mardi 16 novembre 2021

L’objectif de neutralité carbone sort du flou grâce à la science (SBTi)


Jamais il n’est paru autant d’articles sur la neutralité carbone. Mais, d’autres termes ont aussi fait flores comme « négatif en carbone » ou « climatiquement neutre ». 

Ce foisonnement reflète un certain flou et ne permet pas de distinguer la réalité des engagements des entreprises qui communiquent sur ce sujet. Les ONG n’hésitent pas à s’engouffrer dans la brèche. 

Au mois de mai, un tribunal néerlandais a condamné Shell à réduire ses émissions de CO2 de 45 % d'ici 2030. Le groupe pétrolier était accusé par Greenpeace, ActionAid et plusieurs ONG de ne pas s'aligner sur l'Accord de Paris. 

En Allemagne, Greenpeace vient d’attaquer Volkswagen sur l’insuffisance de ses cibles de réduction d’émissions de dioxyde de carbone.  

La multiplication de ces actions juridiques a sans doute une origine logique. En effet, selon une étude récente Accenture « Reaching Net Zero by 2050 », 

  • seules 5% des entreprises européennes atteindront la neutralité carbone à la date cible prévue pour leurs propres opérations (scope 1 et 2), si elles poursuivent le même rythme de réduction des émissions qu’elles ont atteint entre 2010 et 2019. 
  • Et, seulement 9% d’entre elles y parviendront à horizon 2050. 
Si ce retard n’est pas rédhibitoire, de nombreux engagements ayant été annoncés ces derniers temps, il peut refléter une difficulté de certains groupes, qui ne savent pas par où commencer ou tout simplement qui manquent d’ambition. 

L’inaction ne semble plus une option. 

Un standard pour passer à l’action 

Lancée en juin 2015, l’initiative Science Based Targets (SBTi) est un projet conjoint du Carbon Disclosure Project (CDP), du Global Compact des Nations Unies, du World Ressource Institute (WRI) et du WWF. 

L’initiative vise à encourager les entreprises à définir des objectifs de réduction (aussi appelés cibles de réduction) des émissions de gaz à effet de serre (GES) en cohérence avec les préconisations scientifiques. 

 La route est claire : pour rester dans les clous, il convient de contenir l’augmentation des températures mondiales en deçà de 2°C, voire en deçà de 1,5°C, par rapport aux températures préindustrielles. 

La SBTi souhaite accompagner les entreprises sur ce terrain, en leur fournissant des outils, des conseils et un œil externe, qui vont les aider à se fixer de manière fiable des cibles de réduction d’émissions de GES. L’idée est de sortir du flou et de se donner un agenda. 

  • environ 1.800 entreprises adhèrent à SBTi 
  • et plus de 1.000 d’entre elles ont d’ores et déjà vu approuver la cible de 1.5°C. 
  • lles sont présentes dans 53 secteurs d’activités, dans 60 pays et emploient 32 millions de salariés. 

Le Net-Zero standard 

La SBTi a voulu aller plus loin en concevant une première norme mondiale de fixation d'objectifs net zéro pour les entreprises, en cohérence avec la science, comme ce qui est publié par l’Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). 

Le Net-Zero Standard vient d’être dévoilé. 

Reposant sur des données incontestables, il doit apporter de la clarté et une confiance accrue pour les parties prenantes. 

  1. Le process de réduction des émissions porte sur toute la chaine de valeur, les émissions liées au process direct de l’entreprise (scope 1), l’achat d’électricité et de chauffage (scope 2) et les fournisseurs et les utilisateurs finaux (scope 3). 
  2. Les efforts doivent être conjugués à court et à long termes. Les promoteurs de ce référentiel sont partis du constat que la plupart des entreprises, qui prétendent atteindre le net-zéro en 2050, le font en termes vagues. Et, lorsque leur programme est plus détaillé, l’essentiel de l’effort est réalisé dans la dernière décade ou cinq ans avant 2050. Pour STBi, il faut au contraire réduire les émissions le plus tôt possible, à savoir d’au moins 45% du niveau de 2010 vers 2030.
  3. Une entreprise ne peut pas revendiquer avoir atteint le « net-zéro » tant qu’elle n’a pas achevé son objectif à long terme (basé sur la science). C’est-à-dire quand ses émissions auront chuté de 90 à 95%. A partir de ce stade, mais pas avant, elle pourra engager des stratégies de compensation pour neutraliser le solde, impossible à éliminer. 
  4. Les entreprises sont aussi invitées à agir en dehors de leur chaine de valeur dans d’autres domaines, comme via la solidarité internationale, mais ces investissements s’inscrivent en plus des réductions d’émissions déjà nécessaires, et non en remplacement.

