samedi 18 juillet 2015

Les Chinois s’emmêlent les baguettes en Bourse

 La bourse de Shanghai a bondi de 146% du 30 juin 2014 au 8 juin 2015. Dans le même intervalle, l’indice CAC 40 progressait de 15%. 

Des millions d’actionnaires Chinois se sont vus pendant quelques mois devenir millionnaires sans effort; mais les derniers arrivés ont fini par se brûler les doigts, du fait de l’effondrement récent des actions domestiques chinoises, plus connues sous le vocable d’A-shares. Ce krach a été baptisé par certains de manière exagérée le « 1929 Chinois». 


 Le manque de maturité du marché des capitaux en Chine est mis à l’index pour expliquer ces mouvements de yo-yo. Pourtant, l’éducation financière n’est pas inexistante en Chine.



Un mouvement de fièvre

Selon l’analyse de Tom Orlik, économiste chez Bloomberg, la morosité du marché immobilier, a poussé des millions de Chinois à spéculer en Bourse, principalement des non diplômés.

Ce qui expliquerait le mystérieux rallye des marchés actions chinois au cours du 1er semestre 2015, y compris sur le ChiNext, l’indice des valeurs «nouvelle-génération».



Ces nouveaux actionnaires, largement issus de la classe moyenne, seraient non seulement des retraités désœuvrés, mais
  • Monsieur et Madame tout le monde, du chauffeur de taxi à l‘artisan. Ils se pressaient encore récemment dans des centaines d’officines de courtage, équipées d’un vidéoprojecteur, donnant en temps réels les cours de Bourse. 
  • Mais aussi des investisseurs plus jeunes et mieux instruits, habiles à passer des ordres des plates-formes en ligne. 
  • Mais également des étudiants, toujours prêts à s’échanger des tuyaux vus sur leurs smartphones, à l’aide d’applications parfois fantaisistes, ignorant totalement les fondamentaux des sociétés cotées. 
 Les chiffres sont à la hauteur du pays :
  • selon Lazard Frères Gestion, certains jours, près d’un million de compte-titres étaient ouverts. 
  • les volumes échangés (equity market turnover) seraient passés en moins d’un an de 50% à plus de 250% du PIB chinois, retrouvant leurs niveaux les plus élevés de 2007. 
Il faut dire que les autorités régulatrices du pays avaient autorisé les brokers à augmenter substantiellement leur activité de prêts sur marge, permettant l’achat de titres avec un effet de levier.

Comme le dit le dicton, "ce n'est pas la demande du public qui fait monter les cours, mais les cours en hausse qui créent la demande du public".

Préparer la retraite 

Chaque pays ses coutumes. En Inde, autre champion des BRICs, l’or est prisé depuis des siècles.

De leur côté, les Chinois savent qu’ils doivent préparer leur retraite, d’autant plus que le pays a pratiqué le contrôle des naissances, contrairement à d’autres pays émergeants, où les parents comptent sur le soutien de leur progéniture.

Pour Tony Nash, économiste chez Complete Intelligence à Singapour, peu d’options s’ouvrent à eux. L’une d’elle est la pierre, l’autre le marché actions. Longtemps l’achat d’un bien immobilier a constitué une option sensée pour les ménages chinois, notamment après le krach de 2008.



Faute de solution alternative, dans un mouvement de balancier, les investisseurs chinois passeraient sans s’en rendre compte dans un mouvement moutonnier d’une bulle à l’autre, entre la pierre et les actions, selon le cycle. D’où une grande volatilité, qui peut en laisser certains sur la paille.

Manque de chance, le gel partiel des transactions boursières, décidé dernièrement par les autorités de manière fort peu libérale, a privé certains petits porteurs de liquidités. Selon le China Daily, certains d’entre eux sont poussés à vendre en urgence leurs biens immobiliers.

Le diktat du court terme 

Contrairement aux pays disposant d’acteurs financiers puissants, susceptibles d’aider leurs clients à se projeter dans l’avenir, il existe peu d’investisseurs de long terme pour stabiliser le marché (compagnie d’assurance, etc.)

Loin des images de la Longue Marche, en participant massivement aux introductions en Bourse, les petits porteurs ont cherché des gains rapides en empruntant parfois à moyen terme.

Face à cette ruée, le Shanghai Stock Exchange est devenu un magasin de porcelaine. Certains observateurs mettent en relief l’absence de casinos en Chine continentale pour expliquer cet appétit.

Dan Steinbock, Directeur of International Business at the India, China and America Institute, estime qu’en Chine, 80% des investisseurs sont des particuliers.

