodes de crise où les ONG de plaidoyer s’affrontent aux entreprises, les journalistes se retrouvent souvent entre deux feux. En France, les médias sont accusés d’être contrôlés par des capitaines d’industrie, de l’autre, les ONG ont tenté de créer leurs propres circuits (Indymedia) et s’appuient habilement sur les réseaux sociaux et sur la blogosphère.

Bien que l’image des journalistes soit écornée (recherche du sensationnel, du lacrymal, perte d’indépendance des médias, chute des budgets d’enquête, parisianisme), ils conservent un certain esprit critique et un rôle éducatif. Nombre de journalistes cultivent toujours leur rôle d’alerte.

Mais, traiter de façon pédagogique les problèmes d’environnement, qui sous entendent des perspectives effrayantes, des intérêts économiques majeurs et une réelle complexité scientifique, se révèle plus compliqué que commenter un match de tennis. De même, une ONG comme ATD Quart Monde a rencontré cette semaine des journalistes de l’information sociale, pour dialoguer, mieux se comprendre, et éviter les préjugés dans le traitement de la pauvreté. Traiter ces thèmes, surtout dans un format court, comme au JT, est une véritable gageure.

Certains journalistes gardent du mordant. Le documentaire « Le Monde selon Monsanto» de Marie-Monique Robin diffusé sur Arte en mars 2008 a fait du bruit. Ce reportage dont les accusations ont ensuite été prolongées par la création d’un blog, a poussé la firme de biotechnologie végétale à créer en avril 2009 un contre site, Monsanto According to Monsanto, juste avant la diffusion du film sur la chaîne canadienne Canal D.

Au-delà de l’action spectaculaire d’activistes, qui fournit de belles images, les ONG constituent des sources, lorsqu’elles ont développé une réelle expertise. Un documentaire comme « Armes, trafic et raison d’Etat » de Paul Moreira et David André se fonde en partie sur les travaux d’Amnesty International et d’Oxfam. Leur programme «Control Arms » vise à enrayer le trafic d’armes. Ils disposent d’une équipe d’enquêteurs qui, grâce à l’aide de reporters et d’humanitaires en place sur le terrain, ont construit une base de données leur permettant de tracer le cheminement des armes, du producteur aux utilisateurs.

Face aux enjeux contemporains, la profession a voulu prendre de la hauteur. Plus d'une centaine de chefs de file canadiens issus d'entreprises, d'ONG et des milieux académique et politique ont ainsi participé en septembre 2007 au quatrième Forum Tremblant sur la responsabilité sociale et la durabilité, sous le thème « Une communication responsable pour une réputation durable ». Au cours d’un débat fructueux, des journalistes ont réfléchi au rôle des médias et de leur influence sur l'agenda public en matière de développement durable. « En tant que journalistes, nous avons un rôle important à jouer pour amener la responsabilité sociale de l'entreprise et le développement durable au cœur du discours public", a indiqué Marc Gunther de la revue Fortune. « Que ce soit en mettant en lumière les actes fautifs des entreprises ou en reconnaissant les leaders qui vont bien au-delà des attentes de la société, nous continuerons à mettre ces enjeux de l'avant ».

En France, la démarche est identique. A l’initiative de deux journalistes, Les Ateliers de la Terre se sont également penchés en janvier 2007 sur le rôle des médias dans le développement durable. Au cours d’un atelier, Alice Audouin, Directrice du Développement Durable dans une agence média, a souligné qu’une étude réalisée en Angleterre, relative à la vision des médias sur la question du réchauffement climatique, a délivré des résultats inattendus. 

« La grande surprise est que, plus les médias sont financiers, économiques, froids, avec une dimension rationnelle, scientifique, centrés sur l’intérêt, et moins les visions étaient dramatiques concernant les mesures de ce qui pouvait être fait, les dangers, les réactions à avoir ». 
A l’opposé de la presse déjà convaincue par ces enjeux et qui « crie au loup ». Résultat, contre toute attente, « la presse financière la plus éloignée de ces préoccupations s’est révélée être la plus à même de la traiter de façon optimiste et opérationnelle car elle était orientée, actions, mesures,… »

Au cours de la décennie 1990, le nombre de mentions des ONG dans les deux titres de références de la communauté financière anglo-saxonne que sont le Wall Street Journal et le Financial Times a été multiplié par 20. L’attitude analytique et dépassionnée des journalistes économiques pourrait permettre de contribuer à jeter un pont entre ONG et le secteur privé, mais aussi souligner non seulement le potentiel du Greenbusiness (comme le quotidien La Tribune), mais aussi l’essor du social business.