   

Race to Zero 

Le standard Net-Zero Standard a été conçu pour des entreprises de plus de 500 salariés, qui veulent s’engager sur des objectifs net-zero via SBTi. Mais il ne s’applique pas aux institutions financières. 

Les 7 premiers groupes dont la stratégie a été validée par SBTi sont AstraZeneca, CVS Health, Dentsu International, Holcim , JLL, Ørsted (Danemark) et Wipro (Inde). 

Dans le détail, le groupe de communication Dentsu International vise par exemple une décarbonisation de sa chaine de valeur à hauteur de 90% dès 2040. Il indique aussi être la première entreprise à obtenir l’accréditation RE100, conséquence de son recours exclusif aux énergies renouvelables. 

 Alberto Carrillo Pineda, co-fondateur de SBTi souhaite embarquer le maximum d’entreprises dans ce processus. Il appelle le monde des affaires à rejoindre le mouvement « Race to Zero ». 

Vers une communication plus transparente 

Pour Novethic, cette initiative va crédibiliser les entreprises qui l’adoptent. Elles prêteront moins le flanc à des accusations de greenwashing. 

Selon EcoAct, le respect du standard permet en effet de « communiquer sur ses engagements de manière transparente et intelligible aux parties prenantes grâce à un cadre commun.».
  . 

Le volontarisme de la finance 

En septembre, les investisseurs sont entrés dans la danse, car iIs ont besoin de données homogènes pour orienter leurs décisions. 

220 gestionnaires d’actifs de 26 pays et gérant 29 trilliards de dollars ont ainsi appelé à l’adoption massive des cibles de réduction des émissions basés sur une approche scientifique. 

Parmi eux, Allianz, Crédit Agricole et Amundi. 

Et, ils ont fait pression de concert sur 1.600 multinationales, afin qu’elles adoptent un processus de décarbonisation crédible dès juillet 2022. 

Deux méthodes pour progresser 

Deux méthodologies ont été retenues par l’initiative Science Based Targets pour qu’une entreprise réduise ses GES : 

  • L’Absolute Contraction Approach (ACA) est une démarche universelle qui permet de se fixer des objectifs de réduction absolue d’émissions en ligne avec la trajectoire recherchée. Deux-tiers des entreprises ayant adopté des cibles validées par SBTi en 2020 l’utilisent. 

  • La Sectoral Decarbonization Approach (SDA) est une méthode alternative d’atténuation bien adaptée aux activités intenses en carbone comme le transport, l’aviation ou la production d’électricité. Elle peut permettre d’aller plus vite ou moins vite (ciment, aviation) que les Accords de Paris selon les métiers. La version actuelle de la SDA permet à la production électrique de respecter la cible de 1.5°C, tandis que pour d’autres secteurs, la réussite sera plus lente, en fonction des opportunités fournies en matière de décarbonisation par de nouvelles technologies. 

En se basant sur la SDA, Cemex a ainsi vu sa stratégie validée par Carbon Trust. Le cimentier a annoncé une baisse de ses GES de 35% en 2030. La réduction du CO2 va pousser la compagnie à recourir à des combustibles alternatifs, à décarboner les matières premières, à recourir aux énergies propres et à concevoir de nouveaux ciments. 

Fin octobre, Air France a décidé de s’inscrire dans une trajectoire de décarbonation, dont les objectifs seront soumis à SBTi au premier semestre 2022. Ce qui est intéressant c’est que la compagnie et ses filiales détaillent comment elles comptent s’y prendre. 

 Grâce en particulier à un renouvellement de la flotte, comme l’abandon des quadriréacteurs. Et, via l’utilisation de carburants durables d’aviation ou SAF (« Sustainable Aviation Fuels »). 

 Le référentiel Net Zero Initiative arrive donc à point nommé. 

 Pour aller plus loin : 

Octobre 2021-Novethic. 
Neutralité carbone : pour avoir un vrai impact, les entreprises peuvent enfin s’appuyer sur une norme de référence 

Octobre 2021-Accenture : 
Près d’un tiers des plus grandes entreprises cotées en Europe se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. 


Lancée en septembre 2019, l'alliance Net-Zero Asset Owner (NZAOA) rassemble les assureurs et investisseurs qui s'engagent sur la neutralité carbone de leur portefeuille d'investissements d'ici 2050.

    

  Fin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quatre grandes banques, dont Société Générale, ont quitté l'initiative "Science Based Targets" (SBTi) Pour justifier leur départ, qui s'est produit séparément au cours de l'année écoulée, certaines banques ont invoqué leur appartenance à un autre groupe soutenu par les Nations unies, l'alliance Net-Zero Banking (NZBA). Celle-ci est moins restrictive et permet aux banques de continuer à financer les combustibles fossiles à condition qu'elles progressent dans la réduction de leurs émissions.

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