L'urbanisme favorable à la santé (UFS) trouve ses racines dans des préoccupations historiques concernant la santé publique et l'environnement urbain. Son évolution a suivi les grandes transformations économiques, sociales et technologiques des sociétés, tout en s'adaptant aux défis de chaque époque.
Sans remonter à l’Antiquité, en voici quelques grandes dates :
1. Révolution industrielle et hygiénisme
Avec la Révolution industrielle et l’exode rural, les villes ont connu une croissance rapide et souvent désordonnée, menant à des conditions de vie insalubres. La surpopulation, les logements précaires, l'absence d'infrastructures de gestion des déchets ont contribué à l'apparition d'épidémies. A noter également la mauvaise qualité de l'air, liée à l’usage intensif du charbon.
Le mouvement hygiéniste au XIXème siècle s’est développé à peu près au même moment dans de grandes villes, dont Paris, avec le Baron Haussmann. Les réformateurs comme Edwin Chadwick (1800-1890) en Angleterre ont plaidé pour l'amélioration des infrastructures sanitaires, notamment l'approvisionnement en eau potable, l'évacuation des eaux usées et la réduction de la densité des habitations.
Exemples d'urbanisme hygiéniste :
Les premières réglementations sur l'assainissement, la création de systèmes d'égouts, et la conception de parcs publics pour améliorer la qualité de l'air et offrir des espaces de loisirs aux citadins (comme Central Park à New York, achevé en 1873 après seize années de travaux conçu par Frederick Law Olmsted).
Naissance de l’urbanisme à Barcelone
2. Mouvement des cités-jardins (début du XXème siècle)
Face aux problèmes sociaux et sanitaires des villes industrielles, des alternatives ont été proposées pour concilier urbanisation et bien-être. Ebenezer Howard (1850-1928), un urbaniste britannique, a développé le concept des cités-jardins.
Les cités-jardins étaient conçues pour être des villes autonomes, combinant les avantages de la vie urbaine (emplois, services) et ceux de la campagne (air pur, espaces verts). Elles devaient être entourées d'une ceinture verte, avec des zones résidentielles aérées, des jardins et des parcs. Ce modèle a inspiré de nombreuses initiatives, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Il a favorisé l'idée que l'urbanisme devait offrir un cadre de vie sain, avec des espaces ouverts et des zones pour l'activité physique.
3.Modernisme et urbanisme fonctionnel (1920-1970)
Le début du XXème siècle a vu l'émergence de nouvelles idéologies en matière d'urbanisme, influencées par l'essor du modernisme et des progrès technologiques. L'urbanisme fonctionnel, promu par des architectes comme Le Corbusier (1887-1965), prônait la séparation des fonctions urbaines (résidentielle, commerciale, industrielle) pour rationaliser l'espace. Le Corbusier a proposé des modèles comme la « cité radieuse », construite à partir de 1945, avec de hauts immeubles entourés de grands espaces verts pour maximiser l'air et la lumière.
Contrairement à cette vidéo, qui est très positive, les grands ensembles qu’il a inspirés, souvent construits en périphérie des villes, ont parfois été associés à des problèmes sociaux, tels que l’isolement et la dégradation des conditions de vie.
Urbanisme de l'automobile
L'après-guerre a vu l'expansion des banlieues, avec des développements axés sur la voiture, souvent au détriment de la marche et des transports en commun. Bien que cela ait amélioré certaines conditions de vie, cela a aussi engendré des problèmes de sédentarité, de pollution et de déclin des centres-villes.
1952 : le Grand smog
4. Réforme urbaine (années 1970-2000)
À partir des années 1970, une prise de conscience croissante des problèmes environnementaux et des effets négatifs des modèles d'urbanisation basés sur le tout automobile a émergé.
Les concepts de développement durable ont commencé à s'imposer.
- Planification durable : L'accent a été mis sur la création de villes plus compactes et mieux connectées, favorisant la marche, le vélo et les transports en commun, tout en réduisant l'empreinte écologique des villes. Le tournant majeur dans l’émergence de l’urbanisme durable remonte à 1987 avec la publication du rapport Brundtland. Intitulé « Notre avenir à tous »
- Infrastructures vertes et résilience : De nouvelles approches comme l'intégration d'infrastructures vertes (parcs, corridors écologiques) ont été développées pour améliorer la qualité de vie, gérer les inondations et réduire les îlots de chaleur en milieu urbain.
- Écoquartiers : Des projets de rénovation urbaine et des écoquartiers (comme celui de Vauban à Fribourg en Allemagne) ont cherché à démontrer qu'il était possible de créer des quartiers autonomes, écologiquement responsables et favorables à la santé.
5. L’urbanisme favorable à la santé
Plus récemment, les crises de santé, telles que l'obésité, les maladies respiratoires dues à la pollution de l'air, et les impacts de la crise climatique, ont accéléré ces tendances. Le concept d’urbanisme favorable à la santé (UFS) a été initié en 1987 par le Réseau des villes santé de l’OMS Europe et formalisé en 2000 dans le guide “Pour un urbanisme centré sur les habitants”. L’idée est que les choix d’aménagement peuvent avoir un impact significatif sur le bien-être et la santé des populations.
• Minimiser les risques : pollution, bruit, chaleur, etc
• Protéger et prévenir : avoir une eau de baignade, planter des arbres, favoriser la mixité sociale, etc
En France, l’UFS a été soutenu par le ministère de la Santé est développé dans la recherche et la formation, notamment à l’École des hautes études en santé publique (EHESP).
Quelques pistes :
- Concept de "ville 15 minutes" : Le concept popularisé récemment vise à rendre la ville plus résiliente et agréable à vivre en garantissant que tous les services essentiels (travail, soins, éducation, loisirs) sont accessibles à pied ou à vélo en moins de 15 minutes.
- Smart cities et technologies : L’intégration des technologies dans les infrastructures urbaines, comme les capteurs de qualité de l'air, les applications de mobilité partagée et les réseaux intelligents, contribue à améliorer la santé des habitants en optimisant la gestion des ressources et en réduisant les risques environnementaux.
- Épidémies et urbanisme : La pandémie de COVID-19 a accentué l'importance de repenser l'espace public pour réduire la transmission des maladies, avec un retour des réflexions sur l'hygiène, la densité urbaine et l'accès à des espaces ouverts et sains.
On le voit, l'urbanisme favorable à la santé s'inscrit dans un continuum historique qui reflète l'évolution des préoccupations sanitaires, sociales et environnementales liées à la ville.
Aujourd'hui, l'urbanisme favorable à la santé (UFS) est un domaine multidisciplinaire qui mobilise à la fois la planification urbaine, la santé publique, l'écologie et les sciences sociales pour améliorer la qualité de vie des populations urbaines.
Pour aller plus loin :
Quand l’urbanisme se met au service de la santé et du bien-être
Le Monde (2020) : « Peste, choléra, tuberculose… les épidémies ont modelé nos villes »
Histoire des pavés parisiens :
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