Les initiatives se multiplient. Les médias se sont même mis à décerner des Prix pour distinguer chaque année les meilleurs rapports de développement durable... De son côté, CARE France a lancé le Grand Prix CARE International du Reportage Humanitaire. Pour sa 14e édition, il a noué partenariat avec le Festival International du photojournalisme “Visa pour l’Image” avec pour partenaire Média « Femme actuelle », qui est aussi à l'origine de Femmes Formidables.

Les Français sont sans doute demandeurs d’informations froides, loin de l’écume des tumultes et des scandales. Si, selon La Croix, ces derniers considéraient en janvier 2008 que le scandale de l’Arche de Zoé avait été trop couvert, d’autres questions auraient selon eux mérité un meilleur traitement comme la libération des infirmières bulgares, dont la libération était notamment réclamée par Avocats Sans frontières (ASF). Mais également, la guerre en Irak, les sans-papiers et le Grenelle de l’Environnement. 


Autant de questions qui sont chères aux ONG, comme les droits de l’homme, des problèmes sociaux, l’international et l’avenir de la planète. Autant de pistes éditoriales à creuser…susceptibles de trouver des lecteurs.

Pour aller plus loin :

Le monde selon Monsanto
http://blogs.arte.tv/LemondeselonMonsanto/frontUser.do?method=getHomePage

Le contre-blog de Monsanto

http://blog.monsantoblog.com/

Les Ateliers de la Terre
http://www.planetworkshops.org/fr/

Indymedia
http://www.indymedia.org/fr/

Les infosolutions de Reporters d’Espoirs
http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/05/reporters-despoirs-un-veritable-impact.html

Le point de vue d’Actu Environnement
http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/07/actu-environnement-existe-depuis-6-na.html

Le blog d’Alice Audouin
http://www.aliceaudouin-blog.com/

3 commentaires:

Thomas a dit…

Bonjour et merci pour cet article très intéressant.
En effet la relation entre ONG et médias est parfois difficile, mais aucun des deux ne peut se passer de l'autre.
C'est cette affirmation que je voudrais questionner.
En effet, dans la mesure ou internet permet la production/distribution d'information par le plus grand nombre, dans quelle mesure pouvons nous imaginer une redéfinition telle des rôles que les médias et les journalistes perdraient leur rôle d'intermédiaire au profit d'une relation directe entre les institutions et leurs publics ?

Herrick du Halgouët a dit…

Comme les médias sont considérés comme une source fiable, ils sont généralement pris au sérieux, d'autant plus que les journalistes connaissent souvent bien un domaine, dans lequel ils sont spécialisés. Leurs articles font d'ailleurs l'objet de nombreux copier-coller sur Internet en France et à l'étranger.
Peu de blogueurs peuvent espérer bénéficier de la même aura sur des sujets d'intérêts généraux. Par contre, la blogosphère donne lieu à des buzzs, qui permettent de faire connaître une cause, une blague, une vidéo,... Et, de prendre la température de la société connectée. Ces buzz peuvent à leur tour être signalés par les médias, ce qui prolonge leur cycle de vie.
Dans ces conditions, les entreprises et hommes politiques soucieux de leur image confient souvent à des sociétés spécialisées le suivi de leur réputation sur Internet (e-reputation), un univers qu'ils connaissent mal. Mais, il reste encore aujourd'hui plus facile et plus payant de donner une interview à un grand média plutôt qu'à un blogueur. Néanmoins, ces citoyens de la Toile sont de plus en plus reconnus, comme l'illustre le fait que des blogueurs de référence aient été invités à l'Université d'été du Medef.

Anonyme a dit…

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