Opportunistes, certains Chinois prennent des risques excessifs. De nombreux témoignages cités dans la presse indiquent qu’une part importante des petits porteurs a investi en Bourse dans l’espoir d’acheter rapidement un logement plus spacieux…

Pour Dan Steinbock :

 « Comme les Indiens, qui ont réussi à sortir de la pauvreté, les investisseurs chinois savent d’où ils viennent et où ils ne souhaitent pas revenir. C’est pourquoi ils ont tendance à prendre plus de risques, à raison ou à tort, que le Joe moyen à New York City" 

Une culture financière bien présente 

Pourtant, sur le papier, il existe bien un minimum de culture financière dans la République Populaire de Chine.

Concernant un test global portant sur la littératie financière, les jeunes de Shanghai arrivent en 1ère position, loin devant les Américains, au neuvième rang.

Source du graphique : The Economist

C’est ce qui ressort d’une étude de l'OCDE dans le cadre du PISA (Program for International Student Assessment). Menée en 2012, cette évaluation a consisté en un test de 60 minutes, passé par 29.000 jeunes de 15 ans dans 18 pays.
  • les Chinois ont notamment montré une bonne capacité à épargner, notamment dans le but de réaliser un achat. 
  • il existe peut-être une corrélation en l’habilité à comprendre les mathématiques et la capacité à gérer ses finances. En effet, Shanghai figure aussi en tête sur le Pisa en mathématiques. 
 Reste à savoir :
  • si les élèves de cette ville très dynamique sont vraiment représentatifs de l’ensemble de l’Empire du Milieu. 
  • si les retraités qui jouent leurs économies ont le même niveau. 

Visa, un champion de l’éducation financière


De son côté, le groupe Visa a développé un programme de sensibilisation à la gestion financière et l’entrepreneuriat dans de nombreux pays, comme la Roumanie, la Bulgarie ou Israël.

Le groupe s’appuie le cas échéant sur des partenaires locaux, comme des ONG, telle Parent Zone au Royaume-Uni, voire des banques régionales, notamment en Turquie. Visa, qui ne communique pas sur son budget, est aussi actif en Chine.

Il ne s’agit pas bien sûr d’acquérir les rudiments de la Bouse, mais les bases de la finance personnelle.



La formation des élites

Pour sa part, Xiao Gang, ancien Président de Bank of China et actuellement Chairman of the China Securities Regulatory Commission, estimait en novembre 2012 que l'éducation financière qui a été délivrée aux dirigeants du Parti et du gouvernement à tous les niveaux a joué un rôle clé dans le maintien de la stabilité financière du pays.

Pour lui, la campagne d'éducation financière à grande échelle menée parmi les chefs de gouvernement avant la crise financière asiatique de 1997-98 et la crise des subprimes aurait contribué en partie à des réformes et réglementations financières décisives. L'industrie financière chinoise aurait ainsi mieux résisté aux chocs externes.

Si la politique de la Chine ne se fait pas à la corbeille, en suspendant les cotations, le pouvoir chinois prend des libertés, qui ne seraient pas possibles ailleurs dans un marché plus développé et mieux régulé.

Selon des estimations, le nombre de boursicoteurs (90 millions) aurait dépassé récemment celui de membres du Parti communiste (88 millions)…



Pour aller plus loin : 

Avril 2015 : L’immobilier, variable d’ajustement en Chine par le courtier en crédits immobiliers Carte Financement 
http://www.cartefinancement.com/actualites/actualit%C3%A9-cr%C3%A9dit/le-credit-immobilier-comme-variable-d-ajustement-en-chine

L’éducation financière est devenue un enjeu mondial 
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2014/01/leducation-financiere-est-devenue-un.html

Le calcul au boulier a été inscrit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité le 4 décembre 2013, selon une résolution adoptée lors de la 8e session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO. 
http://www.chinatoday.com.cn/french/Convergence/article/2014-01/27/content_593895.htm 

Avril 2014 / FT /Emerging markets await equity culture
 http://www.ft.com/intl/cms/s/0/5fcab25a-cbae-11e3-8ccf-00144feabdc0.html#axzz3gEf8s1po


12/07/2015 The Economictimes Indiatimes

Double trouble: Fearing bubble in real estate, Chinese investors rushed to stocks, only to see the crash
 
Mars 2011 : Quand la philanthropie chinoise s’éveillera
http://ong-entreprise.blogspot.fr/2011/03/quand-la-philanthropie-chinoise.html  

Fin

1 commentaire:

Anaïs a dit…

Les entreprises doivent aussi tirer parti des réseaux sociaux chinois. Clarins utilise Wechat comme un omnicanal pour atteindre les consommateurs chinois en Chine mais aussi ceux à l’étranger.

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